Chavez laisse un pays dangereusement dépendant du pétrole
Le déficit budgétaire approche les 20%, la dette a été multipliée par 10 depuis 2003, l'inflation est galopante. Et ce malgré la manne pétrolière.
Après quatorze ans à la présidence du Venezuela, Hugo Chavez, le leader révolutionnaire bolivarien, laisse un pays engagé dans une crise économique. Officiellement, selon l'institut Provea cité par TalCual (lien en espagnol), la pauvreté a reculé de 72% entre 1997 et 2011. Mais la manière controversée d'exercer le pouvoir du président défunt a créé un contexte difficile autour de la dépendance chronique des recettes tirées du pétrole. Explications.
Une économie en crise
"Le président Chavez a légué une crise économique historique à la nation", assène dans El Pais (lien en espagnol), Moisés Naím, ancien ministre du Développement et membre de la Fondation Carnegie pour la paix. Et de citer en vrac "un déficit budgétaire approchant 20 % du PIB", "une dette multipliée par 10 depuis 2003", "l’un des plus forts taux d’inflation au monde".
La hausse des prix est passée de 26,1% en 2011 à 31,6% en 2012, selon le moniteur du commerce international. Moisés Naím évoque aussi "un marché noir où le dollar américain coûte quatre fois le prix fixé par le gouvernement", situation à laquelle la nouvelle dévaluation du bolivar, la monnaie nationale, le 8 février, n'a pas suffi à remédier.
Au quotidien, l'approvisionnement des consommateurs est désorganisé. Le Venezuela connaît des pénuries récurrentes de matières premières et notamment des produits agricoles de base, comme le raconte RFI.
Un Etat pétro-dépendant
Sous la présidence de Chavez, le pays est devenu le premier producteur de pétrole au monde et, comme le souligne Le Figaro, l’or noir représente désormais 95% des exportations du Venezuela. Le pays vit "par et pour le pétrole", confirme à francetv info Jean Jacques Kourliandsky, chercheur spécialiste de l'Amérique Latine à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégique). Mais selon lui, cet échec de la diversification du pays "ne date pas de Chavez". Il a simplement poursuivi, accéléré et accentué une tendance établie. "Sa seule réussite économique, c’est d’avoir trouvé des alliés au sein de l’OPEP (Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole), pour diminuer la production et ainsi faire augmenter le prix du baril", décrypte Jean Jacques Kourliandsky.
En parallèle, Hugo Chavez a mis la main sur la société pétrolière nationale, la PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) pour en redistribuer les bénéfices vers les plus défavorisés. "Mais là encore, si on ne peut que reconnaître son bilan social, la production de pétrole ne cesse de diminuer et on peut se demander si cette ponction sur les revenus de la société n’a pas été réalisée au détriment des investissements nécessaires", note le chercheur. Et de souligner l'exil de nombreux ingénieurs et techniciens lors de la reprise en main de la société.
PDVSA est une société qui a perdu en productivité et en efficacité. Un grave accident vraissemblablement dû à un défaut de maintenance dans l’une des principales raffineries du pays, à Amuay, en août 2012, accrédite cette thèse.
Une situation menacée
Malgré tout, le pays est extrêmement dépendant du cours du baril de pétrole utilisé pour financer les programmes d'aide sociale. "Le taux de pauvreté, officiellement, a diminué de 72 %. On peut discuter le chiffre, mais la pauvreté a reculé, c’est incontestable", constate le géographe Alain Musset, spécialiste de l’Amérique latine à l'EHESS, interrogé par Ouest France. Selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, cité par Diarioinforme.net, (lien en espagnol), 29,4% de la population vivait au-dessous du seuil de pauvreté en 2011, le chiffre le plus bas de ces trois décennies.
"Le Venezuela conserve une économie de rente. Si le cours du pétrole s’effondre, le pays s’effondre", insiste Alain Musset, spécialiste de l’Amérique latine à l'EHESS. Au-delà du social, c'est tout le pays qui a besoin de ressources. Les importations totales du pays ont bondi de 13 000 millions de dollars (près de 9 955 millions d'euros) en 2003 à 50 000 millions aujourd'hui. Pour tenter d'éviter les pénuries, l'Etat subventionne largement les biens de première nécessité : lait, pain, sucre, oeufs, etc.
"Lorsque le gouvernement, dit populaire, d'un pays pétrolier a priori très rentable, donne ou vend à pertes, ce qui revient au même, des biens de première nécessité à sa population, logiquement, ce fonctionnement peut se résumer à une simple maxime : "du pain pour aujourd'hui et la faim pour demain", décrypte le journal de Caracas Tal Cual, cité par la revue de presse de France Culture.
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