Cinq questions sur la condamnation de Jérôme Kerviel
L'ancien trader de la Société générale a été condamné, mercredi en appel, à trois ans de prison ferme et à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts.
JUSTICE - L'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel a été condamné, mercredi 24 octobre, à cinq ans de prison dont trois ans ferme par la cour d'appel de Paris. Il devra également payer 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, soit le montant de la perte annoncée par son ancien employeur. Il a annoncé sur RTL son intention de se pourvoir en cassation.
Cette condamnation pose à nouveau de nombreuses questions autour de cette affaire.
Quelle différence avec sa première condamnation ?
Aucune. L'ancien trader a écopé de la même sentence que lors du procès en première instance, en 2010. Cinq ans de prison, dont trois ans ferme, et 4,9 milliards d'euros à rembourser, c'est en revanche moins que ce qu'avait requis le parquet en juin dernier. A l'époque, l'avocat général avait qualifié Kerviel de "pervers et manipulateur" et avait réclamé cinq ans de prison ferme. Mercredi, si elle a été plus clémente, la cour d'appel a une nouvelle fois donné raison à la Société générale.
De quoi est-il reconnu coupable ?
Principalement de tromperie. Le condamné a été reconnu coupable d'"abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction frauduleuse de données dans un système informatique". Au cours de l'année 2007 essentiellement, Kerviel a sciemment menti à sa hiérarchie pour dissimuler des positions extrêmement risquées qu'il faisait prendre à sa banque sur le marché des indices et autres produits financiers à hauteur de 50 milliards d'euros, menaçant la Société générale de faillite.
Une fois le pot aux roses découvert début 2008, le coup a été rattrapé par la Société générale en coulisses en vendant ces positions folles, mais la banque y a perdu 4,9 milliards d'euros.
Pourquoi dénonce-t-il une injustice ?
Parce qu'il se dit victime d'une machination. A peine sorti de la salle d'audience, son avocat, David Koubbi, a dénoncé une "justice lamentable". La ligne de défense de l'ancien trader, comme lors de la première audience, est que la banque était au courant de ses agissements risqués. Et qu'elle aurait voulu lui faire porter le chapeau pour des pertes liées en fait à la crise des subprimes en 2007-2008. Cette "théorie du complot", qualifiée de "n'importe quoi" par Daniel Bouton, l'ancien PDG de la Société générale, a été appuyée par des témoins entendus lors du procès, mais qui n'ont pas pour autant pu apporter de preuves tangibles.
Va-t-il vraiment rembourser 4,9 milliards d'euros ?
Non, a priori. Juridiquement, la cour d'appel n'avait pas d'autre choix que de condamner Jérôme Kerviel à payer des dommages et intérêts correspondant au préjudice provoqué. Mais il est évident que peu d'hommes sur terre peuvent s'aquitter d'une telle amende. La Société générale a d'ailleurs promis mercredi de se montrer "réaliste" face à une somme qui représente, d'après RTL, 386 892 années de Smic. Même à l'époque où il gagnait confortablement sa vie, il aurait fallu près de 3 800 ans à Jérôme Kerviel pour rembourser une telle somme.
Or aujourd'hui, l'ancien trader est au chômage. Au final, il va devoir rembourser cette somme toute sa vie en trouvant un arrangement avec la Société générale : il sera probablement ponctionné sur son futur salaire, puis sur sa retraite. En revanche, une partie de ses revenus, correspondant à ses besoins primaires comme se loger et se nourrir, est "insaisissable".
L'affaire Kerviel est-elle finie ?
Non, il se pourvoit en cassation. "Je suis totalement effondré, je ne comprends pas le jugement rendu, je me pourvois en cassation sans hésitation", a déclaré l'ancien trader au micro de RTL.
Plus tôt mercredi, c'est libre que Jérôme Kerviel avait quitté le palais de justice de Paris, la cour d'appel n'ayant pas émis de mandat de dépôt à son encontre. A la sortie du tribunal, son avocat, David Koubbi, avait reconnu avoir "échoué".
L'avocat avait alors évoqué une possible nouvelle étape judiciaire : "Nous allons continuer de soutenir M. Kerviel dans le combat qu'il mène", avait-il prévenu, évoquant déjà la possibilité d'un pourvoi en cassation. Si cette démarche aboutissait, et si la Cour de cassation trouvait à redire sur la décision rendue mercredi, il pourrait alors y avoir un troisième procès Kerviel.
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