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Comment le FN veut conquérir le siège de Jérôme Cahuzac

La présidente du Front national, Marine Le Pen, s’est rendu samedi 4 mai dans la circonscription de l’ancien ministre socialiste, à quelques semaines de l’élection législatives partielles qui doit élire son successeur.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Marine Le Pen à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), le 4 mail 2013. (NICOLAS TUCAT / AFP)

Ils sont venus pour elle. A Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), Marine, 24 ans, et Christophe, 31 ans, frontistes convaincus, n’ont qu’un nom à la bouche : Marine Le Pen, en visite ce saemdi 4 mai dans le département. "Les gens vont l’écouter et peut-être qu’ils comprendront", veut croire Marine, qui travaille dans une maison de retraite. “Même s’il neige, je l’attendrais”, confie Christophe, alors que le soleil peine à percer les nuages. “C’est vraiment top qu’elle vienne à Villeneuve”, s’enthousiasme ce charpentier au chômage. 

Cette visite dans le Lot-et-Garonne était prévue de longue date, elle tombe à pic pour Marine Le Pen à quelques semaines de la législative partielle organisée après la démission de Jérôme Cahuzac. La perspective de gagner un troisième siège de député à l’Assemblée nationale a poussé la leader frontiste à modifier son programme. Avant Agen, elle a décidé de faire un saut au marché de Villeneuve-sur-Lot pour lancer la campagne.

Elodie, Marine et Christophe, le 4 mai 2013 sur le marché de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

"La ruralité abandonnée par la droite et la gauche"

Porté par les bons résultats enregistrés dans l’Oise en janvier, avec une courte défaite au second tour, le FN veut faire de ce scrutin, à moins d'un an des municipales, un nouveau test national. "Les électeurs de cette circonscription portent les espérances d’un peuple qui ne peut pas exprimer son désir de changement", déclare Marine Le Pen à son arrivée dans la ville. L’objectif, faire mieux que les 15% enregistrés aux législatives de 2012, se qualifier au second tour et, pourquoi pas, l’emporter sur cette terre "emblême de la ruralité abandonnée (...) par la droite comme par la gauche".

Le Front national a bien muri sa stratégie. D’abord, parler le moins possible de Jérôme Cahuzac et éviter de donner l’impression d’exploiter l’affaire. "C’est comme si vous accusiez un médecin de surfer sur la maladie, se défend Marine Le Pen. Il ne surfe pas, il guéri."

Un nouveau candidat à la "ligne politique très sure"

Ensuite, le parti s’est offert un nouveau visage. Exit Catherine Martin, commerçante pied noir, figure locale du Front et candidate contre Jérôme Cahuzac en juin 2012. C’est Etienne Bousquet-Cassagne, un étudiant de 23 ans candidat dans la circonscription voisine en 2012, qui porte les couleurs du Front. "J'apporte un peu de renouveau", se félicite le jeune homme. "Il représente la jeune génération française qui n’a plus envie de rester spectateur d’un jeu politique dont on leur a expliqué pendant des années qu’il n’était pas pour eux", développe Marine Le Pen.

Etienne Bousquet-Cassagne dans le nouveau local du Front National du Lot-et-Garonne, le 3 mai 2013 à Agen (Lot-et-Garonne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Etienne Bousquet-Cassagne illustre aussi à merveille la nouvelle orientation que souhaite donner Marine Le Pen à son parti. Il parle plus volontiers des "PME accablées de charges" et des agriculteurs qui "subissent les diktats de l’UE" que d’immigration ou d’insécurité. "Il est secrétaire départemental depuis deux ans et sa ligne politique est très sure. Il a une excellente formation, qui lui permet de réagir avec justesse", explique Hélène Collet, la représentante du FN à Agen. "Catherine Martin a un côté plus versatile et imprévisible", poursuit-elle. 

“Il est jeune, mais l’idée qu’il défend ne l’est pas”

Qu'importe si cette dernière a refusé d’être suppléante, et si le jeune homme, qui ne pourra pas voter les 16 et 23 juin puisqu’il vit dans la circonscription voisine, souffre d’un léger déficit de notoriété. La majorité des sympathisants frontistes rencontrés sur le marché ne le connaissent pas. "Je ne sais pas qui c’est mais l’important pour moi, c’est l’étiquette", précise Jeanne, 70 ans, ancienne militante UMP qui votera FN cette fois-ci. Qu'importe enfin si l’étudiant n’a pas une idée très précise de ce qu’il fera s’il est élu. "Je me battrai avec les deux autres députés du Front national pour soutenir tout ce qui va dans le bon sens (...) Je suivrais les consignes du FN qui vont m’orienter dans mon mandat", assure-t-il. 

En face, les autres partis ne sont pas dupes. "Nous avons un Front national qui cherche à se donner une image de virginité, analyse Bernard Barral, 66 ans, finaliste de la primaire socialiste. Leur symbole, c’est Jeanne d’Arc, la pucelle d’Orléans, et leurs élus sont des puceaux politiques comme Marion Maréchal Le Pen, Gilbert Collard ou Etienne Bousquet-Cassagne."

Bernard Barral, candidat à l'investiture socialiste, le 4 mai 2013 à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Sur le marché comme lors du meeting organisé la veille par le Front de gauche, les militants de gauche se font un plaisir de rappeler que le compte suisse de leur ancien député a été ouvert par un proche de Marine Le Pen, Philippe Péninque. Le discours économique du FN n’est qu’une illusion pour eux. "Il est jeune, mais l’idée qu’il défend n’est pas jeune du tout", observe Garay Ignace, militant NPA de 62 ans.

"On aide trop les gens qui ne travaillent pas"

De fait, le discours frontiste traditionnel, sécuritaire et xénophobe, n’est pas bien loin. Chez les électeurs d’abord. "On est français, on a une carte d’identité et on se fait enculer", s’agace Elodie, jeune mère et vendeuse, qui en veut aux "immigrés qui touchent le RSA". "Il faut que la France redevienne française", abonde Jeanne. "On aide trop les gens qui ne travaillent pas", ajoute Julien, peintre en bâtiment de 26 ans.

Le nouveau local du Front national à Agen (Lot-et-Garonne), le 3 mai 2013. (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Chez les dirigeants locaux ensuite. L’affiche controversée "Non à l’islamisme" est épinglé au mur de l’appartement de deux pièces où le FN a installé son local à Agen. "L’insécurité dramatique est essentiellement une conséquence de l’immigration massive", se désole Hélène Chollet, avant d’expliquer que "la présence islamiste est de plus en plus tangible" dans le département.  

“Marine présidente" vs "Marine la facho"

Ce nouveau visage sera-t-il payant dans les urnes ? Selon la police, près de 250 personnes (sympathisants, badauds et journalistes compris) se sont pressés dans les rues de Villeneuve-sur-Lot pendant l'heure de visite de Marine Le Pen. Des applaudissements et des “Marine présidente” ont fusé auxquels ont répondu la cinquantaine de sympathisants de gauche par des “Marine la facho”.

Cette visite aura au moins remobilisé les troupes. "C’était excellent, je ne m’attendais pas à voir autant de monde. Je n’ai plus de voix", témoigne Marine, qui envisage désormais de militer. La jeune femme, comme quelques autres, a joué des coudes pour serrer la main de Marine Le Pen et la prendre en photo. Elle regrette cependant de ne toujours pas connaître le candidat et que ce dernier soit peu présent sur le terrain. Il reste désormais un mois au candidat Etienne Bousquet-Cassagne pour tenter de transformer l'essai.

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