Conflits d'intérêts, casting de juges : les à-côtés peu reluisants de l'affaire Contador
Le coureur espagnol a été condamné, lundi, à deux ans de suspension par le Tribunal arbitral du sport. Une institution objet de vives critiques, plus ou moins étayées.
Il a fallu 565 jours au Tribunal arbitral du sport (TAS) pour condamner, lundi 6 février, pour dopage Alberto Contador, le cycliste espagnol qui a, selon ses dires, mordu dans un steak dégoulinant de clenbutérol, le 20 juillet 2010. La thèse de la viande contaminée a finalement été rejetée par les juges. Ils ont déchu le coureur de son Tour de France 2010 et de tout son palmarès accumulé depuis. A cela, ils ont ajouté deux ans de suspension qui entraînent une mise à l'écart du coureur jusqu'en août. Donc pas de Tour de France 2012 ni d'épreuve sur route des Jeux Olympiques pour l'Espagnol.
Le plus incroyable dans cette histoire - en dehors de l’argumentaire de la défense de Contador -, ce sont les pressions exercées sur les juges, accusés par les uns d'être vendus à Contador, et par les autres, d'être des justiciers sanguinaires.
• Le TAS, une chambre où les accusés choisissent leur juge
Quand on est jugé par le TAS, qui siège à Lausanne (Suisse), on ne comparaît pas devant un juge nommé par une autorité supérieure. Comme pour un film, chaque partie prenante effectue son casting en choisissant dans une liste d'arbitres habilités à juger. Chaque camp épluche donc les décisions prises précédemment par les arbitres pour tenter de trouver celui qui leur sera le plus favorable.
La chambre du TAS chargée de juger Contador comptait trois juges. Le chef, Efraim Barak, a été nommé par le TAS lui-même. Un deuxième a été choisi par la défense de Contador et le dernier a été adoubé par l'Agence mondiale antidopage (AMA) pour l’accusation. Contador a opté pour un juge réputé dur sur les questions de dopage, souligne le site de la RTBF belge, mais compréhensif dans les affaires de clenbutérol, le produit incriminé. Etrangement, le choix de l'AMA s'est porté sur un magistrat qui a voté contre la suspension d’un coureur dans d'autres cas médiatiques.
Ce mode de désignation laisse franchement à désirer. Le fait d'avoir à choisir dans une liste fermée d'arbitres est contraire aux traités internationaux (la convention de New York fait référence - lien PDF). En plus, ceux-ci sont parfois salariés d’organisations internationales, comme la Fédération internationale de football ou l’Union cycliste internationale, ce qui en dit long sur leur "indépendance". Faut-il ensuite s'étonner des polémiques sur la partialité des juges ?
• Contador en Israël... pour faire du tourisme ?
Le président de la chambre arbitrale du TAS en charge de l'affaire Contador, Efraim Barak, est israélien. Du coup, en janvier dernier, le stage d'avant-saison de l'équipe Saxo Bank, à laquelle appartient aujourd’hui Contador, dans ce pays a été vu d'un œil soupçonneux. Aucune équipe de renom n'y effectue jamais ce genre de voyage. "La coïncidence est très troublante", écrit le blog spécialisé La Flamme rouge. Contador et Saxo Bank sont restés deux semaines dans l'Etat hébreu et y ont notamment ouvert une école de vélo (voir la vidéo ci-dessous, en anglais).
Signe que ce voyage a causé un certain malaise, la publication de la décision des juges a été reportée d'une semaine fin janvier, le temps que les accusations de conflit d'intérêt se dégonflent, remarque le site australien SBS.com (en anglais). Des esprits mal tournés ont même vu un autre conflit d'intérêt dans le fait que Contador participe ensuite à une course en Argentine... pays de naissance du juge Barak. Réponse du TAS, cité par cyclingnews :"Le juge Barak n'a pas de lien avec le monde du cyclisme et le gouvernement israélien. Il n'est pas à vendre. Nous sommes confiants quant à son indépendance."
• Soupçons sur un lobby espagnol
Des rumeurs de récusation de Barak ont circulé un temps sous prétexte qu’il a donné plusieurs conférences en Espagne, pays de Contador, l'une organisée par la Fédération espagnole de foot, l'autre par l'agence antidopage du pays. Pour ne rien arranger, il est lié à l'Espagne depuis plusieurs années, y donnant des cours et faisant partie d'une association de recherche sur le sport (voir son profil sur le LinkedIn israélien). Des rumeurs restées sans suite.
• L'affaire de l'expert bâillonné
Comme le rapporte le site spécialisé road.cc (en anglais), les représentants de l'AMA ont failli claquer la porte après que Barak leur a interdit d'auditionner un spécialiste des substances plastiques. En effet, on a retrouvé des traces de cette matière dans plusieurs des échantillons de sang de Contador, mais pas dans le prélèvement qui contenait du clenbutérol. Il n'empêche, ces traces de plastique peuvent indiquer une transfusion sanguine à l'aide de poches de sang réfrigérées, histoire de finir le Tour avec du sang frais. Ou alors être la conséquence d'avoir bu dans une bouteille en plastique, font remarquer les défenseurs du coureur.
Si Contador avait été blanchi, l'AMA aurait pu demander devant la justice pourquoi on n'avait pas voulu écouter son expert, explique un avocat spécialisé sur le site Velonation (en anglais). Le cas ne se posera pas, car Contador a perdu ou presque. Le coureur a 30 jours pour faire appel de la décision. Cependant, même s'il le fait, et il y a de grandes chances que ce soit le cas, d'après RMC, la sanction du TAS ne sera pas levée.
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