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Coupe du monde 2018 : Guerrero, le Péruvien qui a invoqué des momies pour échapper à sa suspension pour dopage

L'avant-centre n'aurait jamais dû jouer contre les Bleus. Il y a sept mois, il a écopé d'un an de suspension après qu'un dérivé de cocaïne a été détecté dans ses urines. C'était sans compter sur l'ingéniosité de ses avocats.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'attaquant péruvien Paolo Guerrero lors du match de Coupe du monde entre son équipe et le Danemark, à Saransk (Russie), le 16 juin 2018. (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)

En espagnol, son nom de famille veut dire "guerrier". Paolo Guerrero a bien mérité ce patronyme. Après une année de bataille judiciaire acharnée, le Péruvien a gagné le droit de disputer la Coupe du monde en Russie, la première de son pays depuis 1982. Une histoire incroyable, mélange de Scarface et du Temple du soleil, qui trouvera peut-être son apothéose face à la France, jeudi 21 juin. 

L'affaire Guerrero commence en novembre dernier. La Fifa annonce la suspension du joueur pour un an, après qu'on a retrouvé dans ses urines de la benzoylecgonine, un dérivé de la cocaïne produit par l'organisme. Toute drogue récréative qu'elle est, la cocaïne figure sur la liste des produits interdits car elle peut avoir un effet sur la performance des sportifs, notamment en atténuant la douleur. Le rêve de Mondial de Paolo Guerrero s'écroule. Quelques semaines plus tôt, il avait pourtant qualifié son pays pour la Coupe du monde en Russie en inscrivant le but victorieux face à la Nouvelle-Zélande dans un improbable barrage intercontinental. 

Le retour des momies de Llullaillaco

Le joueur a une ligne de défense. Il le jure : point de ligne sniffée, juste un thé aux feuilles de coca absorbé avant un match. L'attaquant de Flamengo, un des meilleurs clubs brésiliens, embauche alors les avocats les plus réputés du pays pour plaider sa cause. Car Guerrero est une icône au Pérou. Son biopic a battu le record du meilleur démarrage au cinéma dans le pays. Qu'il rate la Coupe du monde est inenvisageable.

Ses avocats se creusent la tête pour bâtir un dossier solide, sans négliger des options inattendues. A la faveur d'une rencontre avec un archéologue spécialiste de la civilisation inca, ils accouchent d'une idée apparemment farfelue, mais qui peut renforcer la défense de leur client : convoquer à la barre les "enfants de Llullaillaco".

En 1999, des archéologues découvrent ces trois momies d'enfants sacrifiés pour les dieux incas quelque quatre siècles plus tôt, au sommet du volcan Llullaillaco, en Argentine, alors lieu sacré de l'empire. Deux gamins de 4 et 5 ans, une ado de 13 ans, surnommée "La Doncella" ("la jeune fille"), figés dans la glace à plus de 6 700 mètres d'altitude et conservés en parfait état. Sélectionnés pour le sacrifice, ces trois enfants ont pu mâcher des feuilles de coca pour les aider à atteindre le sommet du volcan et atténuer les effets de l'altitude, du froid, de la faim, de la soif, et peut-être de la peur. Lors des tests scientifiques menés sur les momies quinze ans plus tard, les experts ont découvert, entre les dents de la plus âgée, des traces de benzoylecgonine. Trois cents ans avant l'invention de la cocaïne.

Qu'est-ce que cela prouve ? Pour le camp Guerrero, que la benzoylecgonine peut rester plusieurs siècles dans l'organisme, donc que rien ne prouve que le joueur a pris un produit pour booster ses performances juste avant le match. "Nous n'avons pas articulé notre défense autour de ce point, mais cela renforce notre argumentation", explique l'avocat Bichara Neto au site brésilien UOL Esporte.

Ses partisans remplissent le stade de Lima

D'autres arguments plaident en faveur de l'attaquant péruvien. A commencer par la jurisprudence : le gardien brésilien Zetti a lui aussi été contrôlé positif à la benzoylecgonine lors d'un match à La Paz (Bolivie) en 1993. Lui aussi affirme avoir bu une boisson, du maté, infusé au coca dans son hôtel. Sa défense avait convaincu la Fifa, qui l'avait blanchi.

De quoi faire infléchir la fédération internationale ? A quelques semaines du Mondial, ses partisans organisent une grande manifestation au Estadio Nacional, le grand stade de Lima. Joueurs, dirigeants, politiques et supporters bien sûr.... Tous répondent présents.

Après cette démonstration de force, une autre, mais de solidarité cette fois. Les capitaines des adversaires du Pérou en phase de poules, dont le Français Hugo Lloris, écrivent une lettre pour demander grâce. "Disputer une Coupe du monde est un moment unique dans une carrière, justifie le gardien des Bleus en conférence de presse avant la rencontre France-Pérou. C’était tout simplement faire acte de solidarité pour un joueur puni mais qui n’a pas cherché à tricher, se doper ou améliorer ses performances."

La supplique est partiellement entendue par un tribunal arbitral suisse, qui lève la suspension infligée à Guerrero deux semaines avant le Mondial, le temps de se pencher sur cette histoire de momies. En attendant, il peut participer à la compétition. "J'ai toujours su qu'on s'en sortirait, s'est félicité dans La Razon (article en espagnol) Petronila Gonzales, mère de Paolo Guerrero, qu'on surnomme "Doña Peta" au pays. Nous sommes bénis de Dieu." Peut-être même de Pachacamac, le dieu créateur du monde chez les Incas.

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