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Coupe du monde 2018 : l'Allemagne, le Brésil, la France... Pourquoi beaucoup de favoris galèrent au 1er tour

Alors que toutes les équipes ont joué un match, une première tendance se dessine lors de ce Mondial : les nations favorites sont loin de survoler les débats.

Article rédigé par Benoît Jourdain, Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les joueurs allemands Thomas Müller et Sebastian Rudy après la défaite 1-0 contre le Mexique lors de la Coupe du monde, à Moscou, le 17 juin 2018. (PATRIK STOLLARZ / AFP)

L'Allemagne et son cortège de stars au tapis, la Pologne de Robert Lewandowski surprise par le Sénégal, le Brésil et l'Argentine accrochés, la France et l'Angleterre qui s'imposent dans la douleur... Les grosses équipes ne sont pas à la fête en ce début de Coupe du monde. Parmi les favoris et les outsiders désignés, seule la Belgique s'est imposée largement (3-0 contre le Panama). Mais contrairement à ce qu'indique le score, la victoire des Diables Rouges n'a pas été une promenade de santé, puisqu'il a fallu attendre la second période pour qu'ils s'envolent. Mais pourquoi les cadors connaissent-ils une mise en route aussi compliquée ?

Parce que la préparation physique est (soi-disant) trop intense

Didier Deschamps avait avancé l'excuse d'une grosse préparation physique pour expliquer le nul poussif des Bleus face aux États-Unis juste avant le début du Mondial. Argument recevable ? Pas franchement, à en croire Julien Savigny, préparateur physique du club de Quevilly (N1) contacté par franceinfo : "L'excuse de la grosse préparation physique ne tient pas. Ce que font les joueurs de l'équipe de France, c'est de la régénération, des footings, des exercices avec ballon à faible intensité."

Pas question de s'enquiller une préparation d'avant-saison, destinée à refaire la "caisse" des joueurs, avant une grande compétition de quelques semaines. Les footings de 40 km en forêt ou les exercices de muscu qui faisaient vomir un Zinédine Zidane époque Juventus, ce n'est pas ce qui se pratique dans une équipe nationale en deux semaines de préparation. "Grâce aux outils modernes, le staff sait précisément dans quel état de forme sont les joueurs. Le but est surtout de les remettre à niveau. Un joueur comme Antoine Griezmann, qui a fait une saison à rallonge avec une finale européenne, n'a pas les mêmes besoins qu'un Benjamin Mendy, dont la saison a été tronquée par des blessures." 

Parce que les stars sont fatiguées

Si les gros piochent, c'est aussi parce que leurs stars ne sont pas en forme. L'Argentin Lionel Messi rate un penalty et est plutôt discret contre l'Islande ? Il sort d'une grosse saison avec le FC Barcelone, où il a remporté la Liga et la Coupe du roi et a porté son équipe (45 buts et 18 passes décisives en 54 matchs). Il affiche même le quatrième plus gros temps de jeu cette saison avant la compétition, avec 5 008 minutes. L'Uruguayen Luis Suarez a raté trois face-à-face contre l'Egypte alors qu'il a inscrit 26 buts cette saison ? Il est le sixième joueur le plus utilisé avec 4 969 minutes disputées avant cette Coupe du monde. Pourtant, les deux joueurs ont fait appel à un préparateur physique personnel (en espagnol) pour être prêts pour la Russie. L'Allemagne, dont la plupart des joueurs jouent en Bundesliga ou dans les autres grands championnats européens, "est assez inquiétante (...) au niveau physique", déplore Jacques Santini.

"Ces stars jouent tous dans des grands clubs, ils sortent de dix mois pleins avec 60 à 70 matchs dans les jambes. Ils n'ont pas ou peu coupé et sont repartis en stage avec leur sélection", note l'ancien gardien du PSG Jérôme Alonzo, contacté par franceinfo. Si on ajoute la pression, car ces stars se savent attendues, ce cocktail peut être nocif.

Du côté du Brésil, c'est le cas Neymar qui fait parler. Secouée par de rugueux Suisses, la star de la Selecao a écourté son entraînement mardi 19 juin en raison d'une douleur à la cheville. Il n'en fallait pas plus pour que le fantôme de sa fracture au pied droit contractée début mars ne ressurgisse. Cette blessure, qui l'a obligé à mettre un terme à sa saison, a contrarié sa préparation pour le Mondial. "Il n'est pas à 100% pour l'instant", regrettait Tite, le sélectionneur brésilien avant la rencontre face à la Suisse.

Finalement, parmi les stars, seul Ronaldo a pour l'instant répondu présent avec quatre buts en deux matchs. Pas forcément un hasard puisque Ronaldo a été régulièrement ménagé à Madrid pour être au top de sa forme lors des grands rendez-vous de la fin de saison avec son club et sa sélection. "Il a fini avec le Real en boulet de canon, observe Jérôme Alonzo. Mais les gens oublient que c'est un bourreau de travail. C'est le meilleur athlète au sens premier du terme. Il était programmé."

Parce qu'à ce stade, il n'y a pas vraiment de petites équipes

C'est un poncif, mais il se confirme de compétition en compétition : le foot mondial s'est nivelé. Les valises collées par les gros aux petits lors du premier tour ne sont plus une norme. En Russie, hormis la leçon donnée par le pays hôte à l'Arabie saoudite (5-0) puis son succès face à l'Egypte (3-1), et celui belge contre le Panama (3-0), aucune victoire n'a été adjugée par plus de deux buts d'écart. Après 17 rencontres, 42 buts ont été inscrits. Il y a quatre ans, au Brésil, on en comptait sept de plus à ce stade de la compétition.

"Ce qui a changé, c'est que les petites équipes sont parfaitement préparées physiquement, affirme Julien Savigny. Mis à part l'Arabie saoudite et dans une moindre mesure le Panama, on n'a pas vu des joueurs exploser physiquement en cours de match. Face à des équipes dont les joueurs ont joué beaucoup de matchs, le niveau peut s'équilibrer." Il ne faut pas non plus oublier que la plupart des joueurs jouent désormais en Europe. Sur les 736 joueurs, 470 évoluent sur le Vieux continent et leur niveau s'en ressent. "Par exemple, sept joueurs australiens jouent en Angleterre ou en Allemagne, ils ont une culture tactique et technique", analyse Jérôme Alonzo.

Parce que les favoris sont programmés pour les matchs couperets

A tout cela il faut ajouter la motivation des "petits" concurrents à ce stade de la compétition. "Les équipes soi-disant inférieures (...) se sont préparées psychologiquement depuis de longs mois pour ce match", décrypte Jacques Santini, sélectionneur des Bleus de 2002 à 2004, dans Le Parisien. Elles jouent leur va-tout face aux ogres, qui en gardent sous le pied pour le reste du Mondial et ne misent pas tout sur le premier match. "Il y a un décalage de motivation assez compréhensible. On avait l'impression que certaines équipes disputaient déjà leur finale alors que les autres débutaient. Le Mexique ou l'Australie, par exemple, étaient dans cet état d'esprit", éclaire Jacques Santini.

Du côté de la Mannschaft, après le revers initial, il a fallu rappeler des évidences. "Maintenant, c'est la Coupe du monde et on ne l'a toujours pas compris. On en parlait depuis trois jours. Plus, on ne pouvait pas faire. C'est clairement un rappel à l'ordre, bien qu'on en ait déjà eu deux ou trois", a pesté le défenseur Jerôme Boateng. Mais que les favoris se rassurent, une mise en route chaotique n'empêche pas d'être sacré : en 2010, en Afrique du Sud, l'Espagne avait perdu son premier match contre la Suisse (0-1) avant de triompher en finale face aux Pays-Bas. 

Parce que l'état de la pelouse laisserait à désirer

Et si tout n'était qu'une histoire de gazon ? Les pelouses russes n'ont pas réellement convaincu depuis le début de la Coupe du monde. Enfin surtout une, celle du Stade olympique de Sotchi, où ont eu lieu les rencontres Portugal-Espagne (3-3) et Belgique-Panama (3-0). "L'herbe est trop haute. Cela équilibre les forces, ce qui peut être une bonne chose pour le spectacle. Mais la pelouse mériterait d'être arrosée", a regretté le défenseur belge Thomas Meunier dans L'Equipe. Même constat lors du match des Bleus contre l'Australie, où la pelouse n'était pas totalement satisfaisante. "Ça peut être une explication, mais ça va virer à l'excuse, donc je ne vais pas aller sur cette argumentation. Elle était haute et sèche, oui, mais c'était le cas pour les deux équipes", avait avoué Didier Deschamps.

Alors si les grosses équipes galèrent, c'est parce que les jardiniers russes n'ont pas la main verte ? "Ce n'est pas un argument en cas de match raté, mais ce qui est sûr, c'est qu'une mauvaise pelouse nivelle par le bas, assure Jérôme Alonzo. Vous ne verrez jamais une super équipe faire un grand match sur une pelouse pourrie". Observateur attentif de cette Coupe du monde, il a noté que "même arrosées, les pelouses séchaient vite". Et cela n'aide pas "le jeu de transition rapide souhaité par les grandes équipes".

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