Coupe du monde 2022 : pour la première fois, les cinq équipes africaines engagées dans la compétition ont toutes des entraîneurs africains
C’est sans précédent et en un sens c’est la fin d’une forme de colonialisme. Pour la première fois dans l'histoire de la Coupe du monde, toutes les équipes africaines présentes au Qatar sont guidées par un entraîneur africain.
Le plus emblématique de ces entraineurs, c’est le sénégalais Aliou Cissé, un ancien joueur du PSG et de Montpellier. Il entraine le Sénégal depuis maintenant sept ans et au début de cette année 2022, il a conduit son équipe à son premier titre de champion d’Afrique lors de la Coupe d’Afrique des Nations. Aliou Cissé a 40 ans, il a été formé dans les clubs européens, mais il est revenu au pays et sa stabilité à la tête de l’équipe a vraiment valeur de symbole. L’entraîneur du Maroc, Walid Regragui, représente un autre symbole. Il a pris la tête de la sélection marocaine en août dernier seulement. C’est un symbole parce qu’il a pris la succession d’un entraîneur européen bien connu en France, Vahid Halilhodzic, ex-entraîneur de Nantes et du PSG.
Le Ghana, dominé 3-2 par le Portugal jeudi 24 novembre lors de son premier match dans ce Mondial au Qatar, est désormais entraîné par un Ghanéen, Otto Addo, ex joueur de Dortmund en Allemagne. Le Cameroun qui s'est incliné mardi 1-0 contre le Suisse possède un sélectionneur camerounais en la personne de Rigobert Song, lui aussi ancien joueur très connu. Enfin pour la Tunisie, le sélectionneur se nomme Jalel Kadri, c'est un ancien joueur tunisien. Tous sont donc ressortissants du pays qu’ils entraînent. Et à l’exception d’Aliou Cissé, tous ont été nommés cette année.
C’est la fin de ceux que l’on surnommait parfois les "sorciers blancs". Lors de la dernière Coupe du monde en Russie il y a quatre ans, trois des cinq équipes africaines étaient coachées par des étrangers : un argentin Hector Cuper, un franco-allemand Gernot Rohr, et un français, Hervé Renard. Hervé Renard, c’est l’un de ces très nombreux français à avoir dirigé des équipes africaines, avec Claude Leroy, qui a coaché six équipes nationales différentes, Alain Giresse, Bruno Metsu qui avait conduit le Sénégal en quart de finale du Mondial en 2002. Hervé Renard entraîne désormais l’Arabie saoudite.
En 2017, lors de la CAN, 13 des 16 équipes qualifiées avaient des entraîneurs "blancs" : français, belges, portugais, espagnol, serbe, etc. L’évolution est très récente même si paradoxalement ces entraîneurs étrangers sont loin d’avoir tous eu de bons résultats.
Une dimension postcoloniale
Il y a plusieurs raisons pour expliquer pourquoi autant d'entraîneurs étrangers se sont succédés à la tête d'équipes africaines : un manque de cursus de formation des entraîneurs dans les pays africains, le fait que les joueurs africains eux-mêmes jouent souvent en Europe, l’existence de véritables filières de placement de ces entraîneurs en Afrique. Mais surtout, il faut bien le dire, une vraie dimension postcoloniale. L’ancien patron de l’OM, Pape Diouf, avait dénoncé cette situation il y a quelques années. Il disait : "moi je suis une sympathique anomalie, on a l’impression sinon que le muscle reste black, et que l’intelligence est confisquée par les blancs. C’est une injustice." Et oui il s’est bâti comme ça une sorte de mythologie du "sorcier blanc" qui serait plus compétent qu’un entraîneur local.
La situation évolue mais on n’est pas au bout de l’histoire. Si on inverse le regard, on verra si un jour un entraîneur africain se retrouve à la tête d’un club européen ou d’une équipe nationale européenne.
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