"Je présente du mobilier d'artistes, de belles pièces d'art qui méritent d'être défendues" : Sophie Negropontes fait de sa galerie un lieu de découvertes pour les esthètes

Dans sa galerie parisienne, Sophie Negropontes mélange les influences et les sensibilités en se tournant vers l’art contemporain. Elle met au cœur de sa programmation le dialogue, l’échange et la rencontre.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Enfilade en marqueterie de laiton patiné d'Erwan Boulloud (2022) et installation en verre Perrin & Perrin (2018) présentées dans le cadre de l'exposition Mouvements à galerie Negropontes  à Paris, février 2024 (FRANCIS AMIAND)

La Galerie Negropontes, fondée en 2012 et dirigée par Sophie Negropontes, donne un souffle nouveau à l'art et au mobilier en montrant le travail d’artistes aux univers variés. Rencontre avec sa fondatrice dans sa galerie installée rue Jean-Jacques Rousseau à Paris.

Franceinfo Culture : Commençons par votre actualité, vous présentez l'exposition "Mouvements" jusqu'au 29 mars...
Sophie Negropontes : En fait, j'ai sélectionné des pièces chez les uns et les autres qui évoquaient le mouvement : le guéridon qui tourne de Mauro Mori, la bibliothèque de Gianluca Pacchioni, le mouvement sur les toiles de Benjamin Poulages, les pièces en bois et en relief d'Etienne Moyat... Ce sont des instantanés sur le mouvement ! 

Au mur, sur le socle et au sol, des oeuvres de Mauro Mori présentées dans le cadre de l'exposition "Mouvements" à la galerie Negropontes  à Paris, février 2024 (FRANCIS AMIAND)

Du 22 au 25 février, la Galerie participe pour la première fois à NOMAD St. Moritz, foire itinérante de l’art contemporain et du design.

Depuis plusieurs années, cette foire me sollicite. Et, cette année, j'y participe. Nous serons 30 à 35 exposants dans un hôtel, qui va être rénové. On aura chacun une ancienne chambre d'hôtel, brute avant rénovation. Je vais présenter plutôt de petits objets avec un mini-espace bijoux. Ce seront des objets différents de ceux exposés dans la galerie parisienne.

Comment est née cette passion pour l'art ?
Mon père était photographe, auteur d'ouvrages d’art et de productions télévisuelles. J'ai passé les premières années de mon enfance à enjamber des photos car, à l'époque, les maquettes d'un livre se faisaient à la main. J'ai rencontré des artistes, des critiques d'art qui gravitaient autour de mes parents. Je suis une autodidacte qui a développé une passion pour l'art ! J'ai passé énormément de temps dans les musées : quand je vais dans une ville, je reproduis ce que je faisais avec mes parents, la visite de musées in extenso. À tel point que je me souviens parfaitement de la place de tel Bosch dans une salle - si cela n'a pas changé de place - et alors que je suis allée à l'âge de 14 ans au Prado et que je ne suis pas retournée à Madrid depuis. De même qu'aux Offices, je visualise un Parmigianino que j'aimais beaucoup. À Paris, j'ai aussi passé pas mal de temps dans les salles des ventes à accompagner des gens. 

Sophie Negropontes, fondatrice de la galerie Negropontes à Paris (FRANCIS AMIAND)

Quel est votre parcours ?
Je suis née en Roumanie, j'y ai vécu douze ans. Je suis arrivée en 1976 à Paris. J’ai fait toutes mes études en France, une école de commerce à Lyon. Je suis partie en 1988 à Hong Kong où j'ai travaillé pendant un an dans les parfums. À mon retour en France, j'ai travaillé pendant 14 ans dans le textile, puis pendant six ans dans le web avec des créatifs sur de nouveaux produits.

Puis je me suis dit : je vais essayer de faire ce que j'aime avec mes propres compétences. Je fonctionne toujours de la même façon : j'ai des intuitions, je les vérifie et après cela se transforme assez subrepticement en convictions. C'était presque sur un coup de tête que j'ai ouvert la galerie, rue de Verneuil, en 2012, puis j'ai déménagé rue Jean-Jacques Rousseau.

Tableaux de Benjamin Poulanges (2022), pièce unique présentée dans le cadre de l'exposition Mouvements à galerie Negropontes  à Paris, février 2024 (FRANCIS AMIAND)

Depuis votre première exposition qui rendait hommage aux œuvres photographiques de votre père, vous avez élargi votre champ d’action et proposez tous les deux/trois mois le travail d'une quinzaine de créateurs, designers, photographes, sculpteurs. 
La première vraie collection était un hommage à Brancusi, j'en avais envie, c'était mon ADN, en référence au livre de mon père sur ses œuvres en Roumanie. Ensuite, il y a eu des collections avec différentes inspirations. J'ai fait de l'édition en très petites séries ou des pièces uniques avec le designer Hervé Langlais, avec lequel je continue de travailler. Puis tous les ans, à partir de 2013, des artistes ont rejoint la galerie : Perrin & Perrin, Eric de Dormael, Benjamin Poulanges, Etienne Moyat...

J'ai beaucoup bossé au moment du confinement et j'ai même eu de nouveaux clients. C'était une époque assez curieuse ! Je me suis demandé de quoi j'avais envie. Ce que j'aime vraiment, c'est le travail avec des artistes et comment valoriser leurs propositions. C'est cela que j'avais envie de montrer. J'ai élargi le nombre d'artistes : Ulrika Liljedahl nous a rejoints, Benjamin Poulanges a élargi son panel, j'ai accentué ma collaboration, que j'avais déjà, avec la manufacture Pinton, en éditant en commun des pièces des artistes de la galerie pour la manufacture... Je peux faire encore des éditions mais je présente, surtout, du mobilier d'artistes, de belles pièces d'art qui méritent d'être défendues. J'ai bifurqué car j'ai rencontré des gens extraordinaires, passionnants. 

Installation bibliothèque en fer rouillé présentée dans le cadre de l'exposition Mouvements à galerie Negropontes  à Paris, février 2024 (FRANCIS AMIAND)

Fin 2023, vous avez ouvert un département bijoux. Vous avez demandé à certains de vos artistes de quitter leur pratique habituelle pour explorer ce domaine.

D'un côté, j'avais rencontré Jean-Christophe Malaval, que j'avais exposé pendant deux ans, il est sculpteur de petits objets, dont des bagues et des bracelets. En fréquentant ma galerie, il a commencé à faire des pièces un peu plus grandes, un travail de sculptures, comme ses vases avec son poulpe anamorphique, dont on a fait des éditions de bronze et de céramique.

De l'autre, j’avais été sollicitée par le Festival Parcours Bijoux qui m'avait demandé si je voulais postuler. Je raconte cela à mes artistes et certains comme la sculptrice Agnès Baillon, la joaillière grecque Elena Syraka, Benjamin Poulanges et Marc Deloche, entre autres, ont immédiatement adhéré à l'idée.

Bijoux d'artistes Sculptures, collaboration entre Benjamin Poulanges & Marc Deloche à la galerie Negropontes à Paris (FRANCIS AMIAND)

Des projets ?
On ouvre le 22 mars prochain un espace à Venise. J'y vais régulièrement pour les Biennales et je me suis dit que ce serait super d'y faire une exposition alors j'ai cherché un lieu. Après le confinement, j'ai vu la fondation Masieri. J'ai collaboré avec les architectes Roberta Bartolone et Giulio Mangano pour la rénovation. Le Palazzina Masieri est un petit palais sur quatre niveaux installé sur le Grand canal à la Volta del canal (dans le virage). Il a une façade 17e et la bâtisse à l'arrière a été réalisée par Carlo Scarpa dans les années 80. Cette histoire a du sens car c'est de l'ancien et du nouveau. Ce lieu a failli être rasé pour en faire un jardin. Venise est un vrai mélange qui fonctionne bien entre ancien, architecture ancienne, splendeur et contemporain. C'est parfaitement imbriqué.

On va y exposer de l'art sur les deux premiers niveaux : au rez-de-chaussée, des pièces de chaque artiste de la galerie parisienne et au premier étage Perrin & Perrin ainsi que trois pièces de Mircea Cantor, un artiste contemporain prix Marcel Duchamp. À Paris, à partir du 5 avril, on fera une installation identique. 

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