À la Bibliothèque nationale de France, cinq regards subliment les photographies d’Henri Cartier-Bresson
La Bibliothèque nationale de France propose de redécouvrir une partie de l’œuvre du photographe à travers le regard de cinq commissaires invités : François Pinault, Annie Leibovitz, Javier Cercas, Wim Wenders et Sylvie Aubenas.
La Bibliothèque nationale de France (BnF) expose actuellement le travail d'Henri Cartier-Bresson et propose un concept qui sort de l’ordinaire pour redécouvrir l’œuvre du photographe culte.
En se basant sur la Master Collection, une sélection de 385 photos faite par le reporter lui-même, le lieu d’exposition a demandé à cinq personnalités du monde culturel de jouer le rôle de commissaire invité : le collectionneur François Pinault, la photographe américaine Annie Leibovitz, l’écrivain espagnol Javier Cercas, le réalisateur allemand Wim Wenders et la conservatrice et directrice du département des estampes et de la photographie de la BnF Sylvie Aubenas.
Le résultat : une exposition composée de cinq espaces indépendants les uns des autres qui revisitent la Master Collection d’Henri Cartier-Bresson selon la subjectivité et la sensibilité des commissaires qui ont chacun choisi une cinquantaine de photos, sans connaître les autres sélections.
"Exposition à la BnF : Henri Cartier-Bresson, le maître du jeu" via @MarianneleMag https://t.co/ZRKKrwhThn
— Bibliothèque BnF (@laBnF) July 15, 2021
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L'histoire de la Master Collection
Dans les années 1970, Henri Cartier-Bresson est devenu un monument de la photographie. Grand reporter et artiste, il a photographié des scènes de vie aux quatre coins du monde, s’est fait emprisonner pendant la guerre et s’est évadé, a suivi des événements historiques, puis a co-fondé l’agence Magnum. Il décide alors de revenir à sa première passion, le dessin. C’est à ce moment-là que ses amis, les collectionneurs Jean et Dominique de Ménil, lui proposent de faire une sélection de ses meilleurs clichés : c’est la naissance de la Master Collection.
Il décide ensuite de faire six exemplaires des 385 tirages argentiques, tous au même format mais sans réel classement ou logique explicite. Ces six collections sont aujourd’hui réparties un peu partout dans le monde et en France, dans les trois institutions qui ont participé à l’exposition (la BnF, la Pinault Collection et la Fondation Henri Cartier-Bresson).
Des scénographies bien différentes
Chacune des cinq salles a son ambiance et son organisation. Les commissaires ont choisi les photos, mais aussi les couleurs, les cadres, la disposition... Chez François Pinault, les murs sont blancs, les cadres aussi. Il a fait le choix de la simplicité et du minimalisme et écrit avoir souhaité un “accrochage épuré, où chaque œuvre a sa place sans pour autant être isolée des autres” car “vérité, simplicité, humilité : à mes yeux, voilà ce qui caractérise l’œuvre de Cartier-Bresson".
Wim Wenders plonge sa sélection dans la pénombre, Annie Leibovitz choisit des cadres noirs, Javier Cercas ajoute également des petits films de Cartier-Bresson. Sylvie Aubenas opte pour des murs roses et des cadres élaborés et en bois. Sa salle est celle qui respecte le plus les codes habituels, comme les légendes qui sont en dessous des clichés. Dans les autres salles, il faut se reporter, avec un petit numéro, au guide donné au début de l’exposition.
On donne des éléments historiques et on rappelle comment “l’œil du siècle” a profondément marqué le huitième art. Javier Cercas, lui, ne fait pas de commentaires. Annie Leibovitz se livre et partage des souvenirs. Elle confie : “Voir l’œuvre de Cartier-Bresson m’a donné envie de devenir photographe” et explique avoir choisi les photos qui ont le plus influencé son travail et laissé “une trace indélébile dans mon esprit”.
Quotidien et universel, humour et émotion
Puisque chaque commissaire a fait sa sélection sans connaître celles des autres, on retrouve régulièrement un cliché plusieurs fois. Mais cette répétition n'est pas dérangeante : en fonction des autres photos et de l’ambiance de la salle, on ne voit pas les mêmes détails. C’est comme si les photos "avaient été conçues pour dire des choses différentes à chaque fois que notre regard se pose sur elles”, analyse Javier Cercas.
Henri Cartier-Bresson photographiait le quotidien, il était un “artiste de la vie, furtive, cocasse et familière”, selon François Pinault. Une part d’humanité ressort de chacun de ses clichés. L’anodin et le hasard sont une partie intégrante de son œuvre et sont venus satisfaire des passions de voyage ou d’enfance. On retrouve dans les cinq salles la diversité des classes sociales, des âges et des lieux capturée par Cartier-Bresson. Il a été un témoin historique d’une “violence guerrière et révolutionnaire”, rappelle Javier Cercas, comme celle de la guerre civile espagnole.
Celui qui a créé, avec d'autres photographes, sa propre agence pour conserver sa liberté de travail trouvait une situation et l’observait en attendant l’action parfaite pour composer son image. C’est un “maître dans l’intuition de la composition”, écrit Annie Leibovitz. Il confiait : “La prise de vue se situe à mi-chemin entre le jeu du pickpocket et du funambule." Les cinq commissaires valorisent à nouveau cet art maîtrisé à la perfection par Henri Cartier-Bresson.
Henri Cartier-Bresson, Le Grand Jeu à la Bibliothèque nationale de France
11 quai François Mauriac, Paris 13e. Du mardi au samedi de 10h à 19h et le dimanche de 13h à 18h. Réservation obligatoire en ligne. Jusqu’au 22 août 2021.
Vous pouvez compléter cette exposition avec celle du Musée Carnavalet, Henri Cartier-Bresson, Revoir Paris.
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