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Henri Cartier-Bresson photographe de Paris au Musée Carnavalet

Henri Cartier-Bresson a beaucoup voyagé mais il revenait toujours à Paris, où il se promenait, Leica à la main, pour saisir l'instant de grâce où les gens et les lignes de la ville formeraient une image exceptionnelle. Ses photographies de Paris sont à voir au musée Carnavalet.

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Henri Cartier-Bresson, "Les quais de Seine", 1955 Collection du musée Carnavalet – Histoire de Paris  (© Fondation Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos)

Le musée Carnavalet, qui vient de rouvrir ses portes après quatre ans de travaux, débute son programme d'expositions temporaires avec le Paris d'Henri Cartier-Bresson, photographe de la ville où il a vécu toute sa vie et qui est restée son port d'attache même s'il a beaucoup voyagé à l'étranger (jusqu'au 31 octobre 2021).

"Comme Henri Cartier-Bresson le disait, Paris était une espèce de "marmite", c'est là qu'il a fréquenté les surréalistes, qu'il a suivi les mouvements intellectuels, qu'il a été dans dans de nombreuses manifestations. Paris c'était vraiment un creuset, c'était son port d'attache", souligne Agnès Sire, la directrice artistique de la Fondation Cartier-Bresson et commissaire de l'exposition avec Anne de Mondenard, conservatrice en chef au musée Carnavalet. "En creux, dans l'exposition on retrouve un peu toute sa vie, jusqu'à son abandon de la photographie pour le dessin, lié à Paris."

L'exposition est le fruit de plusieurs années de travail, notamment dans les archives données par la photographe Martine Franck, veuve de Cartier-Bresson, à la fondation qui porte son nom. Les tirages, dont une trentaine d'inédits, et les reportages publiés dans des magazines, sont issus du fonds de cette dernière ainsi que des images données en 1984 au musée Carnavalet par celui qu'on a appelé "l'oeil du siècle".

Henri Cartier-Bresson, "Sous le métro aérien, boulevard de la Chapelle", 1951 Collection Fondation Henri Cartier-Bresson  (© Fondation Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos)

L'humain et la géométrie

Henri Cartier-Bresson (1908-2004) commence par étudier la peinture à l'atelier du cubiste André Lhote entre 1926 et 1928 et débute vraiment dans la photographie à la fin des années 1920. A cette époque il fréquente les surréalistes dont on peut voir l'influence dans ses images du début des années 1930, avec des mannequins, un buste ficelé sur une plateforme ou des déchets de viande sur un trottoir à la Villette. Un vendeur ambulant de balais à Montmartre évoque les petits métiers de rue d'Eugène Atget dont il admire le travail. "C'est au surréalisme que je dois allégeance, car il m'a appris à laisser l'objectif photographique fouiller dans les gravats de l'inconscient et du hasard", dira-t-il, même s'il l'abandonne au profit du photojournalisme quand il co-fonde l'agence Magnum en 1947 avec Robert Capa et David Seymour. 

Dès ses premières photographies, on remarque que l'humain est au centre de ses préoccupations, et aussi la géométrie, à laquelle il a été sensibilisé chez André Lhote. Une femme regarde un homme couché à terre dans la rue, la Seine ou les rails filent dans l'image.

"J'aime les humains", disait-il en 1973 dans une conférence qu'on peut écouter dans l'exposition. Il y explique aussi la "grande joie" que lui procure la géométrie, le fait que "tout soit bien en place", les "relations de courbes, de motifs, de lignes" qui se jouent à une "question de millimètres". L'arrondi du corps d'un homme lové par terre avec son chien sur les quais, un personnage qui se glisse entre les lignes des escaliers de la rue de Crimée, l'alignement parfait de plusieurs rangées d'arbres au jardin des Tuileries… Cartier-Bresson se promène dans la ville, toujours avec son Leica, à l'affut de ce moment un peu miraculeux où l'agencement est parfait, ce qu'on appellera l'"instant décisif". Il reste toujours un peu à distance des personnages, qui viennent se placer dans le décor. 

Les lignes de la Seine

A la fin des années 1930, le photographe est proche du parti communiste. Il saisit la force de la foule massée à un meeting porte de Versailles, devant une oratrice prise de dos. Pour des reportages commandés par Ce soir, quotidien dirigé par Aragon, et pour l'hebdomadaire Regards, il sort de Paris pour la proche banlieue. Il photographie un gamin d'Aubervilliers en haillons et l'air triste appuyé à une cabane en tôle, ou les loisirs populaires, les dimanches au bord de l'eau et les campings "de fortune" qui s'improvisent à Juvisy. Il y a cette image devenue iconique d'un pique-nique en bord de Marne où quatre personnes assises dans l'herbe, de dos, regardent la rivière. 

Pendant la guerre, Cartier-Bresson est capturé dans les Vosges, il s'évade et rejoint la Résistance. Au moment de la Libération, il est à Paris et suit l'événement, des barricades à la foule qui acclame De Gaulle.

Après la guerre, il court l'Asie, de l'Inde où il couvre la mort de Gandhi à Pékin où il assiste à l'arrivée de Mao. Mais de retour à Paris, il y poursuit ses promenades en quête d'images, où la Seine, les lignes de ses quais et ses promeneurs tiennent une place privilégiée. Il effectue aussi un reportage sur la ville pour le New York Times.

Retour au dessin

Le portrait est également présent dans l'œuvre parisienne d'Henri Cartier-Bresson, même s'il ne semble pas très à l'aise avec l'exercice. "C'est très difficile", dit-il dans le document cité plus haut, notamment parce que "les gens changent tellement devant l'appareil photo". Il aime les saisir dans leur environnement, sans les déranger, explique-t-il. Dès les années 1944-46, il photographie des peintres et des écrivains chez eux. 

Dans les années 1950-1980, son intérêt pour les luttes politiques qui secouent la société ne se dément pas et il semble avoir été sur le pavé à chaque manifestation : hommage aux victimes du métro Charonne, événements de Mai 68, mouvement des femmes, marche contre les exécutions dans l'Espagne franquiste, étudiants contre la loi Devaquet…

Pourtant, en 1972, à 64 ans, Henri Cartier-Bresson, sans poser tout à fait l'appareil photo, revient à une pratique plus méditative à son goût, celle du dessin. Les figures humaines disparaissent au profit des seuls arbres des jardins parisiens. En 1973, il disait d'ailleurs que pour lui, "photographier était un moyen de dessiner. De faire un croquis immédiat, intuitif, qu'on ne peut pas corriger".

Henri Cartier-Bresson, Revoir Paris
Musée Carnavalet
23, rue de Sévigné, Paris 3e
Du mardi au dimanche, 10h-18h, sauf 1er janvier, 1er mai, 25 décembre
Réservation obligatoire en ligne ou au 01 44 59 58 58

Du 15 juin au 31 octobre 2021

Parallèlement à cette exposition, la Fondation Henri Cartier-Bresson présente une exposition du photographe Eugène Atget (1857-1927), tirée de l'immense fonds du musée Carnavalet.

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