"L'Origine du monde" a-t-elle un visage ? Les doutes des experts
Selon "Paris Match", le fameux tableau qui représente le bas du corps d'une femme nue n'était qu'une partie d'une œuvre plus grande. Et un amateur d'art aurait retrouvé le haut. Mais les experts restent perplexes.
Les dessous d'une œuvre révélés par le haut. Et pas des moindres : L'Origine du monde, peint par Gustave Courbet en 1866, l'un des plus fameux tableaux de l'histoire de l'art. Ce sexe de femme, qui a longtemps fait scandale, ne serait qu'une partie seulement de l'œuvre initiale, révèle Paris Match, jeudi 7 février. Mieux : John, un amateur d'art, posséderait le portrait du modèle qui a posé pour l'artiste, qui serait issu lui aussi du tableau originel.
L'affaire est sérieuse. Jean-Jacques Fernier, expert de l'Institut Gustave-Courbet, a prévu d'inscrire le portrait au tome III du Catalogue raisonné de Gustave Courbet, en cours d'écriture. Contacté par francetv info, le musée d'Orsay se refuse à commenter une œuvre (le visage de la femme) "expertisée dans le privé". Mais selon nos informations, ses experts rejettent la thèse inédite défendue par Jean-Jacques Fernier. Une chose est sûre : la controverse est lancée.
"Que le musée d'Orsay accepte de décrocher le tableau !"
Me Philippe Rouillac est commissaire-priseur et spécialiste de Gustave Courbet. Contacté par francetv info, il livre son avis sur ces premiers éléments.
Pourquoi pas... A la lumière du portrait présenté dans Paris Match, il reconnaît quelques éléments intéressants : "Il y a le même coup de pinceau [que dans L'Origine du monde], la même souplesse. C'est techniquement assez troublant." En toute logique, si les deux tableaux appartenaient à la même œuvre, L'Origine du monde devrait également avoir les bords coupés. "C'est le cas, assure Philippe Rouillac, qui a assisté à l'installation de l'œuvre au musée d'Orsay, en 1995. La toile se prolongeait sur le bord et recouvrait le châssis derrière."
En revanche... Il se dit étonné par la position du visage : "A voir la silhouette du portrait, elle a l'air debout plutôt que couchée, alors que le bas, lui, est étendu dans des draps. Si elle est couchée, il faudrait comprendre sur quoi repose sa tête." Autre réserve, la provenance de l'œuvre, un antiquaire parisien. "Ce ne sont pas des idiots, quai Voltaire ! Et puis, il faudrait voir d'où provient l'œuvre, remonter la source d'une éventuelle vente aux enchères."
"Que le musée d'Orsay accepte de décrocher son tableau et qu'on place le portrait à côté ! réclame-t-il. Ce sont les proportions des deux tableaux qui vont nous aider." Pour autant, il ne se fait guère d'illusions. "Pour eux, c'est un challenge. C'est la carte postale la plus vendue du musée."
Un portrait acheté 1 400 euros chez un antiquaire
Selon Paris Match, tout débute en janvier 2010, lorsque John, un amateur d'art, acquiert le tableau dans la boutique d'un antiquaire parisien, pour 1 400 euros. De retour chez lui, il remarque que les bords de la toile ont été découpés et qu'elle n'est pas signée. Après quelques remarques encourageantes d'experts, il place l'œuvre dans un coffre-fort et s'enferme dans les bibliothèques pour découvrir l'identité de la femme, à partir d'avril 2012. Puis, une nuit... "Fébrile, il pioche L'Origine sur Internet, l'imprime grandeur nature (46 cm x 55 cm), la superpose à son tableau avec un léger décalage... Et c'est la révélation", raconte Paris Match. Mais pour le moment, cela ne prouve rien.
L'œuvre d'origine pourrait atteindre 120 cm sur 100
Juin 2012, bibliothèque du Louvre. John découvre une reproduction du tableau de Gustave Courbet La Femme au perroquet, grâce à laquelle il découvre l'identité de la femme dont il détient le portrait : Joanna Hiffernan, une Irlandaise, modèle et maîtresse du peintre. Après une enquête de quatre mois, il rencontre Jean-Jacques Fernier, expert à l'Institut Gustave-Courbet, "le seul à attribuer officiellement des œuvres du maître et à certifier ou non les hypothèses", explique Paris Match. Et le couperet tombe en août 2012 : la piste est sérieuse, mais ce n'est pas suffisant.
Le tableau passe alors au Centre d'analyses et de recherche en art et archéologie (Caraa). Les pigments, le tissu... "Tout correspond point par point", note Paris Match. Jean-Jacques Fernier lève ses réserves. Il imagine même un grand croquis, qui aurait inspiré le dessin de La Femme au perroquet. Selon lui, l'œuvre d'origine pourrait atteindre 120 centimètres sur 100.
Une révolution dans l'histoire de l'art, pour cette œuvre polémique et parfois jugée pornographique, au point d'être encore censurée sur le réseau social Facebook.
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