Mettez-vous dans la peau des chercheurs de la grotte Chauvet à la Cité des sciences et de l'industrie avec une exposition ludique et instructive
J'ai eu un jour le privilège d'entrer dans la grotte Chauvet, la vraie. C'était le 7 avril 2015 alors que je réalisais un reportage pour le journal de France 2. Cela reste l'un des plus beaux souvenirs de toute ma carrière, un moment hors du temps. J'avais le cœur battant en découvrant ces concrétions scintillantes comme des diamants, surgissant des ténèbres à la lumière des lampes de nos guides.
Très vite, j'ai aperçu une main dessinée sur une paroi. J'y ai vu comme une invitation à explorer cette caverne aux merveilles. Entrer dans ce lieu exceptionnel et se mettre, comme je l'ai fait, dans les pas des chercheurs qui l'explorent, c'est justement ce que propose l'exposition Grotte Chauvet, l'aventure scientifique, organisée jusqu'au 11 mai 2005 à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris.
Elle n'a pas la force de suggestion de la réplique de la grotte, Chauvet 2, inaugurée à Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche) en 2015, mais elle permet de comprendre de façon concrète comment travaillent les scientifiques in situ.
Depuis 1998 en effet, le ministère de la Culture autorise chaque année (excepté en 2024) durant quatre semaines une équipe pluridisciplinaire d'une douzaine de personnes à pénétrer dans la cavité pour l'étudier. Ces experts n'ont pas le droit de fouiller comme sur un site archéologique classique. Seulement d'observer, de faire des relevés et des clichés et d'effectuer de micro-prélèvements sur les parois, notamment pour la datation des œuvres. Chauvet daterait de -38 000 ans, soit 18 000 ans avant Lascaux.
Un état de conservation miraculeux
Il y a beaucoup de dioxyde de carbone dans cette longue cavité qui s'enfonce dans un escarpement calcaire. Carole Fritz, directrice de l'équipe de recherche de la grotte Chauvet, explique que "sur des milliers d'années, une réaction chimique s'est produite, créant une sorte de vernis sur les parois qui a conservé les œuvres dans un état exceptionnel". Comme un vernis sur une toile de maître. "C'est un vrai miracle", ajoute-t-elle.
Le visiteur de l'exposition est invité à enfiler la tenue des chercheurs – combinaison, baudrier, casque, bottes – pour éviter de contaminer le milieu. Ils doivent ensuite, comme je l'ai vécu, emprunter un boyau étroit qui descend en pente douce jusqu'au plafond de la grotte. Ils rejoignent ainsi l'échelle métallique qui a remplacé l'échelle de corde des trois spéléologues qui ont inventé (c'est le terme adéquat) cette grotte, le 18 décembre 1994 : Éliette Brunel, Jean-Marie Chauvet et Christian Hillaire.
Sur le sol, des passerelles métalliques de seulement 60 centimètres de large ont été placées. Les chercheurs et les rares visiteurs qui pénètrent dans Chauvet ont l'interdiction de s'en écarter. Roches, stalagmites, stalactites, vestiges d'animaux, traces de feux, empreintes… le sol est couvert d'indices qu'un simple pas de côté pourrait endommager, voire détruire.
Dans l'exposition, des photos montrent des chercheurs allongés sur ces minuscules passerelles, dans des positions improbables. On retrouve les noms et les visages de ces experts disséminés sur tout le parcours de cette exposition "à l'ancienne", composée de petits stands en bois modulables et réutilisables, éclairée par des lampes ballons comme dans la grotte. On peut regretter que la hauteur sous plafond de ce grand hall n'ait pas été réduite pour traduire le sentiment de confinement que l'on ressent dans la vraie grotte.
Des maquettes et des ateliers ludiques
Une coupe longitudinale, imprimée en 3D grâce aux fichiers des chercheurs, permet de visualiser la grotte telle qu'elle est aujourd'hui, assez plane, avec des volumes variés, des endroits où l'on ne tient pas debout et des salles plus vastes. L'éboulement d'une partie de la falaise a bouché l'immense porche qu'empruntaient les animaux et les hommes préhistoriques. Cet effondrement l'a protégée de toute intrusion et donc, de toute dégradation pendant 21 500 ans. Tout ce qui se trouve dans Chauvet date du paléolithique. "C'est comme une capsule temporelle", explique Christelle Guiraud, commissaire de l'exposition.
Une autre maquette replace la grotte dans le paysage tel qu'il était à l'époque, avec la vallée de l'Ardèche, le pont d'Arc déjà creusé dans la roche et une végétation de type glaciaire. Au total, 4 500 os d'animaux fossilisés dont 95% appartenant à des ours des cavernes (espèce aujourd'hui éteinte) ont été recensés dans la cavité ainsi qu'un millier de dessins et de gravures. Il y a également beaucoup d'empreintes.
Des jeux interactifs ont été créés pour mettre les visiteurs, dès l'âge conseillé de 9 ans, dans la peau des scientifiques. Ils peuvent par exemple s'essayer à la technique de la lumière rasante sur l'un des trois panneaux pariétaux reproduits dans l'exposition, celui d'une tête de cheval gravée dans la salle dite de la Sacristie. À l'aide d'une torche, ils vont pouvoir trouver des gravures masquées, presque invisibles à l'œil nu, et constater comment elles se superposent les unes aux autres dans une composition qui ne doit rien au hasard. La lumière rasante fait ressortir les reliefs que les artistes du néolithique savaient utiliser. Nom de cette technologie : la stéréo photométrie.
Les visiteurs pourront aussi admirer une vraie stalactite retrouvée cassée dans l'effondrement d'une partie de la grotte. Les scientifiques l'ont sciée en deux dans le sens de la longueur pour étudier l'empilement de couches dû aux dépôts de calcite qui se forment au fil des siècles. Il fournit des informations importantes pour la datation. Les experts de Chauvet dosent aussi à partir de ce vestige les isotopes de l'oxygène pour avoir des informations sur les climats. Il y a 38 000 ans, nous étions encore en période de glaciation.
Comment s'effectuent les datations ?
Avec la technique du carbone 14, on peut dater les êtres vivants : plantes, animaux. Elle permet de remonter jusqu'à -50 000 ans. Les scientifiques font des prélèvements microscopiques (de l'ordre de 0,1 milligramme) au scalpel, par exemple sur du charbon de bois trouvé au pied d'une paroi. Le visiteur peut aussi s'essayer à manipuler des perches de différentes longueurs équipées à leur extrémité d'appareils photos. Une manœuvre délicate que les experts dans la grotte effectuent toujours en duo.
Pour avoir des données précises, spatialisées et à l'échelle, ils ont recours à différentes méthodes de numérisation 3D, notamment la photogrammétrie. Cela permet de prendre un nombre important de photos pour reconstituer ensuite l'objet d'étude, en l'occurrence, un crâne d'ours des cavernes.
Autre atelier surprenant : celui dédié aux recherches en archéoacoustique. Un dispositif multimédia propose d'écouter des sons dans la grotte comme si on y était : pas d'homme, crépitement du feu et grognements d'ours des cavernes reconstitués à partir de sa boîte crânienne et de bruits d'ours d'aujourd'hui.
Le visiteur peut aussi s'enregistrer et écouter sa propre voix dans la grotte, comme s'il était lui-même un chercheur. Il peut enfin tenter de reproduire sur un écran tactile le travail des spécialistes de l'art pariétal en redessinant les animaux d'un panneau orné : un aurochs, des lions, des chevaux et un mammouth. Un effort de vulgarisation très louable qui donnera aux visiteurs l'illusion d'être entrés, eux aussi, dans la grotte... la vraie.
"Grotte Chauvet, l'aventure scientifique" jusqu'au 11 mai 2025 à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris, du lundi au dimanche de 10 à 19h pendant les vacances de la Toussaint. Tarifs : 10 et 13 euros. L'exposition s'installera ensuite le 1er juillet 2025 à Vallon-Pont-d'Arc.
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