Picasso, un artiste méditerranéen, au musée Picasso de Paris
Il est né à Malaga et mort à Mougins, sur la Côte-d'Azur. Picasso et son oeuvre sont marqués par la Méditerranée. Histoire d'une passion au musée national Picasso à Paris.
Quels sont les liens entre Picasso et la Méditerranée ? C'est la question que s'est posée le musée national Picasso de Paris, dans une petite exposition documentaire. Vous n'y verrez pas beaucoup d'œuvres du grand artiste du XXe siècle, même si un certain nombre ponctuent le parcours (céramiques, peintures, tableaux-reliefs, linos...). D'ailleurs vous aurez sûrement des surprises : avec Picasso, on fait toujours des découvertes. Mais vous verrez surtout de nombreuses photographies et des images que les deux commissaires, Emilie Bouvard et Camille Frasca, ont puisées dans les archives personnelles du maître conservées au musée.
L'exposition s'inscrit dans le cadre du grand projet Picasso Méditerranée qui a commencé en 2017 et se terminera à la fin de l'année 2019. Quarante expositions qui ont impliqué 70 institutions dans dix pays autour de la Méditerranée.
Tout ce que Picasso avait chez lui
"Pendant ces deux trois années on a fait beaucoup de recherches et on a exhumé tout un ensemble de sources, des archives qui sont conservées au musée, et en particulier toutes les choses que Picasso pouvait avoir chez lui et qu'il pouvait voir de la Méditerranée même s'il n'y était pas allé", raconte Emilie Bouvard, conservatrice du patrimoine au Musée national Picasso-Paris et coordinatrice scientifique du projet Picasso-Méditerranée.
L'exposition "Picasso, obstinément méditerranéen", se veut "une balade poétique et intime à la fois vécue et rêvée à travers l'iconographie, les références et les sources que Picasso croise dans sa vie", explique Camille Frasca, chargée de mission au musée Picasso-Paris et responsable du projet.
La Méditerranée vécue et la Méditerranée rêvée
Pablo Picasso est né en 1881 à Malaga en Espagne, au bord de la mer, et mort en 1973 à Mougins, dans le sud de la France, au bord de la Méditerranée. Il a étudié à Barcelone avant de venir à Paris où il s'installe définitivement en 1904. Il a peu voyagé dans sa vie, si on excepte un séjour marquant en Italie en 1917. Mais son imaginaire et son œuvre sont peuplés de figures de la mythologie. Comme les milliers de céramiques qu'il créera avec Suzanne et Georges Ramié à Vallauris à partir de 1948, pleins de nymphes et de faunes. D'où l'idée d'une Méditerranée "rêvée" à côté de la Méditerranée qu'il a effectivement vécue.
Toute sa vie, Picasso restera marqué par son pays natal, même s'il a cessé d'y aller après 1934 : engagé contre le franquisme, il ne reverra pas l'Espagne avant sa mort. De rares petites marines peintes dans sa jeunesse à Barcelone et prêtées par le musée Picasso de Barcelone témoignent de son goût pour la mer. Et son art restera peuplé de toreros et de taureaux, comme l'attestent deux gravures de 1946 représentant des scènes de corrida.
Toute une collection de cartes postales qu'il gardait avec lui, souvent brodées, indiquent son goût pour le folklore : une image de Sainte-Thérèse d'Avila, des scènes de corrida et des toreros, des danseuses de flamenco. Elles sont projetées en diaporama comme de nombreux documents de l'exposition.
Une vie dans le Midi
Très rapidement, Picasso est allé passer du temps dans le sud de la France. Entre 1911 et 1913 il séjourne à Avignon et Sorgues (Vaucluse), Céret (Pyrénées-Orientales). Avec Braque, il y invente le cubisme.
Dans les années 1920, il va à Juan-les-Pins ou à Cannes, où il fréquente le beau monde, représente des baigneuses et fait des "tableaux-reliefs" travaillés sur l'envers avec du sable, des algues et des objets trouvés sur la plage. Dans les années 1930, il passe des vacances au bord de la mer avec Dora Maar et les surréalistes.
Un diaporama évoque Picasso à la plage, à toutes ces époques : "Il ne cessera de se faire représenter sur le bord de mer. Il deviendra cet être solaire, marin, souvent en maillot de bain, éternellement jeune et bronzé, quasiment jusqu'à sa mort", souligne Emilie Bouvard. Certaines des photos projetées, retrouvées dans les archives, sont inédites. D'abord ce sont des photos anonymes, puis, la notoriété grandissant, les images de grands photographes (Capa, Denise Colomb) où l'artiste se met en scène.
Un lieu de création
Il y a les bains de mer avec Olga, sa première épouse, un pique-nique au cap d'Antibes. De très belles photos de Dora Maar le montrent endormi sur le sable ou brandissant un crâne de bovidé. Lucien Clergue le représente les jambes en l'air. Devant l'objectif de Willy Rizzo, il est allongé avec Françoise Gilot, sa compagne des années 1940-1950 et mère de deux de ses enfants.
La Méditerranée, ce sont aussi les ateliers où Picasso travaille, le château Grimaldi à Antibes où il est invité à créer en 1946. Puis plus tard la villa La Californie où il vit de 1955 à 1961 : il installe son atelier dans le salon qui devient un bazar indescriptible de toiles, d'instruments de musique, d'oeuvres et d'objets divers. Le lieu est immortalisé par le photographe américain David Douglas Duncan dont une très grande reproduction donne l'impression d'y être plongé.
Petits paysages
La Méditerranée, pour Picasso, évoque aussi les maîtres comme Cézanne, dont la peinture annonce le cubisme. Il possédait plusieurs de ses toiles, ici une Mer à l'Estaque. En achetant en 1958 le château de Vauvenargues au pied de la montagne Sainte-Victoire, un des grands motifs de Cézanne, il s'offre un paysage cézannien.
A la fin de sa vie, en 1957, Picasso réalise de petits paysages de la Côte-d'Azur, presque impressionnistes, prêtés aussi par le musée Picasso de Barcelone et qui semblent faire écho à ses paysages de jeunesse.
La Flûte de pan, tableau peint à Antibes en 1923, "notre œuvre emblématique pendant tout le projet", raconte Emilie Bouvard, pourrait résumer tout le rapport de Picasso avec la Méditerranée : deux personnages mythiques ou réels, des Grecs de l'Antiquité ou de jeunes pêcheurs contemporains, sous un soleil de plomb, dans un décor minimal, réel ou rêvé.
Picasso, obstinément méditerranéen
Musée national Picasso
5 rue de Thorigny 75003 Paris
Tous les jours sauf les lundis, du mardi au vendredi 10h30-18h, samedis, dimanches et fériés (sauf lundis, 25 décembre, 1er janvier et 1er mai) : 9h30-18h
Du 4 juin au 6 octobre 2019
Au musée Picasso également, l'exposition Calder-Picasso jusqu'au 25 août
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