Au musée d'Orsay, l'impressionniste Gustave Caillebotte éblouissant sous toutes ses facettes

Alors que l'on a célébré toute l'année les 150 ans de l'impressionnisme, quelle plus belle conclusion que la magnifique exposition que consacre le musée d'Orsay à Gustave Caillebotte, le plus méconnu et secret des peintres impressionnistes.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
"Périssoires sur l'Yerres" de Gustave Caillebotte, 1877. Huile sur toile 88,9 x 116,2 cm
Washington, National Gallery of Art, Collection of Mr. and Mrs. Paul Mellon. (THE NATIONAL GALLERY OF ART WASHINGTON)

Le musée d'Orsay dédie au peintre Gustave Caillebotte (1848-1894) une vaste et magistrale exposition du 8 octobre au 19 janvier 2025. Il faut y courir. Car malgré un choix d'œuvres resserré autour du thème "Peindre les hommes", on y découvre ou redécouvre son art novateur sous toutes ses coutures.

Gustave Caillebotte a beaucoup compté pour les impressionnistes. Pourtant, 150 ans après la naissance du mouvement, célébré partout en France cette année, et alors qu'il a peint plus de 500 tableaux, il reste le plus méconnu d'entre eux. Pour quelle raison ? Issu d'une famille fortunée, Caillebotte a beaucoup fait pour ses amis peintres, Monet, Renoir, Degas, Sisley, Cézanne, Manet, Pissarro, organisant des expositions et leur achetant de nombreuses œuvres.

Jusqu'au bout, il a soutenu ses pairs en mécène et œuvré pour ce mouvement artistique dans lequel il croyait, léguant à l'État sa collection de quelque 70 tableaux impressionnistes, avec l'exigence qu'ils soient exposés, un legs que l'on peut admirer au cinquième étage du musée d'Orsay dans deux salles où ils ont été exceptionnellement réunis.

"Canotiers ramant sur l'Yerres" de Gustave Caillebotte, 1877. Huile sur toile, 80,5 x 116,5 cm. Collection particulière. (BRIDGEMAN IMAGES)

Cependant, l'héritier n'ayant pas besoin de monnayer ses œuvres pour vivre, Gustave Caillebotte n'a vendu quasiment aucun de ses tableaux. Et aucune de ses toiles ne figurait non plus dans son legs à l'État, même si certaines, dont son chef-d'œuvre Raboteurs de parquets, ont été finalement ajoutées par ses légataires. Ce qui explique que s'il était célèbre en son temps en tant que mécène et collectionneur, son travail a été mis de côté longtemps avant de connaitre une juste reconnaissance.

En 1994, une première grande rétrospective Caillebotte avait été présentée au Grand Palais pour marquer le centenaire de la mort de ce talentueux artiste, qui ne déméritait pas face à ses camarades, se montrant même particulièrement novateur. Trente ans après cette première pierre qui l'avait mis en lumière de façon retentissante, le musée d'Orsay revient à la charge.

Une représentation de l'homme moderne du XIXe siècle

Cette fois, il s'agit d'aller un peu plus loin, en questionnant son œuvre avec une idée force : montrer le regard du peintre sur la masculinité et sur la représentation des hommes à la fin du XIXe siècle. Car "70% des tableaux de figures de Caillebotte sont des hommes", et des hommes modernes de son temps, souligne le conservateur en chef Paul Perrin. Or, sa peinture étant très biographique – il peint son quotidien et ceux qui l'entourent, essentiellement – "les hommes qu'il montre dans ses toiles sont toujours un peu le reflet de sa propre identité, de ses propres questionnements, et de son idéal de virilité", complète Paul Perrin.

Cette approche originale de l'œuvre de Caillebotte n'avait jamais fait l'objet d'une telle exposition. Cette trame thématique, qui exclut de fait les natures mortes et les paysages, permet cependant d'embrasser l'étendue de son talent et l'ensemble des thèmes qui traversent sa vie et son œuvre.

"Rue de Paris, temps de pluie" de Gustave Caillebotte, 1877. Huile sur toile 212 x 276 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago, Charles H. and Mary F. Worcester Collection. (CAROLINE COYNER PHOTOGRAPHY)

Parisien et témoin de son temps, il est le peintre de l'urbanité et du grand chantier haussmannien de la capitale, comme on le voit dans la salle "La ville est à nous", notamment avec le plus grand des tableaux jamais peint par l'artiste, Rue de Paris, temps de pluie, prêté par l'Art Institute de Chicago.

Il immortalise aussi bien les scènes du monde ouvrier – comme dans Raboteurs de parquets et Peintres en bâtiments – que son cercle d'amis bourgeois, tous célibataires comme lui, réunis notamment dans Partie de bésigue. L'artiste était aussi féru d'horticulture et de navigation, comme le montrent nombre de toiles mettant en scène des canotiers ramant sur l'Yerres et des figures au jardin, en Normandie ou au Petit-Gennevilliers, où il termina son existence.

"Partie de bésigue" de Gustave Caillebotte, vers 1881. Huile sur toile, 125,3 x 165,6 cm, Louvre Abu Dhabi. (DEPARTEMENT OF CULTURE AND TOURISM / LOUVRE ABU DHABI)

Au travers de 144 œuvres et documents, dont 65 peintures, parmi lesquelles les chefs-d'œuvre Jeune homme à sa fenêtre, Partie de bateau, Homme au bain ou Le Pont de l'Europe, on peut apprécier les multiples facettes de cet artiste qui traçait une voie à part, particulièrement novatrice par le choix de ses sujets, mais aussi par l'audace de ses cadrages et de ses points de vue.

Parce que cette exposition comporte une majorité de prêts de collections particulières et de musées, et qu'elle a été organisée en partenariat avec l'Art Institute de Chicago et le J. Paul Getty Museum de Los Angeles, deux musées où elle sera montrée l'an prochain, cet ensemble d'œuvres est exceptionnel et on ne les reverra pas réunies de sitôt. Or, voir ces peintures "en vrai" et dans l'ordre chronologique de cet accrochage où l'artiste semble cheminer inexorablement vers la lumière, permet véritablement d'être ébloui par son talent.

Exposition "Caillebotte, peindre les hommes" au musée d'Orsay, du 8 octobre 2024 au 19 janvier 2025. Esplanade Valéry Giscard d'Estaing, 75007 Paris. Tous les jours sauf le lundi, 1er mai et 25 décembre, de 9h30 à 18h avec nocturne le jeudi jusqu'à 21h45.

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