Un tableau d'Henri Manguin, spolié durant l'Occupation et porté disparu depuis 1950, exposé au Musée d'art moderne du Havre

L'artiste, l'un des maîtres du fauvisme, avait peint ce paysage provençal en 1913.
Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Tableau d'Henri Manguin, "La Plaine, Cassis-sur-Mer", huile sur toile, 100x120 cm, Collection du Centre national des arts plastiques. (BAYER)

La Plaine, Cassis-sur-Mer d'Henri Manguin, une œuvre importante pour le patrimoine artistique français, peinte en 1913, a été restituée par le groupe allemand Bayer au Centre national des arts plastiques qui l'a confiée, mercredi 11 décembre, au musée André Malraux pour permettre au public de la découvrir.

Cette huile sur toile, mesurant 1 m sur 1,20 m, représente un paysage de Provence coloré composé d'arbres, de montagnes et de quelques maisons. Peinte en 1913 par l'un des maîtres du fauvisme, elle a connu une histoire singulière, retracée dans un dossier daté de décembre 2024 du Centre national des arts plastiques (CNAP).

Acheté en 1916 par l'État français qui avait déjà acquis cinq toiles de l'artiste à la fin du XIXe siècle, le tableau avait été déposé au ministère des Affaires étrangères. Trente ans plus tard, sa disparition est constatée à l'occasion d'un récolement [vérification de l'intégrité d'une collection] des dépôts de l'État. Entre 1940 et 1944, le bâtiment ministériel a été investi par l'armée d'occupation allemande. 

Un tableau spolié durant l'Occupation

En décembre 1950, Bayer AG l'acquiert auprès de la Kunstverein fur Rheinlande und Westfalen de Düsseldorf, une institution dirigée alors par Hildebrand Gurlitt, un marchand d'art impliqué dans les transactions d'œuvres spoliées. Plus de soixante-dix ans après que sa disparition a été avérée, le tableau est réapparu dans la perspective d'une vente confiée à Sotheby's Cologne. Des recherches ont permis à Bayer et à Sotheby's de la rattacher à la collection du CNAP. Souhaitant la restitution à l'État français, Bayer a alors contacté le CNAP qui a pu identifier l'œuvre de façon certaine. Sa restitution, mercredi, marque une étape importante dans la reconstitution de l'histoire des collections dispersées pendant les conflits, notamment durant la Seconde Guerre mondiale.

Il n'est pas rare que des œuvres d'art appartenant aux collections publiques françaises aient disparu de leur lieu de dépôt. Elles refont parfois surface, souvent dans des collections privées, au moment d'expositions ou dans les catalogues de ventes aux enchères. Difficile à quantifier, le phénomène se serait intensifié ces dernières années. Les revendications des ayants droit, menant aux restitutions, se seraient également multipliées.

Trente-deux œuvres réapparues en cinq ans

Le CNAP n'échappe pas à ce phénomène de réapparition d'œuvres manquantes. En cinq ans, 32 œuvres de sa collection ont été réintégrées au patrimoine artistique français. L'organisme peut engager des procédures judiciaires en arguant du caractère inaliénable, insaisissable et imprescriptible des collections nationales, mais il assure privilégier "un dialogue à l'amiable qui permet d'aboutir, le plus souvent, à la restitution des pièces".

Soucieux de pouvoir présenter cette toile historique au public, le CNAP a proposé de la mettre en dépôt au Musée d'art moderne André Malraux du Havre pour "lui redonner la visibilité qu'elle mérite". Elle rejoint les paysages d'Albert Marquet, d'Othon Fritz et de Charles Camoin au sein du nouveau parcours des collections.

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