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La photographe Sabine Weiss apportait un "regard féminin rare", témoigne Raymond Depardon

La photographe suisse Sabine Weiss, naturalisée française en 1995, est morte à 97 ans. Le photographe Raymond Depardon et Laure Augustins, sa plus proche collaboratrice, évoquent la grande artiste humaniste.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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La photographe Sabine Weiss en 2020. (JOEL SAGET / AFP)

"On a pris conscience de son immense talent tardivement alors qu'elle a traversé toute l'histoire de la photographie européenne", a regretté Raymond Depardon, en apprenant mercredi 29 décembre le décès de la photographe suisse Sabine Weiss à 97 ans. A travers ses photos, elle a apporté un "regard féminin rare", empreint de "tendresse" et d'une "curiosité insatiable pour l'être humain", ont ajouté le photographe de 79 ans, grand admirateur de son oeuvre, et Laure Augustins, sa plus proche collaboratrice.

"Tendresse et délicatesse"

"Nous n'étions pas du même monde, elle faisait partie des humanistes français comme Robert Doisneau, dont on parlait aux Etats-Unis et qui ont été un peu mes pairs, moi plutôt du reportage. Notre point commun c'est un intérêt formidable pour l'humain, avec pour Sabine, un regard féminin, très fin, rare", dit-il. "Je sentais chez elle une compassion et beaucoup plus encore, de la tendresse et une délicatesse qui manquait aux hommes", ajoute-t-il, en se qualifiant lui-même de "jeunot", admiratif.

Laure Augustins, qui accompagnait Sabine Weiss au quotidien depuis 2011, raconte à l'AFP, avec émotion, sa rencontre avec cette femme "rude au travail, pétillante, humble, drôle, généreuse, simple, spirituelle". Elle s'est donnée pour "mission" de "faire connaître le plus possible" son travail, consacré de son vivant par près de 160 expositions à travers le monde.

"Sabine était heureuse" d'apprécier son travail "après en avoir souvent douté tout en ayant une extraordinaire foi en elle-même ; elle le qualifiait de propre en regardant ses archives, après avoir feuilleté un catalogue de vente de photos de Willy Ronis (1910-2009)". Sans doute en raison de "sa curiosité insatiable pour l'être humain et la vie des gens et son immense gratitude. Elle disait qu'elle avait eu beaucoup de chance dans la vie mais elle l'avait bien provoquée", poursuit-elle, en racontant que "toute petite déjà, à sept ou huit ans, Sabine Weiss vendait des marrons pour faire des cadeaux aux gens de sa famille".

Le dernier soir de Sabine Weiss

Raymond Depardon se souvient plus particulièrement d'une exposition à Arles il y a quelques années : "Elle nous parlait, à travers ses photos, de nos parents et de nos grand-parents... elle transmettait l'essentiel, l'unité qui relie tous les êtres humains, sans jamais être larmoyante". Elle donnait à voir une "présence humaine à laquelle les jeunes photographes semblent revenir en force", ajoute-t-il.

Le centre Pompidou a rendu hommage à une photographe qui à l'instar de Doisneau et Ronis, "a forgé l'image de la ville humaniste des années 1950" et "au dernier témoin de cet âge d'or de la photographie parisienne".

Sabine Weiss, dit Laure Augustins, "ne parlait pas d'esthétique mais de l'importance de laisser un témoignage sur son époque, sur le temps qui passe. Au-delà de son travail dans la pub, la mode, qui avait été son gagne-pain en couleur, le noir et blanc était sa détente, elle le conservait dans des boîtes, avec des petits carnets que nous avons redécouverts ensemble avec complicité". A l'image de sa dernière rencontre avec le public à Deauville en octobre au festival Planches contact où "elle a déroulé sa vie comme une pelote de laine avec humour et malice, oubliant que je lui soufflais les dates et ne gardant que sa joie d'avoir réussi à faire rire les gens".

"Lundi soir, confie la collaboratrice, la gardienne qui s'occupe d'elle le soir m'a dit qu'elle avait mis du temps à aller jusqu'à son lit car elle a souhaité toucher tous les objets dans son atelier, véritable cabinet de curiosités rempli de pierres, de carnets à dessin, d'ex-voto et objets sacrés, comme si elle leur disait au revoir avant de partir".

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