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Lille ouvre son nouvel Institut pour la photographie avant travaux

Le nouvel Institut pour la photographie de Lille était pressé d'ouvrir ses portes. Il propose pour quelques semaines une première série d'expositions, accrochées dans des locaux pas encore rénovés. L'ouverture définitive est prévue pour 2021.

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
L'inauguration de l'Institut pour la photographie de Lille, le 11 octobre 2019 (photo © Julien Pitinome)

L'Institut pour la photographie de Lille a ouvert à la mi-octobre sur un premier programme dense de sept expositions en forme de "préfiguration".


Préfiguration car la nouvelle institution a investi les locaux où elle sera installée à l'état brut, avant même que les travaux soient réalisés. L'hôtel particulier lillois et les bâtiments qui l'entourent, 3500 m2 qui furent un temps un lycée avant de devenir un Centre d'information et d'orientation, sont restés "dans leur jus", on a seulement ajouté des cimaises et des éclairages. Car, explique Anne Lacoste, la directrice, "nous voulions présenter le projet au public et à l'ensemble des acteurs".

"On ne voulait pas attendre que tout soit propre et livré pour commencer à travailler", renchérit Sam Stourdzé, le directeur des Rencontres d'Arles (partie prenante du projet) : ces premières expositions sont une façon de commencer à faire exister l'Institut, de l'inventer progressivement, explique-t-il.

Ken Grant, Lisa et la soeur de Tracy, Birkenhead, 1990 (© Ken Grant Smokers Halcyon Road)

Deux expositions d'Arles à Lille

Au départ, c'est aux Rencontres d'Arles que la région Hauts-de-France a demandé de réfléchir à une nouvelle institution pour la photographie, explique Sam Stourdzé. "Il ne s'agissait pas de créer un satellite d'Arles", précise-t-il, même si Arles est aux origines du projet et siège avec la région, la métropole lilloise et l'Etat dans les instances de l'Institut.

D'ailleurs deux des expositions présentées en ce moment à Lille sont passées par Arles, même si elles prennent une forme différente à l'Institut pour la photographie. Il y a la formidable exposition Home Sweet Home, lecture politique et culturelle de l'habitat au Royaume-Uni, imaginée par Isabelle Bonnet à partir de ses recherches universitaires sur les intérieurs dans la photographie britannique de la guerre à nos jours. Notamment pendant les années Thatcher où la coupe dans les allocations a provoqué le développement des squats.

Laura Henno, "Connie, Outremonde", 2018 (Courtesy Galerie Les Filles du calvaire)

Une version augmentée du travail de Laura Henno

On peut voir aussi une version augmentée du travail de Laura Henno sur Slab City, une communauté installée dans le désert californien, qui avait été présenté à Arles en 2018. L'exposition présente de nouveaux tirages et de nouvelles associations entre ses images. Une espèce de campement hétéroclite réunit sur le lieu des baraquements d'une base militaire démolis des personnes qui ne trouvent pas leur place dans la société américaine. "Une population qui échoue là faute de trouver des conditions de vie, un travail correct", explique l'artiste.

Dans ses grands tirages, elle a magnifié la beauté du désert, sa lumière, ses personnages, alors que, comme on le perçoit mieux dans un film qu'elle a également réalisé, le lieu se trouve enclavé dans une base militaire qui existe toujours. 

Lisette Model, "Baigneuse allongée", Coney Island, 1939-1941 (© Lisette Model - Courtesy galeries Baudoin Lebon, Paurs, et Keitelman, Bruxelles)

L'influence de Lisette Model à travers son enseignement

L'Institut pour la photographie veut aussi porter "un nouveau regard sur les grands noms", explique Anne Lacoste. En commençant avec Lisette Model, qui a enseigné pendant une trentaine d'années à New York, encourageant les jeunes photographes à développer leur style propre. Elle a eu parmi ses élèves d'autres grands noms. Pour mesurer son influence en tant qu'enseignante, l'exposition confronte ses images à celles de Diane Arbus, Leon Levinstein, Rosalind Fox Solomon et Mary Ellen Mark qui furent ses élèves, sauf la dernière qui se revendiquait toutefois de son influence.

Lisette Model a porté un regard ironique sur la société et ses acteurs, s'intéressant aux formes, aux gestes, aux expressions. Un intérêt qu'on retrouve chez ses élèves, avec des variations. Leon Levinstein développe particulièrement les volumes des corps, Diane Arbus crée un contact avec ses sujets qui n'existait pas chez Lisette Model, Rosalind Fox Solomon a une approche plus anthropologique.

Autre belle exposition, celle des tirages monumentaux des Portraits de familles de l'Allemand Thomas Struth. A travers ces tableaux posées, pris dans différents pays, il révèle la condition sociale et les rapports, de pouvoir notamment, à l'intérieur des familles qu'il a laissées imaginer la mise en scène de la prise de vue.

Thomas Struth, "La famille Yamato devant leur maison", Yamaguchi, 1996 (© Thomas Struth)

Ouverture définitive en 2021

On peut découvrir à Lille le travail original de Marie-Eve Bouillon et de Carine Peltier-Caroff sur la carte postale américaine (1900-1940) et celui, non moins original, d'Emmanuelle Fructus, qui collectionne les photos anonymes anciennes qui n'intéressent personne, trouvées dans les brocantes. Elle en découpe les minuscules figures pour les recoller par centaines sur de grands tableaux thématiques, où les images sont classées selon les tonalités, les dégradés de gris. Thomas Sauvin, lui, a confronté des images du Beijing World Park, où sont reproduits en miniature des monuments du monde comme la Tour Eiffel, et celles des monuments originaux.

Après une deuxième programmation au printemps 2020, les locaux de l'Institut pour la photographie fermeront pour travaux avant l'ouverture définitive en 2021.

A côté des expositions, la nouvelle institution a vocation à conserver des œuvres, à développer la culture photographique (des ateliers sont ouverts au public pendant la durée des premières expositions). Une bibliothèque toute en bois accueille déjà le fonds de l'historienne de la photographie Annie-Laure Wanaverbecq, légué par son mari.

L'ouverture de l'Institut ne fait pas que des heureux à Lille, où la Maison de la photographie est en difficulté. Dans une lettre ouverte au président de la région Hauts-de-France, son directeur et fondateur Olivier Spillebout estime que le nouveau projet "écrase sciemment l'existence de la Maison de la Photographie, qui contribue depuis plus de 22 ans à l'histoire de la photographie sur les Hauts-de-France et au-delà", reprochant à Xavier Bertrand de ne lui "accorder aucun soutien" et de s'offrir "Arles à Lille".


Dans le Nord, il faut rappeler l'excellent travail réalisé par le Centre régional de la photographie de Douchy-les-Mines, qui possède une collection de 9 000 tirages et organise de nombreuses actions en direction du public : expositions, prêts d'œuvres, interventions en milieu scolaire.

Institut pour la photographie
11, rue de Thionville
59000 Lille
Tous les jours sauf lundi, du mardi au dimanche 10h-18h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h
Entrée gratuite
Du 12 octobre au 15 décembre 2019

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