Syrie : derrière la photo bouleversante de Mustafa, le jeune garçon sans bras ni jambe, "une scène de complicité illustrant l'horreur" de la guerre
Le photojournaliste turc Mehmet Aslan, vainqueur de l'édition 2021 du Prix international de la photographie de Sienne, raconte à franceinfo les coulisses de ce cliché montrant un réfugié syrien amputé qui joue avec son fils né handicapé.
Un moment de bonheur entre un père et son fils, malgré les séquelles de la guerre. Avec son cliché intitulé Hardship of life ("l'épreuve de la vie", en français), le photojournaliste turc Mehmet Aslan a remporté, samedi 23 octobre, le Prix international de la photographie de Sienne. Contacté par franceinfo, il revient sur cette photo qui illustre, selon lui, "l'un des aspects les plus catastrophiques" de la guerre en Syrie.
Mehmet Aslan se souvient avoir rencontré cette famille de réfugiés syriens à Reyhanli, dans la province d'Hatay (dans l'est de la Turquie, à la frontière avec la Syrie), lors de recherches pour un reportage. "On s'est bien entendus et je suis venu les voir plusieurs fois avant de commencer un projet sur leur famille et leur quotidien."
Le cliché date d'avril 2021. On y voit Munzir, le père, "qui a perdu sa jambe droite en 2016 ou 2017, lors du bombardement d'un marché où il se promenait, à Idlib, en Syrie", raconte le photojournaliste. La femme de Munzir, Zeynep, était enceinte lorsqu'elle a été exposée à du gaz sarin dans le pays, une arme chimique interdite, mais plusieurs fois utilisée par le régime de Bachar al-Assad.
Obtenir une aide pour les prothèses de Mustafa
A cause de ce gaz et des traitements médicaux, leur premier enfant est né avec une malformation congénitale rare, et n'a ni bras ni jambe. Il s'agit de Mustafa, le petit garçon qui apparaît tout sourire sur la photo. Depuis réfugié en Turquie, le couple a eu deux autres enfants, qui sont nés sans complication, assure l'auteur du cliché. "A cause de son état, le père ne peut pas travailler et la mère s'occupe comme elle peut de sa famille."
S'il a choisi cette image à la fois iconique et bouleversante pour ce concours, Mehmet Aslan le justifie aisément : "Il y a toutes sortes de situations terribles dans le monde. Même cette scène de complicité illustre l'horreur. Elle montre l'un des aspects les plus catastrophiques de la guerre en Syrie. C'est l'une des conséquences bien visibles de cette tragédie qui n'est d'ailleurs pas terminée."
A l'avenir, Mustafa aura besoin de prothèses électroniques pour se déplacer. "Malheureusement, ça n'existe pas en Turquie. C'est très difficile de s'en procurer, on les trouve seulement en Europe et elles coûtent très cher", déplore Mehmet Aslan. En choisissant cette photo, et en gagnant ce prix, le photojournaliste espère "obtenir plus de soutien pour Mustafa et, surtout, faire entendre sa voix."
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