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"Chris Ware a poussé l'alphabet de la bande dessinée à l'extrême", selon Rina Zavagli-Mattotti, qui a exposé l'œuvre du Grand Prix d’Angoulême 2021

Rina Zavagli-Mattotti, fondatrice de la Galerie Martel et spécialiste des arts graphiques, nous parle du travail de Chris Ware récompensé au festival d'Angoulême. 

Article rédigé par franceinfo Culture - Marine Ritchie
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Chris Ware à la Galerie Martel lors de son exposition en 2013.  (Isabelle Bréhat)

L'auteur américain de BD Chris Ware, créateur notamment de Jimmy Corrigan (2002) et Rusty Brown (2020) est le lauréat du Grand Prix d’Angoulême 2021, un prix qui récompense l’ensemble de sa carrière, une consécration. 

Spécialisée dans les arts graphiques - elle a exposé des auteurs comme Art Spiegelman, José Munoz, Lorenzo Mattotti ou encore Brecht Evens - la galerie parisienne Martel a, à deux reprises, présenté l'oeuvre de Chris Ware. Sa fondatrice, Rina Zavagli-Mattotti nous explique en quoi l’œuvre du dessinateur est unique et avant-gardiste.  

Franceinfo Culture : Comment peut-on décrire l’univers graphique de Chris Ware ? 

Rina Mattotti : Chris Ware a poussé l'alphabet de la bande dessinée à l'extrême, en développant les icônes, les signes et les symboles. Il crée un univers riche en détails. Les originaux sont de grands formats et la précision du graphisme est très impressionnante. Les détails deviennent eux-mêmes des protagonistes de la vie des personnages et dépeignent de manière très précise leur caractère et leurs émotions. 

En quoi sa façon de raconter est-elle particulière ?  

Le récit est presque proustien. Il est composé de mémoire, d'éléments personnels et de fantasmes poétiques. La structure des pages, qui est presque architecturale, permet de servir le récit intime. L'architecture des pages et l'architecture des histoires sont fortement liées. Il y a une précision obsessionnelle à essayer de raconter les histoires à travers tous les éléments : les éléments personnels mais aussi les éléments objectifs, c’est-à-dire ce que tout le monde voit comme les routes, les arbres ou les maisons. Ça enrichit et élargit les possibilités d'expression du langage de la bande dessinée. 

Chris Ware à la Galerie Martel, lors de son exposition en 2013.  (Isabelle Bréhat)

Son œuvre est assez autobiographie, n'est-ce pas ?   

Chris Ware garde une vision objective du destin de ses personnages et un regard désenchanté sur la réalité. Il parvient à transformer ses expériences personnelles en expérience collective. Ce sont des personnages qui vivent dans une réalité plus grande qu’eux.  

L'affiche de l'exposition Chris Ware à la Galerie Martel, à Paris en 2013.  (Galerie Martel)

Pensez-vous que Chris Ware est accessible à tous les lecteurs ?   

C'est une bande dessinée du plus haut niveau narratif et pour l’apprécier pleinement, le lecteur doit avoir un regard très fin et cultivé. Chris Ware porte la bande dessinée à des niveaux de haute littérature. Il est certainement un auteur d’avant-garde, un grand maître d’école, qui a ouvert le langage de la bande dessinée à de nouveaux modes d’expression. 

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