Harcèlement sexuel : "Le Parisien" crée la polémique en mettant 16 hommes en une
Des internautes critiquent le choix du quotidien de consacrer sa une à des hommes, alors que les violences sexuelles affectent très majoritairement des femmes.
Des acteurs, des chanteurs, des sportifs, des personnalités politiques… Mercredi 25 octobre, Le Parisien a décidé d'afficher 16 portraits en une. Leur point commun ? Ce sont tous des hommes, sollicités par le journal pour exprimer leur solidarité avec les femmes victimes de violences sexuelles. Une démarche qui divise et crée la polémique sur les réseaux sociaux, mais que le quotidien assume pleinement.
Des hommes pour parler (à la place) des femmes ?
Le premier reproche fait au dossier du Parisien est de donner, une fois de plus, la parole aux hommes, au sujet d'un problème qui concerne en très grande majorité les femmes. "Le Parisien Aujourd'hui en France a jugé bon de faire sa une en confisquant la parole aux concernées", a ainsi réagi le Réseau d'opération solidaire et d'action, sur Twitter. Même remarque de la part de la militante féministe Caroline De Haas. "Le Parisien a sans doute considéré qu’une une avec 16 femmes qui prennent la parole serait peut-être moins légitime..." ironise-t-elle dans un post de blog.
"On aurait bien laissé la parole aux femmes qui sont les vraies victimes, mais elles étaient toutes à la cuisine" pic.twitter.com/z97jYgjUrc
— Traduisons Les (@TraduisonsLes) 25 octobre 2017
Il faut dire que seulement 168 femmes figurent parmi les 1 000 personnalités les plus citées dans les journaux et sites web d'info français en 2016, selon le quatrième observatoire de la parité dans la presse française réalisé par Pressedd et publié dans Le JDD.
Contacté par franceinfo, le directeur délégué de la rédaction du Parisien conteste vigoureusement cet argument. "Lorsqu'Antoine de Caunes a pris la parole publiquement pour réagir à l'agression dont sa fille a été victime, tout le monde a trouvé ça formidable, et moi le premier", réagit Nicolas Charbonneau. Il renvoie aux propos de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dimanche dans Le JDD, qui avait dit attendre "que les hommes se rebellent publiquement, à nos côtés".
Un choix de personnalités contesté
Les seize personnalités présentées en une du Parisien ont été sollicitées par le journal. Mais comment ce choix a-t-il été fait ? Certaines internautes s'interrogent. Une journaliste relève ainsi que parmi ces hommes, dix seraient actuellement en tournée de promo et au moins trois auraient déjà été soupçonnés de harcèlement.
La blague du Parisien: parmi les types qui s'engagent, au moins 10 en promo, et a minima 3 soupçonnés de harcèlement https://t.co/59zgpOrRgT
— Mathilde Carton (@MathildeCarton) 25 octobre 2017
Dans le détail, plusieurs personnalités sont pointées du doigt. François de Rugy était responsable du groupe écologiste à l’Assemblée nationale lorsque Denis Baupin, accusé par plusieurs élues de harcèlement et d'agressions sexuelles, y était député. L'acteur François Berléand, lui, a parlé de "complot" à propos de l'affaire DSK en 2011. Quant à David Pujadas, il a été critiqué pour avoir affirmé que "la fin du patriarcat" avait eu lieu dans les années 1960, en introduction d'un reportage sur un stage masculiniste.
Un ancien Président qui n’a pas reçu en 5 ans les assos de lutte contre les violences dit qu’il faut agir dans @le_Parisien. Perplexité.
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 24 octobre 2017
L'ancienne députée Isabelle Attard pointe aussi du doigt le choix de François Hollande. Selon elle, l'ancien président de la République aurait nommé Jean-Michel Baylet ministre alors qu'il connaissait les soupçons qui pesaient sur lui au sujet de "violences" passées envers une collaboratrice. Caroline De Haas affirme aussi que François Hollande n'a pas reçu les associations de lutte contre les violences en cinq ans. Elle rappelle également qu'il a abandonné les ABCD de l'égalité, un programme de lutte contre le sexisme à l'école.
"Je ne comprends pas ces critiques", réagit Nicolas Charbonneau, outré "d'entendre ici ou là dire que Julien Clerc serait un salaud parce qu'il a écrit la chanson Mélissa". Pour réaliser ce dossier, chaque service du quotidien a joué le jeu "en contactant des personnalités de son carnet d'adresses", précise-t-il. "Et nous avons reçu beaucoup plus de contributions que nous avions de place dans le journal. Nous avons fait quatre pages, mais nous aurions pu en faire six, huit ou douze !"
Des propos qui passent mal
Si la forme du dossier du Parisien est critiquée, le fond l'est aussi. Les propos de certaines personnalités masculines ont fait bondir des lecteurs. "J'aurais aimé que ce problème dramatique soit pris en compte sans tomber dans la caricature et l'excès, estime par exemple le médecin et animateur télé Michel Cymes à propos du #balancetonporc. Une fois, les féministes me sont tombées dessus parce que, dans un livre sur le corps expliqué aux enfants, je ne m'étais pas attardé sur le clitoris."
Dans @le_Parisien, Michel Cymes solidaire de la parole des femmes mais... pic.twitter.com/Bb0tEqxzEy
— Anaïs Condomines (@AnaisCondomines) 25 octobre 2017
Malgré toutes ces critiques, Nicolas Charbonneau insiste sur les "dizaines de témoignages et commentaires positifs" qui ont fait suite à la publication de ce dossier. "Enfin #TousConcernés ! Les violences sexuelles, pas un pb de femmes : le problème de toute la société", a notamment tweeté la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.
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