Mort d'Alain Delon : être enterré à son domicile, comme le souhaitait l'acteur, une pratique qui reste "exceptionnelle"
Peut-on se faire inhumer dans son jardin ? La question revient dans l'actualité après la mort d'Alain Delon dimanche 18 août. L'acteur, âgé de 88 ans, en a fait l'une de ses dernières volontés. Il voulait se faire enterrer près de ses chiens dans sa propriété de Douchy, dans le Loiret. Ce n'est cependant pas la première fois qu'un tel cas se produit : fin 2020, Valéry Giscard d'Estaing a été inhumé sur un terrain privé à Authon dans le Loir-et-Cher. Brigitte Bardot souhaite également reposer dans sa propriété de La Madrague à Saint-Tropez.
La loi autorise cette possibilité, mais à titre exceptionnel. "Juridiquement, le terme 'exceptionnel' laisse une grande marge d'appréciation", précise à franceinfo Louis Le Foyer de Costil, avocat en droit public.
Plusieurs conditions à remplir
Ce spécialiste en droit funéraire explique que la loi impose en fait plusieurs conditions. D'abord, la propriété doit se trouver en dehors d'une zone urbaine, à 35 mètres minimum du voisinage. En cas d'enterrement, un hydrogéologue doit rendre un avis favorable sur l'absence de risque de pollution du sol et de contamination de l'eau.
Enfin, et surtout, le préfet doit donner son accord. Sur ce point, le cas Alain Delon est singulier selon Louis Le Foyer de Costil : "Si c'est monsieur ou madame Michu qui veut être enterré dans sa propriété à la campagne, et que tous les critères sont remplis, normalement, c'est non. Alain Delon n'est pas un cas général puisque c'est une grande star internationale, mais normalement, ce n'est pas ce qui est pris en compte".
"Sa vie est exceptionnelle mais sa mort est banale, donc ce sera intéressant de voir ce que dit le préfet".
Louis Le Foyer de Costil, avocat en droit publicà franceinfo
Pour que l'accord du préfet soit donné, il faut que cette décision "ait du sens", d'après l'avocat. Cela peut être le cas si "le corps, par exemple, est extrêmement compliqué à rapatrier ou si, sur la propriété, il y a déjà eu des inhumations historiques parce que c'est un château. Si quelqu'un de très important ou même d'inconnu a déjà été inhumé sur une propriété, on pourrait dire que cela a du sens d'inhumer aussi sa veuve là. S'il y a déjà une personne enterrée, on peut se dire que ça n'ajoute aucun inconvénient à la société".
Si le préfet refuse, il est extrêmement compliqué de contester. Il est tout de même possible de saisir le tribunal administratif. "Si le préfet dit que telle condition n'est pas respectée et que c'est faux, là, on pourrait contester. Mais s'il dit juste : 'Vous respectez toutes les conditions, mais je considère que votre cas n'est pas exceptionnel', là, c'est très difficile à contester. Il faudrait justifier qu'on est dans un cas exceptionnel, car normalement, les seules volontés de la personne ne suffisent pas", assure Louis Le Foyer de Costil.
Des conséquences sur la maison et une servitude à vie
Les autorisations sont rares parce que les conséquences sont nombreuses. "Dans 50 ou 100 ans, on ne sait pas ce que le terrain sera. Est-ce que derrière les gens voudront construire dessus ? Car on ne pourra pas construire de nouvelle maison. Et même si on se dit 'pas de nouvelle maison', imaginons qu'il faille exproprier pour faire un hôpital dans 100 ans ou qu'il faille faire passer un réseau d'eau ou d'électricité. Là, ça peut être très compliqué, car on n'est pas censé déranger les morts", prend comme exemples l'avocat.
"Il faut protéger le foncier, la propriété pour pas qu'on ait des corps humains partout qui empêchent de faire passer des réseaux, ou de construire un métro. Et il faut aussi protéger la dignité des morts. C'est pour ça que normalement, un cimetière est sous le contrôle d'un maire, car il y a des garanties pour la dignité des restes humains", analyse le spécialiste en droit funéraire.
Il y a également une autre complexité avec cette démarche. L'inhumation crée une servitude à vie, un droit de passage pour les proches du défunt qui pourront se recueillir sur la sépulture, y compris après la revente de la propriété. Par ailleurs, lorsque le préfet donne ou non son accord, la décision n'est pas publiée officiellement.
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