Après les Golden Globes, objectif Oscars pour "Anatomie d'une chute"
De la Palme d'or aux Golden Globes, en passant par le succès public... et quelques polémiques : le film français Anatomie d'une chute a désormais l'espoir de marquer l'histoire des Oscars au printemps, comme The Artist, il y a une décennie. Dissection des rapports de force au sein d'un couple d'artistes, ce drame a permis à Justine Triet de devenir, à 45 ans, la troisième réalisatrice de l'histoire à décrocher la Palme d'or. Il retrace en 2H32 le procès d'une femme accusée d'avoir tué son mari avec, pour seuls témoins, le garçon malvoyant du couple et leur chien. Glaciale et faillible à la fois, l'actrice allemande Sandra Hüller est inoubliable en accusée, tout comme l'enfant au visage indéchiffrable, le jeune acteur Milo Machado-Graner.
Initialement pensé pour une série, son scénario, coécrit par la cinéaste et son compagnon Arthur Harari, explore à la fois les névroses familiales, le choc des ambitions et la machine judiciaire. Dimanche soir, ce quatrième long-métrage de Justine Triet a remporté à Los Angeles le prix du meilleur scénario et celui du meilleur film en langue étrangère, lors des Golden Globes.
Objectif Oscars
Le film attend désormais les Oscars, le 11 mars, onze ans après le triomphe de The Artist de Michel Hazanavicius (dont le prix du meilleur film et celui du meilleur acteur pour Jean Dujardin). Après Marion Cotillard (meilleure actrice en 2008 pour La Môme), Juliette Binoche (meilleur second rôle féminin en 1997 pour Le Patient anglais), Justine Triet fera-t-elle partie de ces quelques Français distingués aux Oscars ?
Première haie à franchir le 23 janvier, avec l'annonce des nommés. Son tour de chauffe aux Golden Globes permet à Anatomie d'une chute de rêver d'une nomination pour l'Oscar de la meilleure actrice, du meilleur scénario original, voire de créer la surprise dans la catégorie meilleur film, généralement trustée par les productions américaines.
Ces nominations auraient un goût de revanche pour un film snobé par la France, qui a préféré présenter pour l'Oscar du meilleur film étranger La Passion de Dodin-Bouffant de Tran Anh Hung. Ce film en costumes sur la gastronomie avec Juliette Binoche et Benoît Magimel n'a fait que 200 000 entrées en salles en France, mais a remporté le prix de la mise en scène à Cannes.
Prix et polémique
"Qu'est-ce qu'ils sont cons !", avait lancé la productrice d'Anatomie d'une chute après ce choix fait par une commission indépendante de professionnels, réunis par le Centre national de la cinématographie. Il faut dire qu'entre Justine Triet et le gouvernement français, le torchon a brûlé depuis longtemps. Dès l'annonce de la Palme d'or, la réalisatrice profite de la tribune cannoise pour croiser le fer avec le gouvernement, en pleine réforme des retraites. Et défendre le cinéma indépendant face au libéralisme. Sans l'exception culturelle, "je ne serais pas là aujourd'hui", lâche-t-elle en recevant le prix le plus convoité du 7e art.
"Ingrat et injuste" réplique la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, comme d'autres responsables marquées à droite, tandis que la gauche défend la cinéaste, Jean-Luc Mélenchon (LFI) y voyant même le symbole d'une "gauche résistante". Le président Macron n'adresse pas de message de félicitations.
Plébiscite en salle
Le verdict des spectateurs, lui, est sans appel : le film fonctionne bien dès sa sortie en France, en août. Il cumule 1,3 million d'entrées en salles. C'est mieux que les dernières Palmes d'or tricolores, comme Titane de Julia Ducournau (2021), La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche (2013) ou Dheepan de Jacques Audiard (2015). Mais moins bien qu'Entre les murs de Laurent Cantet (1,6 million d'entrées en 2008).
Le film a fait 1,6 million d'entrées hors de France : aux États-Unis, il est sorti dans plus de 500 salles et a rapporté 4 millions de dollars. Il est également sorti au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en Italie et aux Pays-Bas. Et l'ancien président américain Barack Obama l'a cité dans ses films préférés de 2023.
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