Benoît Jacquot, Jacques Doillon : #MeToo rattrape les héritiers proclamés de la Nouvelle Vague

Les témoignages de l'actrice Judith Godrèche contre Benoît Jacquot et Jacques Doillon viennent jeter un froid sur les comportements de plusieurs cinéastes héritiers de la Nouvelle Vague.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Le réalisateur français Jacques Doillon lors de la 74e édition du Festival de Cannes, le 7 juillet 2021. (VALERY HACHE / AFP)

Invitée jeudi 8 février sur France Inter, Judith Godrèche a réitéré ses accusations d'abus et de violences contre Benoît Jacquot. Le réalisateur, qui avait 25 ans de plus qu'elle, a entretenu durant plusieurs années, sans se cacher, une relation avec l'actrice à partir de ses 14 ans. A la même époque, il l'a dirigée sur les plateaux de cinéma.

Elle a aussi mis en cause Jacques Doillon, 79 ans, en évoquant des faits qui remonteraient au tournage par ce dernier de La Fille de 15 ans, sorti en 1989. Un film tourné alors que Judith Godrèche était mineure et était en couple avec Benoît Jacquot.

Judith Godrèche a ainsi relaté une scène avec Jacques Doillon, en présence de Jane Birkin, qui était alors la compagne du réalisateur. "Tout d'un coup, [Doillon] décide qu'il y a une scène d'amour, une scène de sexe entre lui et moi, a-t-elle raconté. J'enlève mon pull, je suis torse nu, il me pelote, me roule des pelles." Interrogée pour savoir si Jacques Doillon avait "abusé" d'elle, l'actrice a acquiescé.

Côté judiciaire, une source proche du dossier a expliqué jeudi à l'AFP que la plainte déposée mardi par Judith Godrèche visait Benoît Jacquot et Jacques Doillon, et que l'enquête ouverte visait donc les deux réalisateurs.

Jacques Doillon réfute les accusations

Confiée à la Brigade de protection des mineurs, l'enquête porte "sur les infractions de viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin, et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité". "L'ensemble des faits dénoncés ont eu lieu entre 1986 et 1992", selon le ministère public, soit la période où Benoît Jacquot et Judith Godrèche étaient en couple.

Jacques Doillon, réalisateur de Rodin, Ponette ou Le Petit Criminel, père des actrices Lou et Lola Doillon, doit sortir le 27 mars un film, CE2. Il "découvre ces accusations ce matin par voie de presse", a déclaré à l'AFP son avocate, Marie Dosé. "Il les réfute avec force et a hâte de s'expliquer devant la justice."

D'autres figures de cette génération concernées

Avec Jacques Doillon, 79 ans, et Benoît Jacquot, 77 ans, qui a construit son œuvre autour d'actrices comme Isabelle Huppert, Isild Le Besco et Virginie Ledoyen, deux figures d'une génération du cinéma d'auteur français sont prises dans la tourmente.

Volontiers présentés comme les héritiers de la Nouvelle Vague, aimant filmer des récits d'initiation et de désir et revendiquant une proximité avec leurs jeunes actrices, ils font partie des figures intellectuelles prisées des festivals et d'une partie de la presse, mais aux résultats en salle irréguliers.

Un autre représentant de cette génération, Philippe Garrel, a été mis en cause cet été par cinq comédiennes qui ont témoigné dans Mediapart de tentatives de baisers non consentis et de propositions sexuelles lors de rendez-vous professionnels, accusations que le réalisateur de 75 ans a minimisées, tout en présentant ses excuses.

Issu de la même génération, Jean-Claude Brisseau, décédé en 2019, avait été l'une des premières figures du cinéma rattrapées par les affaires de violences sexistes et sexuelles, et condamné en 2005 pour le harcèlement sexuel de deux actrices.

Jacquot accusé par plusieurs actrices

Au-delà de Judith Godrèche, Benoît Jacquot est accusé de violences par d'autres actrices qu'il a fait tourner jeunes, et qui ont témoigné dans Le Monde. L'actrice et scénariste Julia Roy, qui a 42 ans de moins que lui et a joué dans quatre de ses films, y dénonce des "violences verbales et physiques" : insultes et menaces, coups de pied et gifle, jet de chaise et de vaisselle.

L'actrice et réalisatrice Isild Le Besco – six films avec Benoît Jacquot, dont Sade, qu'elle a tourné à l'âge de 16 ans – a transmis un texte au quotidien dans lequel elle évoque des "violences psychologiques ou physiques".

Contactée par l'AFP, l'avocate de Benoît Jacquot, Julia Minkowski, déclare que le réalisateur "conteste les accusations de Judith Godrèche. Il a demandé au parquet à être entendu le plus rapidement possible." Sollicité sur les autres témoignages publiés par Le Monde, elle n'a pas souhaité commenter.

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