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Depardieu et la Russie, quand l'amour rend aveugle

Entre les arguments de l'acteur et la réalité, il y a parfois un fossé. Comparatif.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Gérard Depardieu, le 20 mai 2010 lors du festival de Cannes (Alpes-Maritimes). (LOIC VENANCE / AFP)

Selon le dicton, l'amour rend aveugle. On savait déjà que Gérard Depardieu voulait quitter la France pour des raisons fiscales. Mais à lire la déclaration d'amour de l'acteur adressée à la Russie, jeudi 3 janvier, c'est un véritable eldorado. Francetv info s'est penché sur les arguments développés par la star pour justifier son départ, et les a comparés à la réalité.

Sur la démocratie

La déclaration. "Et je lui ai dit [à François Hollande] que la Russie était une grande démocratie, et que ce n'était pas un pays où un Premier ministre traitait un citoyen de minable." Jean-Marc Ayrault avait en effet jugé "minable" le départ de Depardieu en Belgique. Une sortie qui avait provoqué la colère de l'acteur et sa réponse dans une lettre ouverte au Premier ministre : "Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté ! Tous ceux qui ont quitté la France n'ont pas été injuriés comme je le suis", soulignait-il.

La réalité. L'opposition russe s'est étranglée avec l'expression "grande démocratie". Une phrase qu'"on n'oubliera et on ne lui pardonnera jamais", a répliqué le journaliste Matvei Ganapolski. L'écrivain et opposant Edouard Limonov, lui, a ironiquement proposé à l'acteur de venir "avec [son] nouveau passeport russe" rejoindre les manifestants qui réclament chaque mois "le droit au rassemblement pacifique". Car selon Amnesty international, la Russie n'est pas un état de droit et connaît ces derniers mois un durcissement de la répression contre l'opposition, précise Anne Nerdrum, spécialiste de la Russie interrogée par Europe 1. Les rassemblements sont le plus souvent interdits, ou violemment dispersés, comme le 15 décembre. Le procès des punks féministes de Pussy Riot a également révélé les persécutions subies par ceux qui tentent de s'opposer au gouvernement.

Sur la presse

La déclaration. "J'aime bien la presse, mais c'est aussi très ennuyeux, car il y a trop souvent une pensée unique [en France]." Il faut reconnaître que depuis le début de l'"affaire Depardieu", l'acteur n'a pas été épargné par les médias. On se souvient notamment du "Manneken fisc" en une de Libération, qui expliquait qu'"il y a longtemps que seul l'argent l'intéresse". Le quotidien a également publié la charge de l'acteur Philippe Torreton. Une autre partie de la presse, au contraire, a volé au secours de l'acteur, avec notamment cet article du Figaro. Les deux points de vue ont au moins le mérite d'être publiés et défendus. A l'étranger, l'affaire fait plutôt rire.

La réalité. Ce genre d'opposition par journaux interposés serait quasi impossible en Russie. Si l'on consulte le classement mondial 2011-2012 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, la Russie se classe 144e sur 179. La France arrive en 38e position. L'organisation a même placé le président russe, Vladimir Poutine, sur sa liste des 40 prédateurs de liberté de la presse. Elle dénonce l'instrumentalisation des médias et les assassinats de journalistes, 26 depuis son arrivée au pouvoir en 2000.

Sur la qualité de vie

La déclaration. "En Russie, il fait bon vivre." L'acteur évoque ainsi des "endroits merveilleux". Il se sent bien "au bord des forêts de bouleaux", mais nuance : "Moscou (…) est une mégalopole trop grande pour moi."

La réalité. Au-delà de la carte postale, et sans évoquer la rigueur du climat, les conditions de vie en Russie ne sont pas aussi roses que celles évoquées par l'acteur. Si l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) note que des progrès ont été constatés depuis dix ans, l'écart reste considérable entre les plus aisés et le plus modestes (les 20% les mieux lotis touchent environ neuf fois le montant perçu par les 20% les moins bien lotis). En termes de santé, l’espérance de vie à la naissance est de 69 ans, soit onze ans de moins que la moyenne dans l’OCDE. Des problématiques que le niveau de vie de la star française devrait lui épargner.

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