Condamnées à deux ans de camp pour "hooliganisme", les Pussy Riot vont faire appel
Les trois jeunes femmes étaient jugées pour avoir chanté, le 21 février, une "prière punk" anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur, à Moscou.
EUROPE - Les trois jeunes femmes du groupe punk Pussy Riot ont été reconnues coupables, vendredi 17 août, de "vandalisme motivé par la haine religieuse" et "hooliganisme". Elles ont été condamnées toutes les trois à deux ans de colonie pénitentiaire, un modèle de camp hérité du Goulag de l'ère soviétique. Elles étaient jugées pour avoir chanté, le 21 février, une "prière punk" anti-Poutine ("Marie, mère de Dieu, chasse Poutine !") dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. Vendredi soir, leurs avocats ont indiqué qu'ils feraient appel.
La loi russe définit le hooliganisme comme étant "la violation flagrante de l'ordre public qui se traduit par un manque de respect évident pour la société", comme le rapporte Slate.com (article en anglais). Pendant la lecture du jugement, qui a duré trois heures, la juge Marina Syrova a en grande partie repris les arguments du procureur ; elle a souligné qu'il n'y avait pas eu de "repentir" des accusées et qu'elles avaient "violé l'ordre public" et "offensé les sentiments [religieux] des croyants".
Le procureur avait requis trois ans de camp contre chacune d'elles, expliquant avoir tenu compte de leur casier judiciaire vierge et du fait que deux de ces femmes avaient des enfants en bas âge. Les avocats de la défense avaient plaidé la relaxe.
Journée mondiale de soutien
Avant même le verdict, une centaine de manifestants s'étaient réunis près du tribunal moscovite en guise de soutien aux trois chanteuses. Une trentaine de personnes ont été arrêtées par la police, parmi lesquelles l'opposant russe et ancien champion d'échecs, Garry Kasparov. Un important dispositif policier avait été déployé aux abords du bâtiment et des barrières métalliques avaient été placées de part et d'autre de la rue.
L'affaire a pris une dimension internationale et les trois chanteuses ont reçu ces dernières semaines de nombreuses marques de soutien du monde entier. Plusieurs artistes, tels que Paul McCartney, Madonna, Sting et Yoko Ono, la veuve de John Lennon, ont exprimé leur solidarité. Vendredi, les Occidentaux ont unaniment déploré la condamnation.
L'écrivain Boris Akounine, le blogueur pourfendeur de la corruption Alexeï Navalny et le leader du parti politique russe du Front de gauche Sergueï Oudaltsov, tous des figures de la contestation du régime du président Poutine, font également partie des soutiens officiels des Pussy Riot.
"Un procès digne de l'Inquisition"
Le jugement intervient la semaine même où Vladimir Poutine a franchi le cap des cent jours depuis son retour au Kremlin pour un troisième mandat présidentiel. Cette période a été marquée par un renforcement du contrôle de la société civile. Vladimir Poutine était intervenu lui-même dans cette affaire, début août. En mai dernier, une enquête d'opinion faisait pourtant état de 60% de Russes satisfaits de l'action du président, contre 21% d'insatisfaits.
L'affaire a profondément divisé la Russie où de nombreux prêtres et fidèles ont dénoncé la profanation de la cathédrale et une attaque en règle contre l'Eglise orthodoxe. Mais d'autres, y compris au sein de l'Eglise, ont jugé les poursuites à leur encontre disproportionnés par rapport aux faits qui leur sont reprochés.
Le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny, un des chefs de file de l'opposition, a dénoncé un "anéantissement de la justice" et "un procès digne de l'Inquisition". "C'est tout simplement de l'idiotie", a déclaré pour sa part l'écrivain russe Boris Akounine, cité par Le Monde.fr, autre figure de la contestation du pouvoir du président Vladimir Poutine.
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