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Gérard Depardieu "rend son passeport" français

L'acteur français l'a annoncé dans une lettre ouverte au Premier ministre. "Qui êtes vous pour me juger ainsi ?", lance-t-il à ce dernier.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Gérard Depardieu, le 18 octobre 2012. (JOHANNES EISELE / AFP)

Rien ne va plus entre le gouvernement et Gérard Depardieu. Dans une lettre ouverte à Jean-Marc Ayrault, publiée par le Journal du Dimanche dimanche 16 décembre, l'acteur, qui s'estime "injurié" par le Premier ministre, annonce qu'il "rend [son] passeport français et [sa] sécurité sociale".

Francetv info revient sur ce nouvel épisode des relations tumulteuses entre le gouvernement et l'acteur.

Que reproche Gérard Depardieu au gouvernement ?

Le premier reproche de l'acteur s'adresse directement à Jean-Marc Ayrault. La sortie du  Premier ministre, qui avait jugé "assez minable" son départ en Belgique, ne passe pas. "Minable, vous  avez dit 'minable' ? Comme c'est minable", lance l'acteur dès l'entame de sa lettre. Avant de poursuivre : "Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté ! Tous ceux qui ont quitté la France n'ont pas été injuriés comme je le suis", souligne-t-il.

"Qui êtes vous pour me juger ainsi, je vous le demande M. Ayrault, 1er Ministre de M. Hollande, je vous le demande, qui êtes vous ?", lance l'un des acteurs les mieux payés du cinéma hexagonal. "Je ne suis ni à plaindre ni à vanter, mais je refuse le mot 'minable'", insiste le nouveau résident de Néchin (Belgique). "Malgré mes excès, mon appétit et mon amour de la vie, je suis un être libre Monsieur et je vais rester poli", conclut-il un brin théâtral sa missive au Premier ministre.

Outre les mots de Jean-Marc Ayrault, Gérard Depardieu reproche au gouvernement sa politique fiscale. Même s'il ne la mentionne pas directement, la nouvelle taxe à 75% sur les très hauts revenus est clairement visée. "Je pars parce que vous considérez que le succès, la création, le talent, en fait, la différence, doivent être sanctionnés", écrit l'acteur, qui précise cependant qu'il continuera à "aimer les Français et ce public" avec lequel il a "partagé tant d'émotions !".

Rappelant avoir commencé à travailler "à 14 ans comme imprimeur, comme manutentionnaire puis comme artiste dramatique", il affirme avoir "toujours payé (ses) taxes et impôts". Et de préciser avoir payé "en 2012 85% d'impôts sur (ses) revenus"."Je n'ai jamais tué personne, je ne pense pas avoir démérité, j'ai payé 145 millions d'euros d'impôts en 45 ans, je fais travailler 80 personnes", insiste le nouveau résident de Néchin (Belgique).

Les chiffres avancés par Gérard Depardieu sont toutefois à prendre avec des pincettes. D'une part, la réforme fiscale de François Hollande et Jean-Marc Ayrault n'est pas encore entrée en vigueur pour l'impôt 2012. D'autre part, le chiffre de 85% est de toute façon supérieur au projet du gouvernement.

 Gérard Depardieu peut-il décider lui-même de ne plus être français ?

Cette annonce choc est cependant plus symbolique que concrète. Pour perdre la nationalité française, Gérard Depardieu doit d'abord acquérir celle d'un autre pays. En effet, il n'est pas possible juridiquement de déchoir quelqu'un de sa nationalité si cette décision a pour conséquence de le rendre apatride.

Si, selon le maire de Néchin, Gérard Depardieu s'est bien renseigné sur la procédure à suivre pour obtenir un passeport belge, l'acteur ne dispose pas pour le moment de la nationalité belge. 

Dans l'hypothèse où il décide d'aller au bout de sa démarche, il pourra ensuite demander à perdre la nationalité française, comme le prévoit l'article 23 du Code Civil. Mais cette demande est soumise à l'autorisation du gouvernement, par décret.

"Perd la nationalité française le Français, même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande par le gouvernement français, à perdre la qualité de Français", explique le texte. Gérard Depardieu ne peut donc pas décider lui-même de ne plus être français.

Que lui répond le gouvernement ?

Tout au long de la journée, le gouvernement a unanimement condamné les propos de Depardieu. Premier à réagir, le ministre du Travail Michel Sapin a eu des mots très durs. "Au-delà de la personnalité, au-delà du talent, c'est une forme de déchéance personnelle que je trouve dommageable. Je ne dis pas déchéance pour la personne, je dis que c'est une attitude pas à la hauteur de l'acteur", a-t-il déclaré lors du Grand rendez-vous Europe 1/iTélé/Le Parisien.

Sur France info, la ministre de la culture Aurélie Filippetti a qualifié la réaction de Gérard Depardieu de "scandaleuse""Quand on abandonne le navire, quand on déserte, car nous sommes dans une guerre économique, on ne vient pas en plus donner des leçons de morale aux autres", a-t-elle déclaré. Sur BFM TV, elle avait cité un peu plus tôt les exemples des artistes qui, comme Michel Sardou, se sont dit prêt à faire un effort financier supplémentaire.

Le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a lui aussi été choqué par les propos de l'acteur. "Je pense que quand on aime la France, on (l') aime sous Sarkozy, (...) sous Hollande, on aime la France tout court. Ce qui est à craindre avec cette déclaration-là, c'est que ce qu'il aimait dans la France, c'était le bouclier fiscal", a-t-il ajouté.

Enfin, le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon a estimé que Gérard Depardieu était un "mauvais exemple" pour les jeunes. "Il faut que les élites donnent l'exemple (...) nous traversons une phase très difficile", a ajouté le ministre, en citant "l'augmentation de la pauvreté".

Qu'en pense l'opposition ?

A l'inverse, la droite soutient la démarche de l'acteur. L'ancienne ministre et responsable UMP Nadine Morano a estimé sur Twitter que le Premier ministre avait mis en place "une fiscalité démente".

Le député UMP Edouard Courtial s'est dit "bouleversé par le traitement médiatique qui est réservé (à Gérard Depardieu) par le gouvernement". "La majorité socialiste laisse penser que bientôt le village d'irréductibles gaulois auquel elle veut nous réduire n'abritera plus un seul 'homme à succès, créatif, de talent'", poursuit le député, avant de conclure : "Paris à son obélisque, la France doit respecter son Obélix".

Le Nouveau centre d'Hervé Morin a également volé au secours de l'acteur. "À travers ce désaveu ultime, ce départ dans les remords, Depardieu se fait le porte-parole de cette majorité de Français qui ne se reconnaît pas dans la politique de découragement qui est celle du gouvernement", juge Hervé Morin.

Proche de Jean-Louis Borloo et vice-présidente du parti radical, Rama Yade a estimé qu'il "serait trop facile d'accabler Gérard Depardieu""On a déjà eu d'autres personnalités qui sont parties - comme Bernard Arnault le patron de LVMH, il est clair que c'est la conséquence de la politique fiscale irresponsable des socialistes", dénonce sur Europe 1 l'ancienne secrétaire d'Etat.

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