Taxe à 75% : la reculade du gouvernement en trois actes
Cette mesure phare du candidat François Hollande devrait être largement édulcorée dans le projet de loi de finances que s'apprête à présenter le gouvernement Ayrault.
POLITIQUE - L'Elysée se défend de tout recul. Et pourtant, la taxe à 75% sur les très hauts revenus devrait être sérieusement édulcorée, selon Le Figaro et Les Echos, par rapport aux engagements de François Hollande durant la campagne présidentielle. Pourtant Pierre Moscovici a assuré, vendredi 7 septembre, que la promesse serait "strictement respectée". FTVi revient en trois actes sur cette mesure symbolique.
Acte 1 : une annonce improvisée
L'annonce avait surpris au sein même de l'équipe de campagne de François Hollande. Sur le plateau de TF1, le 27 février, le candidat à la présidentielle avait promis un taux d'imposition de 75% pour les très hauts revenus, supérieurs à un million d'euros par an. Il s'était d'ailleurs pris les pieds dans le tapis en évoquant par erreur les revenus supérieurs à un million d'euros par mois, avant de rectifier son erreur par la suite.
Quelques minutes plus tard, dans l'émission "Mots croisés", en direct sur France 2, Jérôme Cahuzac, alors responsable des questions budgétaires dans l'équipe Hollande (devenu depuis ministre délégué au Budget), avait semblé apprendre en direct la déclaration, refusant même de la commenter.
Si cette proposition surprise du candidat socialiste avait été brocardée par ses adversaires, elle avait en revanche été perçue comme une bonne opération stratégique pour François Hollande. Il avait ainsi réussi à monopoliser l'attention médiatique plusieurs jours, reléguant au second plan les annonces de Nicolas Sarkozy sur l'éducation.
Dans le détail, cette taxe de 75% devait s'appliquer à tous les revenus supérieurs à un million d'euro par an et par part fiscale. A l'époque, FTVi avait calculé l'impôt supplémentaire que les personnes à très hauts revenus auraient dû payer si cette taxe avait été appliquée telle quelle.
Acte 2 : sportifs et artistes se rebiffent
Immédiatement après l'annonce de François Hollande plusieurs catégories de contribuables se sont offusquées de cette proposition. A commencer par le monde du football. Car la mesure aurait potentiellement pu concerner une bonne cinquantaine de joueurs de Ligue 1. "Cela freinerait l'arrivée sur notre territoire de joueurs en provenance d'autres pays", affirmait alors le président de l'Union nationale des footballeurs professionnels, Philippe Piat. Des craintes exprimées aussi par des présidents de club.
Les artistes français n'étaient pas restés silencieux. "C'est de la confiscation", avait protesté Patrick Bruel sur RTL, tandis que Françoise Hardy craignait de se retrouver "à la rue" en cas d'élection de François Hollande. Dans une interview à Paris-Match, elle envisageait même d'aller se réfugier à Londres ou à New York.
Acte 3 : le gouvernement détricote la promesse
Par petites touches, et sans jamais communiquer tout à fait officiellement, le gouvernement Ayrault laisse filtrer des informations qui vont dans le sens d'un assouplissement de cette mesure phare de la campagne de François Hollande. "Il faut que cette taxe soit intelligente. Nous ne souhaitons pas qu'elle entraîne un exode des cadres et des chefs d'entreprise", affirmait ainsi le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, le 29 août dans Les Echos.
Outre les éventuels effets néfastes sur l'économie que pourrait causer cette mesure, le gouvernement avait redouté que cette taxe soit jugée confiscatoire par le Conseil constitutionnel. A plusieurs reprises, l'exécutif avait ainsi laissé entendre que les sportifs et les artistes pourraient voir leur fiscalité lissée sur plusieurs années.
Mais les informations publiées par Les Echos et Le Figaro vont plus loin. Dans la mouture du texte qu'envisage de présenter le gouvernement, les revenus des artistes et des sportifs, considérés comme exceptionnels, ne seraient plus concernés.
Le seuil d'un million d'euros de revenus serait maintenu, mais seulement pour les célibataires. Pour les couples, le seuil au-delà duquel la taxe de 75% serait appliqué serait revu à 2 millions d'euros.
Autre retouche importante : les revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values) seraient exonérés de cette taxe. Seuls les revenus d'activité, "ceux qui ne réservent aucun aléa et n'impliquent aucune prise de risque" seraient pris en compte, affirment Les Echos.
Limitée dans le temps, cette taxe de 75% ne sera pas une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, mais une surtaxe qui comprendrait la CSG (7,5%) et la CRDS (0,5%) dont les Français s'acquittent déjà. Le taux effectif de cette nouvelle taxe ne serait donc que de 67%.
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