Procès de Gérard Depardieu : un premier rendez-vous judiciaire pour l’acteur, accusé d'agressions sexuelles sur le tournage des "Volets Verts"

Le comédien doit être jugé lundi après-midi pour avoir agressé sexuellement deux femmes en 2021. Mais son avocat a annoncé qu'il ne serait pas présent et qu'il allait solliciter un renvoi du procès pour raisons de santé.
Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
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L'acteur Gérard Depardieu assiste à l'ouverture du festival international du film Baltic Debuts, à Svetlogorsk, en Russie, le 24 juillet 2021. (VITALY NEVAR / TASS / SIPA)

C'est un rôle qu'il n'a pas souvent incarné à l'écran. Gérard Depardieu, qui devait endosser le costume de prévenu, lundi 28 octobre, devant le tribunal correctionnel de Paris, ne sera pas présent à l'audience, pour raisons de santé. Le comédien de 75 ans est jugé pour des agressions sexuelles sur deux femmes pendant le tournage du film Les Volets verts, de Jean Becker, en septembre 2021. Dans une analogie troublante avec sa propre situation, il y incarne un grand acteur des années 1970 au crépuscule de sa carrière.

C'est la première fois que le monstre sacré du cinéma français devait comparaître devant la justice depuis qu'il est accusé de violences sexuelles. Après avoir indiqué que son client entendait être présent "devant le tribunal", son avocat, Jérémie Assous, a fait savoir lundi sur franceinfo que "Gérard Depardieu est extrêmement affecté" et que "malheureusement, ses médecins lui interdisent de se présenter à l'audience". L'acteur, qui conteste les faits qui lui sont reprochés, va donc "solliciter un renvoi à une date ultérieure afin qu'il puisse être présent", précise son conseil.

Cette affaire a été révélée par Mediapart, qui a d'abord relayé, en février, la plainte d'une décoratrice du film pour agression sexuelle, harcèlement sexuel et outrages sexistes. Selon cette femme de 53 ans, qui souhaite rester anonyme, les faits se sont déroulés lors du tournage dans un hôtel particulier de l'avenue Mozart, dans le 16e arrondissement de Paris. D'après son récit au média d'investigation, l'acteur lui a d'abord tenu de nombreux propos graveleux alors qu'elle travaillait à la mise en place d'un décor. Une heure après, alors qu'elle quittait le plateau, l'acteur l'a soudainement "attrapée avec brutalité" et "bloquée en refermant ses jambes [sur elle] comme un crabe", puis il lui a "pétri la taille, le ventre, en remontant jusqu'à [ses] seins", tout en lui lançant : "Viens toucher mon gros parasol, je vais te le fourrer dans la chatte…"

"L'impression d'un piège à loup"

"J'avais l'impression d'un piège à loup. J'ai paniqué, j'avais le souffle coupé", relate-t-elle encore, décrivant la "force phénoménale" de l'acteur et se rappelant avoir été "tirée vers l'arrière" par des bras, pendant que d'autres saisissaient les mains de l'acteur.

"Ses gardes du corps l'ont emmené. Il hurlait et riait tout seul. Il m'a lancé : 'On se reverra, ma chérie !' J'étais stupéfaite, secouée. Cela n'a duré que quelques instants mais cela résonne encore."

La première plaignante

auprès de Mediapart

En mars, une deuxième femme, âgée de 33 ans, assistante réalisatrice sur ce même tournage en 2021, a également déposé plainte pour agression sexuelle, comme l'a rapporté Mediapart. Elle dénonce des "attouchements à la poitrine et sur les fesses", à trois reprises, de la part de Gérard Depardieu.

Après s'être confiée à la deuxième assistante réalisatrice, la jeune femme dit avoir reçu des excuses de l'acteur. Mais par la suite, il lui a fait vivre "un calvaire", selon son témoignage auprès de Mediapart : "Il ne me laissait plus faire mon travail, je ne pouvais pas lui parler pour lui transmettre les informations, ni venir le chercher aux loges pour l'accompagner sur le plateau." L'assistante réalisatrice affirme avoir été traitée de "balance" sur le plateau, s'être fait "hurler dessus". "Gérard avait réussi à me faire sentir coupable d'avoir parlé de ces actes et à me faire sentir mal", ajoute-t-elle.

Les producteurs parlent d'un "projet risqué"

Les déclarations de ces deux femmes ont été confirmées à Mediapart par de nombreux membres de l'équipe du film, témoins des événements. L'actrice Anouk Grinberg a par ailleurs appuyé leurs témoignages en dépeignant auprès du site d'information un climat "suffocant, atterrant", "tout cela dans l'impunité". "Dès les premières heures du tournage, Depardieu était graveleux, obscène", se remémore la comédienne, qui est sortie du silence fin 2023 sur les accusations visant l'acteur. Egalement interrogée par l'AFP, elle a confirmé que "du matin au soir, on avait le droit à ses salaceries".

"Quand des producteurs de film engagent Depardieu sur un film, ils savent qu'ils engagent un agresseur."

L'actrice Anouk Grinberg

à l'AFP

Contactés par Mediapart, les producteurs, Laurent Pétin et Michèle Halberstadt, ont évoqué "un projet risqué" qu'ils ont "accepté de produire, dans le respect de la présomption d'innocence de Gérard Depardieu". Ils affirment que l'"incident" concernant la décoratrice a été traité avec "bienveillance et compréhension" par leur directeur de production, mais assurent "avoir été parfaitement dans l'ignorance de l'incident survenu" pour l'assistante réalisatrice.

Une troisième plainte classée pour prescription

Une troisième plainte a fait l'objet d'investigations de la part de la police judiciaire, mais a été écartée par le parquet en raison de la prescription. L'acteur n'aura donc pas à s'expliquer sur ces faits lors du procès. Ils se sont déroulés, selon la plaignante, sur le tournage d'un autre film, Le Magicien et les Siamois, de Jean-Pierre Mocky, en 2014.

Cette ancienne assistante de tournage, 24 ans l'époque, s'est confiée au Courrier de l'Ouest en février. Elle affirme avoir été agressée par Gérard Depardieu une première fois au domicile de l'acteur, où elle s'était rendue pour les besoins de la production. "J'ouvre un placard et il me pousse dedans en me prenant les fesses et en criant : Hurle ! Hurle ! Ça va les faire jouir en bas", témoigne-t-elle. La jeune femme rapporte une seconde agression lors du tournage aux arènes de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire). Selon elle, la star lui a saisi le poignet et mis la main sous sa jupe. Elle se souvient de "ses paluches partout sur [son] corps" et de "ses mots indécents".

"Si on avait la prescription glissante pour les victimes majeures comme pour les victimes mineures, ces femmes-là pourraient avoir une reconnaissance judiciaire", a regretté auprès de l'AFP l'avocate Carine Durrieu-Diebolt, espérant "une réforme législative à cet égard". La prescription glissante permet à une première victime de bénéficier du délai de prescription accordé à une deuxième quand l'auteur du délit ou du crime sexuel est identique. Jointe par franceinfo, Carine Durrieu-Diebolt n'a pas souhaité faire d'autres commentaires avant l'audience.

"Jamais je n'ai abusé d'une femme"

Les débats et la décision rendue dans ce premier procès revêtent un enjeu important pour la suite. Gérard Depardieu est en effet mis en examen depuis 2020 pour viols et agressions sexuelles sur une jeune comédienne, Charlotte Arnould. Le parquet de Paris a requis son renvoi devant une cour criminelle et il revient désormais au magistrat instructeur d'ordonner ou non un procès. L'acteur est par ailleurs visé par une cinquième plainte, déposée en Espagne par la journaliste et écrivaine Ruth Baza, qui l'accuse de l'avoir violée en 1995 à Paris. Une sixième plainte, de la comédienne Hélène Darras pour agression sexuelle lors d'un tournage en 2007, a été classée sans suite, là aussi pour prescription. Au total, le comédien est accusé par une vingtaine de femmes qui ont témoigné dans la presse ou devant la justice.

Dans une lettre ouverte publiée par Le Figaro en octobre 2023, le comédien avait martelé qu'il n'était "ni un violeur ni un prédateur". "Jamais au grand jamais je n'ai abusé d'une femme", écrivait-il. Après s'être défendu par voie de presse, l'acteur, qui encourt cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende, devait avoir l'occasion de le faire dans une enceinte judiciaire. Il reviendra au tribunal de décider de le juger ou non en son absence. 

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