"Le Bon Grain et l'Ivraie" : un documentaire alarmant sur la situation des enfants de parents réfugiés
Au cinéma le 28 octobre, le documentaire "Le Bon Grain et l'Ivraie" suit des enfants de parents demandeurs d'asile qui livrent, face caméra, leurs espoirs et leurs doutes.
L'une des plus jeunes a cinq ans. Elle maîtrise parfaitement le français, et si l'on ignorait qu'elle avait fui le Kosovo avec sa famille pour le pays des droits de l'Homme, on pourrait l'y croire née. Mais, comme tous les enfants auxquels la documentariste Manuela Frésil a choisi de donner la parole dans Le Bon Grain et l'Ivraie, au cinéma le 28 octobre, elle bascule des foyers d'hébergement d'urgence aux rues d'Annecy et ignore où elle et sa famille passeront la prochaine nuit.
"Les enfants n'ont pas à être triés"
Le Bon Grain et l'Ivraie fait référence à une parabole de l'Evangile selon Matthieu, qui évoque le tri des âmes lors du Jugement dernier. "Le cultivateur qui retire l'ivraie du grain fait une moins bonne récolte que celui qui ne le retire pas", explique la réalisatrice à franceinfo Culture. "Et les enfants n’ont pas à être triés." Le documentaire interroge ainsi la résilience des enfants, jeunes, innocents et plein d'énergie, et pourtant déjà confrontés à une situation dramatique : l'absence de logement.
Ils sont kosovares, albanais, guinéens, rwandais, arméniens, géorgiens. Ils ont vite appris le français et aiment jouer avec leurs copains, comme tous les enfants de leur âge. Semblables mais pourtant différents, car eux n'ont pas de foyer et sont hébergés avec leurs parents par "le Centre", une ancienne colonie de vacances reconvertie en foyer d'accueil d'urgence sur les hauteurs d'Annecy.
Jusqu'à ce que le préfet décide en 2015 de fermer l'établissement, "pour une raison mystérieuse" selon Manuela Frésil. Les familles trouvent pour la plupart refuge dans un parc à côté de la gare. Caméra en main, la réalisatrice les y accompagne.
Sans artifices
Tourné en 2015 pendant un an, le film propose une réalisation très brute, sans commentaire ni musique - hormis celle qu'écoutent les protagonistes - où le propos prime sur la forme. Même s'il parvient à immortaliser quelques jolies scènes: les gamins, habités par une admirable joie de vivre, partagent des moments forts avec leur famille. Ils chantent, dansent, soufflent sur des fleurs de pissenlit qui voltigent autour d'eux... Ils occupent une place centrale dans le documentaire et témoignent de leur quotidien avec simplicité et maturité.
"C'est un film sur le débordement", souligne Manuela Frésil qui a tenu à garder contact avec tous les enfants qu'elle a filmés. "Après la fermeture du centre, les familles ont été mises dehors, avec parfois de tous petits enfants. J'ai été embarquée dans une histoire que je ne maîtrisais pas. J'avais la trouille, car chaque fois que je revenais à Annecy, la situation était pire que ce que j'imaginais." Aujourd'hui, rien ne s'est amélioré. Certaines familles ont été renvoyées dans leur pays, d'autres attendent d'être régularisées, broyées par les lenteurs administratives.
Laisser des familles à la rue, ça donne des gamins fracassés.
Manuela Frésilà franceinfo Culture
Car tout cela prend du temps, un temps que ce documentaire dénonce. "On ne peut pas imposer ça à des enfants. Au nom des droits de l'Enfant, mais aussi de l'efficacité sociale", défend la documentariste. "Laisser des familles à la rue, ça donne des gamins fracassés. Et il faudra investir pas mal pour les remettre d'aplomb..." Malgré des longueurs, le film parvient à livrer un témoignage implacable sur l'impuissance de notre société à protéger ces enfants de réfugiés. Un documentaire saisissant.
La fiche
Genre : Film documentaire
Réalisatrice : Manuela Frésil
Pays : France
Durée : 1h34
Sortie : 28 octobre 2020
Distributeur : Juste Doc
Synopsis : En petite bande joyeuse, ils dansent, rient, font des batailles de boules de neige, mais où dormiront-ils cette nuit ? Dans un hall de gare ? Dans un centre d’hébergement ? En France, aucun enfant ne devrait se poser ces questions.
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