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Festival de Cannes 2023 : "Club Zéro", la savoureuse et tragique chronique d'un endoctrinement au nom de la protection de l'environnement

Dans son dernier long métrage, Jessica Hausner filme des lycéens qui, sous l'emprise d'une enseignante, décident de modifier radicalement leur alimentation. Le résultat prend littéralement aux tripes.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Photo d'un scène du film "Club Zéro" de Jessica Hausner (BAC FILMS)

L'objet filmique de Jessica Hausner s'accompagne d'entrée de jeu d'une mise en garde quant aux désordres alimentaires qu'il évoque. Club Zéro, le film de la réalisatrice autrichienne en lice pour la Palme d'or, est une proposition dérangeante sur une thématique qui préoccupe désormais tout le monde ou presque, la protection de l'environnement. Dans son dernier long métrage, elle l'associe à l'alimentation, la jeunesse et l'éducation. 

Miss Novak, campée par une hallucinante Mia Wasikowska, débarque dans un lycée privé pour enseigner l'alimentation consciente. La méthode qu'elle prône conseille, par exemple, de respirer avant d'avaler sa tablette de chocolat. Prendre ainsi conscience de son alimentation serait, selon elle, un moyen de participer à la protection de l'environnement. Comme le montre la première scène du film, les jeunes qui s'inscrivent dans son cours ont des motivations diverses. Mais peu à peu, sous l'influence de leur enseignante, leur rapport à la nourriture va se radicaliser sous les yeux des parents des lycéens dont deux sont interprétés par les comédiens français Elsa Zylberstein et Mathieu Demy. Sans éveiller la méfiance de la responsable de l'établissement d'excellence, incarnée par la Danoise Sidse Babett Knudsen affublé d'une garde-robe assez baroque, Miss Novak emmène ses adeptes aux portes de l'étrange Club Zéro.

Un gourou dans leurs assiettes 

Après Little Joe, présenté également en compétition en 2019 (la comédienne Emily Beecham y a obtenu le Prix d'interprétation féminine), Hausner démontre de nouveau sa capacité à mettre en image l'emprise, qu'elle soit d'origine végétale – c'était le cas dans son précédent film – ou humaine. D'abord, par le biais de l'organisation de l'espace, Miss Novak et ses élèves évoluent dans des décors parfaitement ordonnés et aseptisés qui transmettent une certaine vacuité, aussi bien dans le lycée que dans les domiciles de leurs riches parents, du moins pour la plupart d'entre eux.

Ensuite, les tables à manger, lieu de l'exercice de l'alimentation consciente enseignée par Miss Novak, sont prépondérantes. L'aspect appétissant des mets, que l'on y retrouve, contraste avec la façon dont les nouveaux adeptes de la méthode les accueillent, à savoir le plus souvent avec indifférence ou dégoût. Les contrastes se retrouvent d'ailleurs à d'autres niveaux. Par exemple, quand les dialogues déclenchent l'hilarité générale pour mieux replonger l'audience dans la spirale du drame auquel elle assiste. Tout comme la palette chatoyante du film s'oppose au sombre récit qui est livré : le rouge et le vert, que l'on retrouve souvent dans les décors de Hausner, viennent ici s'ajouter à l'univers jaune et violet des uniformes des lycéens.

Nourris par une liberté illusoire

Enfin, l'intrigue puise sa force dans la bulle léthargique dans laquelle les enfants et les parents évoluent pour des raisons tout à fait différentes. Chez les lycéens, elle rend compte de leur niveau d’adhésion aux théories de Mme Novak et de leur envie de résister aux diktats de la société de consommation. Quant aux parents, leur passivité est le reflet de leur impuissance à trouver la solution idoine au problème qui se pose désormais à eux. D'autant que pour certains de cette bande d'adolescents, l'endoctrinement dont ils sont victimes trouve un terreau plus que favorable dans un mal-être préexistant. Fred est négligé par ses parents qui ne jurent que par un projet mené au Ghana, Elsa est anorexique – un héritage familial semble-t-il – et Ragna est complexée par son apparence physique.

La bande originale de Club Zéro joue à fond, peut-être un peu trop d'ailleurs, la carte du drame pour accompagner cette dérive sectaire. Néanmoins, ce choix renforce son propos qui interroge sur la capacité des adultes, parents et corps enseignant, à intervenir pour protéger des enfants dans une situation où tous les signaux sont au rouge. A une époque où les jeunes subissent des influences de toutes sortes et que leurs engagements sont souvent entiers, voire quelque peu radicaux, Club Zéro sonne comme un appel à la vigilance. Jessica Hausner a signé un film percutant qui retourne l'estomac, au sens propre comme au figuré, de par le sujet qu'il aborde et ses choix de mise en scène totalement radicaux.

Extrait de "Club Zéro" de Jessica Hausner, film en lice pour la Palme d'or de la 76e édition du Festival de Cannes
Extrait de "Club Zéro" de Jessica Hausner Extrait de "Club Zéro" de Jessica Hausner, film en lice pour la Palme d'or de la 76e édition du Festival de Cannes (BAC FILMS)

La fiche

Genre : drame
Réalisateur : Jessica Hausner
Acteurs : Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Amir El-Masry, Elsa Zylberstein, Mathieu Demy, Ksenia Devriendt, Luke Barker, Florence Baker, Samuel D Anderson, Gwen Currant
Pays : Autriche, Royaume-Uni, Allemagne, France, Danemark
Durée : 1h50
Sortie : prochainement
Distributeur : BAC Films 
Synopsis : Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs
et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro.

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