Festival de Cannes 2022 : bienvenue à Little Italy au cœur de la Croisette
Pourquoi y a-t-il autant d'Italiens sur la Croisette ? Une ancienne et durable tradition d'amitié pour le cinéma italien a fait du Festival de Cannes une plaque tournante où le 7e art transalpin se retrouve. Reportage.
Sur la Croisette, si vous venez pour la première fois à Cannes pendant le Festival, vous serez étonné d'entendre à ce point parler la langue de Dante. Entre le Palais des Festivals et les grands hôtels, en passant par le front de mer, on se croirait parfois, en fermant les yeux, à Rome ou à Turin, autre capitale transalpine du cinéma. Des journalistes ? Sûrement pour nombre d'entre eux, reconnaissables à leur badge d'accrédités presse autour du cou. Beaucoup plus nombreux, les professionnels du cinéma. Pourquoi autant d'Italiens à Cannes ? Qui sont-ils et que viennent-ils faire au Festival ?
Les films sont la vitrine
Direction le Palais des Festivals, dans sa salle de presse, ses couloirs, son (incontournable) bar à espressos gratuits, où la proportion d'italophones grimpe encore. Sans parler des grands halls qui jouxtent les immenses salles Grand Théâtre Lumière et Debussy où s'agglutinent les équipes à la sortie des projections officielles. Là, à la première du film de Bellocchio, Esterno Notte (en section Cannes Première) au début du festival, ou à celle de Mario Martone, Nostalgia (en compétition) à mi-parcours, nous croisons tout ce qui compte de la ciné-sphère italienne : comédiens et cinéastes venus soutenir leurs champions – les stars Toni Servillo ou Pierfrancesco Favino -, producteurs et futurs distributeurs impliqués, institutions, en la personne par exemple du charismatique ancien maire de Rome Francesco Rutelli, aujourd'hui à la tête de l'Anica (le patronat de l'industrie du cinéma).
Les films présentés à Cannes sont la vitrine. Même s'il n'y a qu'un film italien en compétition cette année (peu, comparé aux très fastes précédentes années) auquel s'ajoutent deux co-productions, une italo-belge (Le otto montagne de Vandermeersch et Van Groeningen) et une franco-italienne, signée de Valeria Bruni Tedeschi (Les Amandiers), les sélections parallèles offrent d'autres films, dont celui de Bellocchio (figure de poids, récompensé de la Palme d'or d'honneur l'année dernière) et L'envol du très prometteur Pietro Marcello. L'actrice Jasmine Trinca présente à Cannes Première son premier film en tant que réalisatrice (Marcel!), et fait partie du jury de Vincent Lindon. D'autres figures du cinéma sont là sans film comme Valeria Golino, qui préside, elle, le jury Un Certain Regard ou le cinéaste culte Paolo Sorrentino (La Grande Bellezza) invité par le festival pour un débat sur l'avenir du cinéma.
L'Italian Pavilion au cœur des échanges
Derrière les films, derrière les stars, une grosse activité de l'industrie et du marché du cinéma italien se déroule ici, sur la Croisette. Il faut se rendre à l'Hôtel Majestic pour s'en rendre compte, dans le vaste espace de l'Italian Pavilion, animé par les principales structures de cette industrie : Cinecittà (devenue entreprise publique de soutien au cinéma national), l'Anica, le ministère de la Culture et la Film commission, organisme public régional d'aide à la production. Le pavillon italien c'est à la fois un lieu de rencontres et de business international, des terrasses où les cinéastes font la promotion de leurs films, et surtout un espace libre où, spontanément producteurs, institutions, artistes, responsables de festivals se croisent et échangent.
"Ici naissent des idées, et se déclenchent souvent des projets en matière de création ou de logistique", nous explique Marlon Pellegrini, de Cinecittà. En gros, une affaire entre deux Italiens peut naître ou se conclure ici à Cannes. "Ce festival est une plaque tournante. La Mostra de Venise est fondamentale pour la vitrine du cinéma, mais Cannes a le Marché du film, ça change tout !", précise-t-il Paolo Manera, directeur de la Film Commission de la très importante région du Piémont (Turin), lui, ne cesse de faire l'aller-retour entre le Marché du film et l'Italian Pavilion, à l'affût de rencontres : "Je cherche ceux qui ont un film ou mieux, ceux qui sont en train de l'écrire et veulent le tourner. Au Marché tout est très structuré. Ici au Pavilion, on a l'aspect informel, l'improvisation qui est essentielle", nous éclaire-t-il.
Nouvelle génération
L'histoire d'amour entre Cannes et le cinéma italien repose sur une longue tradition. "De La Dolce Vita de Fellini (Palme d'or) à l'Avventura d'Antonioni, en passant par Rome Ville ouverte de Rossellini, Cannes a accéléré la carrière de chefs d'œuvre du cinéma italien", aime rappeler Marlon Pellegrini de Cinecittà. "Mais ce n'est pas seulement de l'histoire : Matteo Garrone (Gomorra) et Paolo Sorrentino ont explosé à Cannes et s'en sont servis comme tremplin pour les Etats-Unis. Alice Rohrwacher, elle s'est fait remarquer, à Cannes, par Jane Campion…".
Enfin, même les co-productions franco-italiennes si célèbres à l'époque des Delon, Noiret et Trintignant, ont repris ces dernières années. D'abord limitées à l'underground, elles portent aujourd'hui le nouveau cinéma dont Pietro Marcello ou un Michelangelo Frammartino sont des représentants. Sur la Croisette on n'est pas près de ne plus entendre parler italien.
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