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Festival de Cannes 2023. "Le Retour" de Catherine Corsini "dépeint des combats d'adolescentes et de femmes" : rencontre cannoise avec les actrices Aissatou Sagna Diallo et Esther Gohourou

Les deux comédiennes ont en commun une jeune carrière au cinéma. Elles évoquent leurs nouveaux rôles dans le dernier film de Catherine Corsini et leur rapport au métier d'actrice qu'elles exercent encore à temps partiel.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
L'actrice Aissatou Diallo Sagna, la cinéaste Catherine Corsini et la comédienne  Esther Gohourou assistent à la conférence de presse du film "Le Retour" lors de la 76e édition du festival de Cannes au Palais des Festivals le 18 mai 2023 à Cannes, France. (KRISTY SPAROW / GETTY IMAGES EUROPE)

Le Retour de Catherine Corsini est l'un des 21 films en lice pour la Palme d'or. Khédidja (Aissatou Sagna Diallo) et ses filles Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou) reviennent en Corse, l'île qu'elles ont quittée en catastrophe il y a quinze ans. Ce retour estival rime aussi avec nouvelles expériences amoureuses pour les jeunes femmes. Après la présentation de leur film, nous avons rencontré sur la Croisette les comédiennes Aissatou Sagna Diallo et Esther Gohourou qui sont mère et fille à l'écran. 

Franceinfo Culture : Le personnage de Khédidja, la mère que vous incarnez Aissatou Sagna Diallo, est plus réservé compte tenu de son passé dramatique sur l'île qu'on devine au début du film. Ses filles sont bien évidemment plus décontractées. Notamment Farah, votre personnage Esther Gohourou, qui embête tout le monde. Comment avez-vous construit vos personnages ?

Esther Gohourou : Etre Farah, être moi quoi (rires) ! Mon rôle n'a pas été compliqué à travailler parce que je me reconnais beaucoup en Farah. Je suis celle qui est un peu agitée (sourire). Tout n'a pas été simple mais j'ai kiffé ce personnage. Cependant, quand on commence à comprendre le rôle de Farah, ça fait de la peine de savoir qu'elle fait tout ça parce qu'elle cherche à attirer l'attention. Elle se sent obligée de faire n'importe quoi pour que les gens la remarquent même si elle est évidemment remarquée par sa mère, qui à la fin, ne sait toujours pas ce qu'elle a fait (sourire). Elle fait n'importe quoi en cachette et personne ne sait jamais rien. 

Aissatou Sagna Diallo : J'ai beauoup travaillé sur le non verbal. Mon personnage ne s'exprime pas beaucoup avec les mots. La posture, les regards... j'ai essayé de me servir d'autres outils pour transmettre des choses. Il y a une partie de Khédidja qui s'est éteinte quand elle a perdu tragiquement son mari. Ensuite, elle a essayé de faire face parce qu'elle avait deux enfants à protéger. Khédidja s'était imaginée qu'on voulait lui retirer ses enfants, que sa belle-famille était toute puissante d'autant plus qu'elle n'a jamais été vraiment acceptée.

Catherine Corsini, grâce à qui nous vous avons découverte dans "La Fracture", a de nouveau fait appel à vous. Comment vous a-t-elle parlé de cette nouvelle collaboration ?

Aissatou Sagna Diallo : Notre rencontre a clairement bouleversé ma vie. Il y a une très belle complicité qui s'est développée, du respect mutuel, il y a une certaine alchimie entre nous deux... C'est ici à Cannes qu'elle m'en a parlé. Nous étions à un déjeuner avec Thierry Frémaux [délégué général du Festival de Cannes], il y a pile un an. J'étais invitée dans le cadre des César [la comédienne a remporté en 2022 le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour La Fracture de Catherine Corsini] et Catherine présidait le jury de la Queer Palm [prix décerné aux films sélectionnés au Festival de Cannes traitant de la thématique LGBTQ+]  Elle m'avait déjà parlé un petit peu de son projet et elle m'a annoncé ici qu'elle m'avait retenue pour le film.

Vous connaissez la polémique qui entoure le film. Esther Gohorou, vous vous êtes exprimée sur le sujet, via un communiqué, parce qu'elle vous concerne en partie. Sexe et mineurs est une association toujours délicate. Vous avez été confrontée à une controverse similaire, aux Etats-Unis, avec votre premier film, "Mignonnes" de Maïmouna Doucouré qui dénonce l'hypersexualisation des jeunes filles. Avec l'expertise qui est un peu la vôtre désormais, comment cette question devrait être traitée afin que tout le monde soit plus à l'aise ?

Esther Gohourou : Pour Mignonnes, la polémique était stupide. En plus, ce sont les Américains qui se plaignaient, alors que j'en ai vu des choses chez eux. Sur Le Retour, pour la fameuse scène qui a fait polémique [une scène à caractère sexuel impliquant la comédienne, alors mineure, et un acteur majeur], on nous a proposé des coaches d'intimité et nous avons dit non parce que nous étions à l'aise entre nous. Nous avons parlé de cette scène et il y a eu l'encadrement nécessaire. Je ne vais pas donner de conseils parce qu'ils ont été appliqués. 

La polémique concerne également le comportement de Catherine Corsini sur le tournage qui a été critiqué. Tout s'est-il bien passé avec elle ?  

Aissatou Sagna Diallo : Si je me suis relancée dans une aventure avec Catherine, c'est que ça s'est très bien passé. Je ne suis pas du tout perturbée par ça. 

Vous avez toutes les deux des parcours similaires : le cinéma est assez récent dans votre vie.  Avez-vous décidé de ce que vous allez faire à propos de votre carrière de comédienne ? Resterez-vous aide-soignante, Aissatou Sagna Diallo ?

Aissatou Sagna Diallo : L'homme propose, Dieu dispose. Je n'ai jamais rêvé d'être comédienne. Dieu a mis ça sur ma route. J'attends de voir la suite de son programme. Mais je commence à y prendre clairement goût et j'aimerais effectivement que ça continue. Tant que je peux faire les deux, je le ferai.  Aide-soignante et actrice, c'est un très bon équilibre. Et même si j'arrête d'être aide-soignante à l'hôpital, ce que j'aime le plus, c'est prendre soin et on peut le faire de bien des manières et dans tous les domaines. J'aurai donc toujours cet équilibre-là. 

Dans "La Fracture", c'est évident parce que vous y interprétez une infirmière. Mais votre métier d'aide-soignante vous sert-il quand vous jouez ? 

Aissatou Sagna Diallo : Peut-être dans le rapport au corps. Je le suis un peu moins maintenant, mais je suis très pudique. Le respect de l'autre, respecter la sphère intime de tout un chacun : ce sont des valeurs partagées par les deux professions. Il y a une très bonne complémentarité entre les deux métiers. 

Et vous Esther Gohourou, le lycée et la comédie s'équilibrent-ils aussi ? Avez-vous envie de poursuivre cette carrière de comédienne que vous avez démarré avec "Mignonnes" ?

Esther Gohourou : J'ai toujours voulu être actrice. Petite, quand je regardais les dessins animés, je voulais être actrice, marcher sur le tapis rouge et voilà... (grand sourire). Quand tu grandis et tu tournes, tu te rends compte que ce n'est pas si facile. Quand ton rêve se réalise, tu de dis "waouh, j'ai réussi à faire ça ?". D'autant qu'en grandissant, je me suis dit que ce n'était pas possible par rapport à l'endroit où j'habite – le 93, la Courneuve que je représente totalement (sourire) –, ma couleur de peau... Quand tu regardes la télé, les films français, les premiers rôles ne sont pas forcément attribués à des jeunes filles noires...

Du coup, vous êtes des pionnières car grâce à vous, il y a plus de représention de la diversité sur les écrans français...   

Esther Gohourou : Ce n'était pas le cas quand j'étais plus jeune mais aujourd'hui, on voit que ça change. Pour ma part, même si je veux vraiment être actrice, je ne vais pas chercher des castings parce que je risque de me mettre moi-même des bâtons dans les roues pour poursuivre ma scolarité. Mais si on me propose des rôles, je dis oui tout de suite. Après le bac, je pourrai aller chercher des castings. Dans tous les cas, pour l'heure, le premier métier que je veux exercer, c'est actrice. 

Que voulez-vous que le spectateur garde de votre film, qui parle de famille et de liens qui se diluent ?

Aissatou Sagna Diallo : Il y a évidemment ce lien intra-familial. Avant tout, c'est une famille et c'est aussi trois femmes qui sont mises en valeur dans le film. Le Retour dépeint des combats d'adolescentes et de femmes.

Esther Gohourou : Que l'union fait leur force. 

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