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Festival de Cannes : avec "La Femme de Tchaïkovski", le dissident russe Kirill Serebrennikov évoque un amour impossible et tragique

A l’issue de vingt mois d’assignation à résidence à Moscou, le metteur en scène présente son troisième film en compétition, cette fois en étant sur la Croisette, contrairement à ses deux précédentes sélections.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Ekaterina Ermishina dans "La femme de Tchaïkovski" de Kirill Serebrennikov (2022). (BAC FILMS)

Après Leto en 2018 et La Fièvre de Petrov en 2021, le réalisateur dissident russe Kirill Serebrennikov est en compétition au Festival de Cannes avec La Femme de Tchaïkovski. Contrairement à ses deux premières sélections, le metteur en scène est cette année sur la Croisette, un événement après vingt mois d’assignation à résidence à Moscou. Dédié au destin tragique de l’épouse du compositeur Piotr Tchaïkovski, son nouvel opus est cependant moins convaincant que ses deux films précédents, mais clairsemé de fulgurances.

Classique et audacieux

En Russie au XIXe siècle, Antonina Miliukova est folle amoureuse du célèbre compositeur Piotr Tchaïkovski. Le pressant de ses assiduités, elle le convainc de devenir son époux. Mais le musicien la délaisse, préférant la compagnie des hommes. Ignorée et rabrouée par son mari, elle le suit toutefois dans ses cercles intimes. Éperdue d’amour elle endure tout jusqu’à la mort du compositeur, et finira dans un asile.

Après la naissance de la scène rock de Leningrad dans Leto, Kirill Serebrennikov reste attaché à un sujet musical même s’il ne traite pas directement de Tchaïkovski. Son nouveau film est consacré, comme son titre l’indique, à l’épouse du compositeur, sujet déjà abordée dans le biopic de Ken Russel en 1970, Music Lovers. Serebrennikov n’emprunte pas les excès du réalisateur britannique, plus classique il offre toutefois des scènes oniriques de toute beauté, et des audaces  contrastant avec des choix plus attendus.

Vision critique

Vladimir Poutine n’aurait pas apprécié que le réalisateur dissident expose dans son film l’homosexualité de Tchaïkovski, qui entache à ses yeux une icône nationale. De plus, le réalisateur qui a peaufiné une très belle reconstitution de la Russie des tsars, dépeint un pays exsangue, boueux, à la population indigente, méprisée par une aristocratie frivole, alors que le potentat de Moscou est fasciné par l’ancien régime de Saint-Petersbourg. De ce point de vue, Serebrennikov fait toujours preuve de son indépendance, à se demander comment il est parvenu à réaliser des films, toujours consacrés à son pays, avec une telle vision critique.

Courageux et fidèle à l’histoire, La Femme de Tchaïkovski ne provoque cependant pas l’enthousiasme de Leto ou de La Fièvre de Petrov. Il est plus tiède, sans doute parcequ'il oscille entre hardiesse et classicisme. Mais la photographie magnifique qui alterne la chaleur d’intérieurs éclairés aux bougies et au gaz, et la froideur de salles vides et glaciales, et l'interprétation tragique d’Alyona Mikhailova, rachètent des idées plus conventionnelles.

La fiche

Genre : Drame historique
Réalisateur : Kirill Serebrennikov
Acteurs : Odin Lund Biron, Alyona Mikhailova, Ekaterina Ermishina
Pays : Russie / France / Suisse
Durée : 2h23
Sortie : prochainement
Distributeur : Bac Films

Synopsis : Russie, XIXe siècle. Antonina Miliukova, jeune femme aisée et brillante, épouse le compositeur Piotr Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte tourne à l’obsession et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui.

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