L'étoile de Cannes (12/14). "Capharnaüm" sur la Croisette !
La réalisatrice libanaise Nadine Labaki créé la surprise avec son film "Capharnaüm" qui a suscité beaucoup d'émotion en projection officielle. Et révélé un enfant acteur éblouissant dans un registre clivant.
Les bons sentiments font-ils un bon film ? La question mérite d'être posée. Mais ne remuons pas le couteau dans la plaie des Filles du soleil, le film d'Eva Husson. Le contexte est plus délicat ici.
D'abord, le thème de Capharnaüm, de Nadine Labaki : l'enfance maltraitée, les réfugiés, un gamin arabe et un bébé africain, seuls, dans les rues les plus pauvres de Beyrouth. Un point de départ qui claque : Zain, 12 ans, en prison pour tentative de meurtre, porte plainte contre ses parents "pour [lui] avoir donné la vie". Des images très réalistes, tournées caméra à l'épaule jusqu'au tournis. Le bruit incessant de la rue, la faim qui taraude, la débrouille, la violence des parents, la générosité des plus démunis vers des enfants qui, de surcroît, en ont encore moins.
Nadine Labaki en fait des tonnes mais avec talent, même si son passé de réalisatrice de clips la poursuit encore. Impossible de ne pas être touché par cette déambulation urbaine pour la survie et l'incroyable talent de Zain Alrafeea, dans un rôle très proche de celui de sa vraie vie. Nadine Labaki a mis en scène un enfant qui a 12 ans mais le corps d'un gamin de 8 ans, beau comme un dieu, incroyablement expressif, précis, malin, émouvant, magnétique. Nadine Labaki a tourné, durant six mois, plusieurs centaines d'heures de rushs pour ne garder que les moments les plus saisissants. Même le bébé éthiopien d'un an a le regard qu'il faut, au moment où il faut.
Le plus est parfois l'ennemi du bien
Le spectateur est assiégé. Pas un moment de recul, pas de distance, Nadine Labaki colle à son sujet et la fin est une apothéose d'un lyrisme peu compatible avec l'esprit des festivals. Et on est en manque de détails : qui sont vraiment ces parents indignes dont la misère ne peut justifier l'attitude envers leurs enfants ?
Leurs larmes au procès ne passent pas, la mécanique de l'émotion est en surrégime, on voudrait mettre "pause". Reste le geste sincère d'une réalisatrice qui voudrait que le succès que Capharnaüm a déjà obtenu en séance officielle et au marché du film serve la cause des enfants des rues au Liban, pays débordé par la crise syrienne. Mais la sincérité n'est pas la vérité de l'art cinématographique. Au jury de trancher. Quoi qu'il advienne, Zain Alrafeea, gamin de Beyrouth, réfugié syrien et acteur né, se souviendra de Cannes, qui n'est pas prêt de l'oublier.
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