: Reportage La France, source d’inspiration à Disneyland Paris : voici le parc comme vous ne l’avez jamais vu
"Chez Disney, tout commence toujours par une histoire", pointe Laurent Cayuela, concepteur-écrivain chez Walt Disney Imagineering, le concepteur des parcs. En voici donc une pour commencer : à l’âge de 16 ans, Walt n’a qu’une obsession, rejoindre à la guerre son frère Roy qui s’est engagé en 1917. Trop jeune pour l’armée, il parvient à s’enrôler comme conducteur d'ambulance à la Croix-rouge en septembre 1918. Mais il ne débarquera en France qu’au lendemain de l’armistice, le 12 novembre. La légende raconte aussi qu’il serait tombé en panne à quelques kilomètres de la future ville de… Marne-la-Vallée.
Est-ce la raison du choix de l’endroit pour installer le premier (et toujours le seul) parc Disney d'Europe ? "C'est une belle histoire, sourit Laurent Cayuela. Le fond est vrai. Walt Disney a vraiment triché sur son âge pour pouvoir venir en tant qu'ambulancier en France. Et le petit côté clin d'œil très Walt Disney, c'est qu‘il avait décoré son ambulance pour que son frère puisse reconnaître son coup de crayon".
"Son premier contact avec la France, c'était vraiment juste après la fin de la Première Guerre mondiale et effectivement, ça devait être quelque chose d'assez ‘embourbant’."
Laurent Cayuela, concepteur-écrivain chez Walt Disney Imagineeringà franceinfo
"Mais ce n'est pas là qu'il s'est dit : 'Je reviendrai creuser un trou ici et j'en ferai un parc'. Non !", réfute notre guide. En revanche, Walt, en quête d’inspiration, la trouvera souvent dans l’imaginaire et l’architecture française, au cours de plusieurs voyages qui suivront et dont certaines photos sont dispatchées dans le parc, notamment dans une certaine boutique de Main Street nommée Lilly’s, surnom de son épouse Lillian, qui en a autorisé la reproduction. Le travail de Disney a d’ailleurs été reconnu en France qui lui décernera dans les années 1930 une Légion d’Honneur.
Deux, en fait : la première lui a été remise par le consul de France aux États-Unis. La deuxième, posthume, est exposée à Disneyland Paris. Pour la trouver, un indice : l’intérieur du bâtiment est inspiré d’Independance hall à Philadelphie, lieu ô combien symbolique (on y a signé la déclaration d'indépendance des États-Unis) et se trouve à l'entrée du parc.
Une "architecture du réconfort"
La "French touch" de Disneyland Paris est décelable à différents niveaux. D’abord, c’est le seul parc disposant d’arcades, deux passages couverts encadrant Main Street, directement inspirés de l’architecture parisienne, imitant le Passage des Panoramas ou le village royal. L’une des arcades est entièrement dédiée à l’histoire de la statue de la Liberté, offerte aux États-Unis par la France.
Au bout de cette arcade parallèle à Main Street se trouve l’un des emblèmes des parcs Disney, le château. Celui de Disneyland en Californie est clairement inspiré de Neuschwanstein en Allemagne, le château de Louis II de Bavière, son pendant floridien est lui, directement dessiné d’après les châteaux de la Loire. Pour la France, riche en la matière, difficile d’en choisir un spécifiquement. Le parti pris a donc été de s'inspirer plutôt de monuments français iconiques. "On va jouer sur ce qu'on appelle l'architecture du réconfort, explique Laurent Cayuela, c'est-à-dire que, même si vous ne connaissiez pas tous ces bâtiments, dans l'imagerie populaire, dans votre inconscient, vous les reconnaissez. Et juste en les mettant les uns avec les autres, tout d'un coup, ça donne un résultat féérique".
Alors, jouons le jeu : "La forme tirée vers le ciel, accrochée à une montagne et entourée d'eau ou pas, c’est… ? Le Mont-Saint-Michel, effectivement. Et les losanges bleus et bleu clair sur l’une des toitures ? Les Hospices de Beaune en Bourgogne". Mais au lieu d'être rouge et or, ils sont bleus.
Les métiers traditionnels à l'honneur
Autre mise en valeur du patrimoine français, les métiers d’art. Car si Walt Disney créait des décors, à Paris, on a décidé de "créer du vrai". Ainsi, "les tuiles sont vernissées et posées à la main, comme à l’époque, détaille Laurent Cayuela. Pour les dorures, ce n'est pas quelqu'un qui est venu passer de la bombe. On a une personne dans les ateliers qui avec un petit pinceau, millimètre par millimètre, va dorer tout ça avec des petites feuilles d'or. C'est beau et inoxydable donc un meilleur investissement. D’ailleurs, si vous observez bien, on a seize tourelles (l'âge auquel la princesse Aurore se pique le doigt)."
"Sur nos seize tourelles, on en a deux qui ne sont pas avec des toits bleus mais avec des toits dorés. On y voit des espèces de petites boules, qui sont en fait des escargots, une référence gastronomique à la Bourgogne."
Laurent Cayuelaà franceinfo
"Nos amis américains, qui ont boudé le met dans l’assiette, ont décidé d’en faire une histoire magique. Au lieu de laisser des traînées de bave, les escargots Disney, eux, recouvrent les toits d’or", s'amuse Laurent Cayuela. Le rose dont est peint le château n’est pas uniforme. "C'est un rose subtil qui est un dégradé du bas vers le haut. Et ça, c'est une technologie, une technique pour agrandir les objets", qui a été utilisée notamment sur la Tour Eiffel, explique-t-il. "Les piliers de la tour Eiffel sont plus sombres que la tête pour donner un côté plus élancé". Tous les vitraux également qu'on trouve à Disneyland Paris sont des vrais, pas juste du verre peint. "On a eu la chance, pour la construction, d'avoir Paul Chapman, un maître vitrailliste britannique qui a travaillé sur des restaurations historiques de bâtiments, comme la première rénovation de la rosace de Notre-Dame de Paris", s’enorgueillit notre guide.
Et pour la réhabilitation du château, il y a deux ans, ce sont des artisans de la société Le Bras frères qui se sont occupés de la réfection des charpentes et des toitures. Ce sont eux qui travaillent actuellement sur la charpente de Notre-Dame. En tout, plus de 36 métiers d'art œuvrent sur le parc, chaudronniers, sculpteurs, ferronniers, spécialistes en cordage, experts en lettrine, modistes, perruquiers etc. Au premier étage du château, on trouve la galerie de La Belle au bois dormant, conçue "comme une BD ou un storyboard géant", les vitraux et les tapisseries racontent toute l’histoire jusqu’au baiser final. Et là aussi, les tapisseries sont artisanales, "tissées à la main à l’envers" par Aubusson, un savoir-faire d’excellence, classé au Patrimoine immatériel culturel de l’Unesco.
Quand vous allez dans les fantasylands des autres parcs, vous avez une succession d'histoires distinctes. "Ici, on fait référence non seulement aux classiques d'animation Disney, mais également aux contes de fées qui les ont inspirés, insiste l’imagineer. Dans le domaine français, tous les bâtiments sont d'inspiration française. De l'autre côté, on a les frères Grimm avec 'Blanche-Neige' et donc on retrouve les inspirations germaniques. Au fond, on va avoir des inspirations britanniques, sur le côté, des inspirations italiennes... "
"Il était très important pour nous de rendre hommage à ces sources, surtout pour des visiteurs qui ne parlent pas la même langue. Il fallait que visuellement, ce soit très prenant et que tout de suite on puisse identifier l’histoire."
Laurent Cayuelaà franceinfo
"Donc on a vraiment eu ce souci du détail pour que tout soit logique et le plus vrai possible".
Le blason caché
Parmi les autres clins d’œil à la France, les passionnés peuvent, par exemple, voir circuler la réplique du véhicule du notaire de madame Adélaïde de Bonnefamille dans Les Aristochats, une Mercer 35J Raceabout de 1913, rendu inoubliable par la conduite pour le moins sportive du vieux monsieur dans le Paris de 1910. Dans la boutique du château, les plafonds sont inspirés de la Sainte-Chapelle, sur l'île de la Cité.
Et puis, il y a l’histoire des fameuses armoiries de la famille Disney. " Quand Walt Disney, dans les années 1950, crée Disneyland en Californie, il est aussi, pas en crise d'identité, mais à la recherche de ses origines, raconte Laurent Cauyela. Ses recherches le mènent au Canada et en Irlande. Et il découvre que ces ancêtres irlandais étaient en fait originaires de Normandie, du temps de Guillaume le Conquérant et que le nom Disney est en fait une déformation d’Isigny-sur-Mer". D'Isigny contracté, ça donne... Disney ! (Dites d'Isigny très rapidement, vous verrez). En clin d’œil, Walt se fait dessiner en 1955 "un blason avec des lions léopardés". Un indice, il est discrètement apposé sur l’un des passages après le château. Et sachez, pour la référence, que si vous mangez dans les restaurants de Disneyland Paris, le beurre qui y est servi est celui d’Isigny.
Côté références, les Walt Disney studios ne sont pas en reste
En 2014, un univers dédié à Ratatouille est révélé au public dans le deuxième parc francilien, jouxtant le premier, le Walt Disney Studios. On parle ici d’un 21e arrondissement de Paris. "Recréer une ville qui n'est qu'à 35 kilomètres d'ici, était une première pour Walt Disney Imagineering", se souvient Laurent Cayuela, qui a participé à la conception en tant que seul "imagineer" français du cabinet ("imaginieurs", contraction d’imaginaire et d'ingénieur). "Il était très important de représenter la ville de Paris comme les étrangers la voient, la romantisent, très important aussi de représenter l'esprit du film et, le plus grand des défis… Plaire aux Parisiens."
Pour ce faire, "on a utilisé plein d'éléments qui sont, encore une fois, l'architecture du réconfort. Si on prend ici toutes les façades, on est dans du haussmannien, du néo haussmannien qu'on a recréé. On a utilisé aussi la perspective forcée, c'est-à-dire que, plus on va regarder loin, plus les fenêtres des étages supérieurs vont être petites pour donner l'impression que ces bâtiments sont immenses, mais sans vous donner l'impression d'être écrasés par les bâtiments. Donc, on a une impression de ville sans les effets négatifs de la ville. Et par terre, on a bien des vrais pavés avec les formes caractéristiques de Paris. L'autre grande référence qui nous vient du film, c'est la fontaine inspirée des fontaines de la place des Vosges. Au lieu d'avoir des têtes de lion, on a bien sûr des têtes de petits rats, pas de l'opéra mais de Paris".
Pour compléter le décor, un vrai bistrot parisien mais à taille de rat. Les sièges sont des capsules de bouchons de champagne, les tables, des couvercles de bocaux de confiture. Et comme tout est dans le détail, les plaques d’égouts représentent un rat à bord d’un bateau, un énième détournement. "Dans le film, Remy arrive à Paris sur un livre de cuisine avec une spatule, par les égouts. Et Paris a comme blason un bateau sur la Seine", explique Laurent Cayuela.
Enfin, qu’on s’y attarde en arrivant ou plus sûrement en repartant, juste après la place consacrée aux frères Lumière, dans le décor très hollywoodien du hall d’entrée se cachent quelques répliques de films. Un exemple : "Atmosphère, atmosphère". Vous avez sans doute la voix d'Arletty dans Hôtel du Nord qui résonne dans vos oreilles. Non ?
Et bien, maintenant, oui ! Pourquoi une telle référence ? Parce que le film n’a pas été tourné en décor naturel, sur le quai Saint-Martin, mais bien dans un décor reconstitué pour faciliter la prise de vue. Le parc rend ici hommage aux techniques de tournage.
Un petit spoil pour conclure : le Disneyland Hôtel rouvrira ses portes le 25 janvier sur un thème très royal, avec un restaurant au décor tout droit inspiré de La Belle et la Bête. Comme dans le film, la Table de lumière proposera, sa propre version de la Galerie des Glaces de Versailles.
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