"Le Grand Chariot", un film sur la difficulté à perpétuer l’héritage d’une famille de marionnettistes
Des petites têtes peintes à la main bougent au-dessus d’un panneau de bois. Elles prennent vie grâce aux pouces, index et majeurs des marionnettistes qui les soutiennent. Les petits bras s’agitent, les voix sont trop aiguës ou trop graves. Le Grand Chariot, c’est ce théâtre de marionnettes, fondé par un père (Aurélien Recoing), dans lequel jouent ses enfants (Louis, Esther et Lena Garrel). Ils font vivre cet art, au plus grand bonheur des enfants qui rient à gorge déployée face aux absurdités de Polichinelle.
Le réalisateur Philippe Garrel s’intéresse à un métier millénaire passionnant, souvent oublié et en montre les difficultés. Un business peu rentable, mais surtout une affaire familiale qui commence à oppresser. Louis commence à se lasser, perd le sens de ce métier et veut devenir comédien. La grand-mère qui coud les costumes de marionnettes, commence elle, à perdre la mémoire.
Marionnettes décousues
Philippe Garrel joue avec des plans de vie larges si réalistes, que l’on a parfois l’impression d’être dans un documentaire. Les scènes de dîners familiaux se succèdent avec des moments complices entre grand-mère et petite fille. Mais le réalisateur de La Cicatrice intérieure se perd avec des histoires qui prennent le pas sur la succession du théâtre de marionnettes, pourtant véritable sujet du film. Sans le père, la clé de voûte du théâtre familial, que reste-t-il ? La maladie dégénérative de la grand-mère inquiète et le parcours de Louis qui abandonne les marionnettes pour la comédie interroge.
C’est surtout la vie de Pieter, peintre et ami de Louis, joué par Damien Mongin, qui prend toute la lumière alors que son visage ne figure même pas sur l’affiche du film. Il éclipse la famille Garrel avec son personnage d’artiste sans le sou, bloqué et incompris. Sa déchéance couvre celle des sœurs Garrel, seules pour maintenir le théâtre de marionnettes à flot. " Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir une famille comme la tienne", lance Pieter à Louis lorsqu’il lui raconte ses années d’artiste en galère, à dormir dans les gares. Louis Garrel délivre d’ailleurs une performance plutôt plate. Peu d’émotions passent sur son visage et son jeu est si nonchalant qu’il passe pour un manque d’investissement.
Philippe Garrel fait coexister des histoires annexes qui mériteraient des films séparés. Il rend ainsi son film décousu. On se perd vite, on ne comprend pas toujours le rapport entre ces histoires et le métier de marionnettiste. Une occasion manquée.
Le réalisateur Philippe Garrel est par ailleurs mis en cause par cinq comédiennes qui ont témoigné dans le site Mediapart le 30 août dernier de tentatives de baisers non consentis et de propositions sexuelles lors de rendez-vous professionnels, accusations que le réalisateur de 75 ans minimise, tout en présentant ses excuses. "Aucune plainte n'a été déposée à ce jour", a précisé Mediapart, selon qui certains de ces faits sont "susceptibles d'être qualifiés d'agression sexuelle ou de tentative d'agression sexuelle".
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Philippe Garrel
Acteurs : Avec Louis Garrel, Damien Mongin, Esther Garrell, Lena Garrel
Pays : France, Suisse
Durée : 1h35 min
Sortie : 13 septembre 2023
Distributeur : Ad Vitam
Synopis : Le Grand Chariot est une constellation d’étoiles. C’est aussi un théâtre de marionnettes. C’est l’histoire d’une famille de marionnettistes, une fratrie, Louis et ses deux sœurs, Martha et Lena, leur père qui dirige la troupe et la grand-mère qui a fabriqué les poupées. Ensemble, ils forment une compagnie et donnent des spectacles de marionnettes. Un jour, lors d’une représentation, le père meurt d’une attaque, laissant ses enfants seuls.
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