Pour ou contre "Cloud Atlas", des Wachowski ?
Les réalisateurs de "Matrix" imaginent une épopée vertigineuse qui mêle les époques, les lieux, et les genres, en salles ce mercredi. Génial ou fouillis ?
Difficile de résumer ce film-fleuve qui se déroule sur cinq siècles, imbrique passé, présent et futur, s’aventure sur d'autres planètes et fait jouer aux mêmes acteurs jusqu'à six rôles différents ! Dans Cloud Atlas, en salles mercredi 13 mars, nous croisons d'abord Adam Ewing, qui fait une traversée mouvementée sur l'océan Pacifique en 1849. Robert Frobisher, dandy mélomane, qui cherche à composer un chef-d'œuvre quelques années avant la seconde guerre mondiale. La journaliste Luisa Rey (Halle Berry) enquête quant à elle sur une centrale nucléaire en Californie dans les années 70. L'éditeur Timothy Cavendish fuit des mafieux à qui il doit de l’argent. En 2144, le clone Sonmi cherche à libérer la race humaine. Et deux siècles plus tard, Zachry (Tom Hanks), un habitant du Pacifique, assiste au déclin de sa civilisation. Mélangez le tout, secouez, et vous obtenez cet ovni qui donne le tournis. Réussi ou trop ambitieux ?
Pour : une polyphonie parfaitement orchestrée
Ne faisons pas durer le suspens, le méli-mélo concocté à six mains par les "frères" Wachowski (les réalisateurs de Matrix qui ne sont plus officiellement frères) et Tom Tykwer (Cours, Lola, cours) est un succès. Et d'abord une vraie performance scénaristique. Adapté du roman publié en 2004 par David Mitchell (Cloud Atlas, paru en français aux éditions de l'Olivier sous le nom de Cartographie des nuages), le film va beaucoup plus loin que le livre dans le découpage de l'action et passe parfois en quelques secondes d'une histoire à l'autre sans jamais rompre le fil. Cette mosaïque ininterrompue d'histoires s'appuie sur des transitions ingénieuses : un motif triangulaire apparaissant sur une chemise revient sur un papier peint plusieurs siècles plus tard, un mur de verre qui explose lors d'une scène de combat en 2144 répond à un pare-brise qui se fissure dans les années 70…
Les réalisateurs ont aussi réussi à entrelacer plusieurs genres cinématographiques : histoire d'amour, comédie, drame en costumes, thriller et science-fiction. La partie SF est particulièrement maîtrisée, ce qui ne surprendra pas les fans de Matrix. Aux manettes des effets spéciaux, Dan Glass (déjà présent sur deux volets de Matrix) fait des merveilles en imaginant Séoul changée en ville futuriste. Plongée sous les eaux, la cité est aux mains d'un gouvernement totalitaire servi par des armées de clones qui chevauchent des motos volantes. Ces clones évoquent d'ailleurs des stormtroopers de Star Wars qui auraient troqué leurs uniformes blancs pour des combinaisons noires.
Cloud Atlas est surtout un superbe cadeau pour les acteurs-caméléons. Tom Hanks, par exemple, incarne ainsi six personnages différents, un dans chacune des intrigues, dont un docteur cupide, un écrivain psychopathe et un berger un peu poltron qui se bat pour sa survie... Le film a donc un petit côté "Où est Charlie ?", et l'on s'amuse à trouver qui est qui derrière d’improbables postiches et prothèses. Pour une fois, ne partez pas dès la fin du film : le générique, qui révèle chacun des rôles des acteurs principaux, réserve quelques surprises !
Contre : de la métaphysique pour les nuls
Mais pour se laisser prendre complètement par cette épopée, il faut adhérer un minimum au message mystique à mi-chemin entre bouddhisme et philosophie new age. Oui, la mort n'est qu'un passage. Nous pouvons nous réincarner pour corriger nos erreurs et évidemment l'amour peut changer le cours de nos vies. Le message que les auteurs font passer est donc légèrement balourd : soyons sympas et l'humanité finira par s'en sortir.
Certaines répliques creuses viennent aussi plomber le récit. Comme lorsqu'un esclavagiste dit à un de ses opposants : "Quoi que tu fasses, cela ne représentera jamais qu'une goutte d'eau dans l'océan", et qu'il se voit répondre : "Mais qu'est-ce qu'un océan, sinon une quantité infinie de gouttes d'eau ?". Bref, le message se veut parfois tellement profond qu'on s'y noie.
Enfin, la durée du film (2h45) est un peu dissuasive : après Django Unchained, de Tarantino (2h44), et Lincoln, de Spielberg (2h29), c'est à se demander si les réalisateurs jouent à celui qui a le plus long.
Faut-il y aller ?
Oui. Si vous n'êtes pas rebuté par son message un peu simplet, on vous recommande vivement ce tour de force cinématographique.
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