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Pourquoi "The Interview" est la cible de menaces terroristes

Le film de Seth Rogen et Evan Goldberg, qui met en scène l'assassinat de Kim Jong-un, a été déprogrammé aux Etats-Unis après des menaces d'attentats et un piratage de données chez Sony. La Corée du Nord est pointée du doigt.

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
De gauche à droite, Diana Bang, Seth Rogen et James Franco dans "The Interview", dont la sortie en France est prévue le 11 février 2015. (SONY PICTURES)

Il devait sortir pour Noël aux Etats-Unis, il ne sera finalement projeté sur aucun écran. Le film de Seth Rogen et Evan Goldberg, The Interview (L'Interview qui tue, en français), a été déprogrammé par Sony Pictures à la suite de menaces terroristes proférées par le groupe de pirates responsable du gigantesque "leak" (vol puis diffusion) de documents de la société américaine. Pour la France où la sortie était attendue le 11 février, "il n'y a plus de date prévue à ce jour", selon le groupe. Le long-métrage pourrait même ne jamais être diffusé. Mais au fait, pourquoi ce film suscite-t-il tant de haine, au point que les hackers ont promis un nouveau 11-Septembre s'il sortait en salles ?

Attention, cet article révèle des éléments clés de l'intrigue du film.

Une comédie sur les médias (et un peu sur la Corée du Nord)

Dans The Interview, les Canadiens Seth Rogen et Evan Goldberg imaginent, ni plus ni moins, la fin de Kim Jong-un. L'idée de mettre en scène l'assassinat du dictateur nord-coréen par deux journalistes télévisés approchés par la CIA leur est venue il y a quelques années, "à l'époque où des dictateurs comme Saddam Hussein étaient éjectés du pouvoir", écrit le magazine Rolling Stone (en anglais), qui consacre un long article au film. Le choix se porte d'abord sur Kim Jong-il, mais ce dernier meurt en 2011. Un temps mis de côté, le scénario est donc retravaillé. Le personnage de Kim Jong-il est finalement remplacé son fils, Kim Jong-un, interprété par Randall Park (croisé dans la série Veep)

Sur le papier, le film peut sembler très politique. Mais à en croire les critiques parues aux Etats-Unis ces derniers jours, The Interview ne formule pas vraiment de discours autour du personnage de Kim Jong-un : "Le film est clairement une comédie, il se soucie assez peu de politique étrangère. (...) Le régime nord-coréen n'est jamais pris pour cible", affirme Business Insider (en anglais). Moins engagé que Le Dictateur, de Charlie Chaplin, qui parodiait Adolf Hitler et sa vaine mégalomanie, The Interview dépeint plutôt un Kim Jong-un fan de Miley Cyrus et d'orgies. 

Si critique il y a, elle est plutôt à chercher du côté des médias. Seth Rogen et James Franco incarnent respectivement un présentateur et un producteur de télé sans scrupules, qui décident un jour de se mettre au "vrai" journalisme en allant faire un reportage en Corée du Nord. Hors caméra, le premier ne cache pas son mépris pour un pan de la profession, dans Rolling Stone.

Je rencontre énormément de journalistes de divertissement, et il y en a un paquet qui sont des abrutis finis [the stupidest motherfuckers on the entire planet]

Seth Rogen

Rolling Stone

Un film sensible remodelé à la demande de Sony

Les deux réalisateurs de The Interview assurent avoir eu les mains libres pour l'écriture du film. En post-production, néanmoins, Sony a demandé d'effectuer des modifications sur deux points sensibles, repoussant la sortie programmée du film d'octobre à fin à la fin décembre aux Etats-Unis. Le premier, relate The Hollywood Reporter, ce sont "des milliers de galons et décorations qui ont dû être modifiés numériquement car ils correspondaient aux vrais portés par les soldats de l'armée nord-coréenne. Cette représentation aurait été jugée blasphématoire par le régime". 

La seconde modification est plus significative. Elle concerne une des dernières scènes du film, la mort de Kim Jong-un. Alors qu'il doit être empoisonné par les deux journalistes-espions, le dictateur est finalement pulvérisé dans l'explosion de son hélicoptère. Son visage, filmé en gros plan, se déforme comme de la pâte et se dissout violemment dans l'air. Une image qui a été retravaillée pour atténuer sa violence, sans la supprimer totalement, comme le montre cet extrait. 


The Interview : la scène qui terrifie Hollywood... par VanityFairFR

Le groupe de hackers qui a revendiqué le vol de données chez Sony a-t-il agi à la demande de Kim Jong-un ? Rien ne permet de l'affirmer. Le FBI le soupçonne de travailler pour le régime nord-coréen, explique Mediapart. Mais, selon une enquête de Wired (en anglais), la piste nord-coréenne ne mène nulle part. Au mois de juin, il n'empêche, le pays avait fait savoir que son leader regarderait la comédie, ce qui avait ravi Seth Rogen. "J'espère qu'il aimera !", avait plaisanté sur Twitter le coréalisateur du film. 

Loin d'imaginer que le film serait finalement interdit de sortie aux Etats-Unis, Seth Rogen déclarait au magazine Rolling Stone, il y a quelques mois : "Peut-être que des cassettes VHS du film circuleront jusqu'en Corée du Nord et que ça provoquera une putain de révolution. Au mieux, ça apportera la liberté à un pays. Au pire, ça conduira à une guerre nucléaire." Le scénario de la censure était le seul qu'il n'avait visiblement pas envisagé. 

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