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"Anti-Squat" : le dilemme d'une mère célibataire menacée d'expulsion piégée par un système sans scrupules

Cette fiction met en lumière la galère des personnes sans logement, et pointe un système dit de "protection par l'occupation" qui protège surtout les propriétaires, aux dépend des mal-logés.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Louise Bourgoin dans le film "Anti-squat", de Nicolas Sihol, sortie le 6 septembre 2023 (Julien Panié - Kazak Productions)

Après avoir fait le portrait d'une cheffe d'entreprise dans Corporate en 2017, Nicolas Sihol met en scène dans son nouveau film, Anti-Squat, une mère célibataire menacée d'expulsion, tiraillée entre son engagement auprès des personnes qu'elle a relogées pour le compte d'une société sans scrupules, et son désir de donner à son fils adolescent une vie meilleure. Le film sort en salles le 6 septembre.

Ancienne salariée dans le secteur de l'immobilier, Inès (Louise Bourgoin) élève seule Adam (Samy Belkessa), son fils de 14 ans. Pour éviter l'expulsion dont le menace son propriétaire pour cause de loyers impayés, elle postule chez Anti-Squat, une société chargée, sur le principe de la "protection par l’occupation", de prémunir les propriétaires contre les squatteurs.

Les résidents "temporaires" sont triés sur le volet. Ils doivent avoir un contrat de travail, sont encadrés par des règles de vie très strictes et sont surveillés par des caméras dans toutes les parties communes que l'on demande aux "locataires", considérés en fait comme des "gardiens", d'entretenir, voire de remettre en état les lieux, sans contrepartie financière…

Engagée à l'essai pour deux mois avec une promesse d'embauche comme "property manager" par Thomas, son patron aux dents longues (Antoine Gouy), Inès doit faire ses preuves en supervisant l'occupation d'un immeuble de bureaux en banlieue parisienne. Chargée de surveiller les résidents et de veiller à la bonne marche de l'immeuble, elle est sommée d'habiter sur place, et laisse Adam se débrouiller seul pendant son absence…

Loi "anti-squat"

Le scénario de ce second film en tant que réalisateur de Nicolas Sihol est inspiré par un dispositif réel expérimenté et encadré par l'article 29 de la loi ELAN (2018). Sur le modèle d'une pratique lancée en Hollande dans les années 80, ce dispositif est conçu pour protéger les propriétaires du squat ou de la dégradation, tout en répondant aux besoins d'hébergement d'urgence. La loi anti-squat qui durcit les sanctions liées aux squats de locaux, définitivement adoptée en juin 2023 par le Parlement, pérennise cette expérimentation.

Le film présente une vision critique de ce dispositif, en démontrant à quel point le système est avant tout avantageux pour les propriétaires, qui bénéficient d'une grande flexibilité et d'avantages en nature (possibilité de récupérer leur bien en une semaine, travaux d'entretien et de gardiennage à peu de frais). Les résidents "temporaires", eux, comme leur nom l'indique, demeurent en situation de grande précarité. Ils risquent à tout moment de devoir quitter les lieux, y compris en période de trêve hivernale, sans garantie de relogement, sont soumis à des règles proches de l'incarcération (pas d'invités, interdiction de parler à la presse, surveillance vidéo constante, interdiction de s'absenter plus de deux jours…) quand ils ne sont pas tout bonnement exploités.

Sauver sa peau

À travers le destin d'Inès, et de la petite troupe qui s'installe dans l'immeuble qu'elle est chargée de gérer, le film pose la question de la précarité du logement en France. Artistes, profs, chauffeurs VTC, infirmières, personnes âgées… Ce problème touche une large partie de la population, et pas seulement les personnes en situation irrégulière ou en grande précarité économique.

Sans manichéisme, le film montre comment tous les protagonistes de l'histoire, y compris le patron d'Inès, sont les victimes d'un système qui les dépasse, où chacun est capable de renier ses convictions, et son humanité, pour sauver sa peau. C'est cette expérience que traverse Inès sous le regard réprobateur de son fils, alors même qu'elle agit dans son intérêt.

Louise Bourgoin, Samy Belkessa dans le film "Anti-squat", de Nicolas Sihol, 6 septembre 2023 (Julien Panié - Kazak Productions)

Dans une mise en scène soignée, Anti-Squat aborde avec méthode un sujet original, avec pour mérite de mettre en lumière et de pointer les incohérences d'un dispositif encore peu connu, mais il ne parvient pas à nous émouvoir. Les dialogues, les costumes, les décors et la lumière, très "léchés", sonnent souvent faux. Le personnage d'Inès, pourtant complexe et confronté à des choix cornéliens, apparaît comme éthéré, et peine à nous convaincre, de même que les résidents, cantonnés à des rôles secondaires. Adam, incarné par le jeu sensible et juste de Samy Belkessa, ses raps jetés à la caméra et ses silences éloquents, semble à lui seul porter et exprimer les enjeux et les émotions de cette histoire.

Affiche du film "Anti-squat", de Nicolas Sihol, 6 septembre 2023 (DIAPHANA)

La Fiche

Genre : drame
Réalisateur : Nicolas Silhol
Scénario : Nicolas Silhol, Fanny Burdino
Acteurs :
Louise Bourgoin, Samy Belkessa
Pays : France
Durée : 
1h 35min
Sortie : 
6 septembre 2023
Distributeur : 
Diaphana

Synopsis :

Inès est menacée de se faire expulser de chez elle avec Adam, son fils de 14 ans. À la recherche d’un emploi, elle est prise à l’essai chez Anti-Squat, une société qui loge des personnes dans des bureaux inoccupés pour les protéger contre les squatteurs. Son rôle : recruter les résidents et faire respecter un règlement très strict. Inès est prête à tout pour se faire embaucher et s’en sortir avec Adam. Mais jusqu’où ira-t-elle ?

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