"Barbès, Little Algérie" : un premier film chaleureux et grave signé Hassan Guerrar

Un quartier, Barbès. Une communauté, algérienne. Des valeurs et des origines partagées. Le premier long-métrage d'Hassan Guerrar est un essai sur le vivre-ensemble et tout ce qui peut faire dérailler l'harmonie dans une communauté.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Malek, incarné par Sofiane Zermani, dans une scène du film "Barbès, Little Algérie". (EAST FILMS / 2425 FILMS / CHELI FILMS)

Un jeune Franco-Algérien, en s'installant à Barbès en pleine pandémie du Covid-19, renoue avec ses racines algériennes : c'est la trame de Barbès, Little Algérie, le premier long d'Hassan Guerrar, en salles mercredi 16 octobre. Sur les traces de Malek, incarné par le rappeur Fianso alias Sofiane Zermani, le cinéaste s'attache à décrire la vie d'un quartier parisien, Barbès, et les dynamiques internes de la communauté algérienne qui y réside.

Autour de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, dans le 18e arrondissement de Paris, c'est le "bled". Malek s'en rend davantage et pleinement compte quand son chemin croise celui de Slimane, un ami de la famille, en Algérie. Mais Malek entretient des relations tendues avec les siens. Ces tensions refont surface quand son neveu Riyad, interprété par Khalil Gharbia, débarque.

À Barbès, Malek retrouve comme une famille de substitution composée par tous ceux qui gravitent autour de Slimane. Parmi eux, Hadria, patronne de café et figure à la fois maternelle et autoritaire à qui Adila Bendimerad donne chair, et Préfecture, le Huggy les-bons-tuyaux local incarné par Khaled Benaïssa.

De nouveau immergé dans cette ambiance qui lui est familière, Malek est confronté à la galère de ses compatriotes algériens en situation irrégulière. Happés par l'urgence et la débrouille, ils ont laissé derrière eux leurs talents.

Chronique d'une vie de quartier

La galère est aussi celle de ceux qui vivent dans la précarité. En intégrant une équipe de bénévoles installée dans l'église du quartier, Malek participe à les aider. Il se fait, peu à peu, une place dans la communauté tout en apprenant à connaître son neveu. Avec l'arrivée du ramadan, le mois pendant lequel les musulmans jeûnent pour se conformer à l'un des piliers de l'islam, les liens entre Malek et Riyad se resserrent.

Barbès, Little Algérie démarre avec légèreté, mais cette dernière s'avère trompeuse, au fur et à mesure que le récit se déroule. Crescendo, la nonchalance de Malek fait place à l'animosité qu'il éprouve envers les siens restés en Algérie. D'abord son grand frère, le père de son neveu, puis et surtout sa mère. Malek est un livre ouvert quand Hassan Guerrar filme au plus près son corps déambulant dans le quartier, ou encore quand la caméra s'intéresse uniquement à son visage et surtout à son regard.

Le cinéaste s'attarde également sur les moments où les individus font corps pour retranscrire cette vie en communauté. Elle se décline en tableaux où ses protagonistes discutent, boivent un café, quand les bénévoles préparent la distribution de vivres ou encore quand les récipiendaires attendent de les recevoir. Le mouvement dans la fiction est permanent. Notamment celui de Malek, comme si, en bougeant, il tentait de chasser ses idées sombres.

Une candeur lucide

Attaché de presse au cinéma, Hassan Guerrar fait ses premiers pas derrière la caméra avec des sujets qui le touchent comme il le confiait au dernier Festival d'Angoulême : un quartier qu'il connaît bien, sa binationalité franco-algérienne, son "algérité" et son implication dans des actions caritatives. La belle distribution qu'il s'est offerte fait de son premier long-métrage un film chaleureux dans un quartier vivant où le vivre-ensemble se veut une réalité. Notamment entre chrétiens et musulmans. Ses plans du Sacré-Cœur, comme protégeant ses voisins musulmans dans certaines scènes, sont magnifiques. Les choix de mise en scène de Guerrar dénotent une sensibilité qui sert et renforce son propos.

Barbès, Little Algérie sort en France alors que les binationaux ont été la cible de l'extrême droite pendant les dernières législatives, que les immigrés continuent d'être les boucs émissaires des nationalistes qui arrivent massivement au pouvoir en Europe et que le Proche-Orient s'embrase dans le sillage du conflit israélo-palestinien. Autant de tensions qui donnent un écho particulier au message pacifiste d'Hassan Guerrar, qui ne verse pas pour autant dans une candeur béate. L'intrigue de son film rappelle bien que les rapports humains peuvent, en l'espace de quelques secondes, basculer dans une violence inouïe. Les frères deviennent ennemis et charge à la vie de les réconcilier un jour. Peut-être.

Affiche du film "Barbès, Little Algérie". (EAST FILMS / 2425 FILMS / CHELI FILMS)

La fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Hassan Guerrar
Acteurs : Sofiane Zermani, Khalil Gharbia, Khaled Benaïssa, Adila Bendimerad, Eye Haïdara et Clotilde Courau
Pays : France
Durée : 1h33
Sortie : 16 octobre 2024
Distributeur : Jour2Fête

Synopsis : Malek, la quarantaine, célibataire, vient d'emménager à Montmartre et accueille bientôt chez lui son neveu Ryiad fraîchement arrivé d'Algérie. Ensemble, ils découvrent Barbès, le quartier de la communauté algérienne, très vivant, malgré la crise sanitaire en cours. Ses rencontres avec les figures locales vont permettre à Malek de retrouver une part de lui qu'il avait enfouie, et de se réconcilier avec ses origines.

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