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"Hinterland", thriller expressionniste où John Doe hante "Le Cabinet du Dr. Caligari" : steampunk et déjà culte

Entre "Seven" de 1995 et le classique de 1919 qui a inventé l’expressionnisme au cinéma, "Hinterland" est un surprenant objet esthétique.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
"Hinterland" de Stefan Ruzowitzky (2022) (SQUAREONE ENTERTAINMENT)

Le générique passé, tout en rappel à Kokoshka, peintre expressionniste autrichien de l’après-Première Guerre mondiale, Hinterland, sur les écrans mercredi 28 décembre, visualise les façades "caligaresques" d'une Vienne 1920. Sur fond de meurtres en série, "dark" et violent, le film a remporté le prix du Public au dernier Festival de Locarno..

Lanterne magique


Deux ans après l’armistice de 1918, Peter Perg revient de captivité à Vienne. Il est reconnu comme partisan de l’Empire austro-hongrois qui vient de perdre la guerre. Ses rares anciens compagnons, dispersés dans la ville, sont assassinés les uns après les autres selon des rituels sadiques et codés. Peter, ex-flic, est sollicité par son ami d’avant-guerre Paul Severin pour l’aider à résoudre l’affaire. Alors que les meurtres s’alignent, le vétéran bénéficie de l'aide inespérée d'une médecin légiste, Theresa Korner, et s'oppose à un jeune sympathisant des mouvements bolchéviques viennois, les futurs nazis. Un seul espoir le guide : retrouver sa femme et sa fille.

Le visuel sophistiqué du film rappelle celui d'Eric Rohmer dans son Anglaise et le duc, où des acteurs apparaissent par transparence sur des aquarelles. Dans Hinterland, les fonds bleus, remplis de décors numériques, remplacent les peintures et sont dans les canons des jeux vidéo.  L'objectif relève de la même sensibilité. Celle de Rohmer envers le XVIIIe siècle, et Hinterland au regard des années 20 : une impression de projection de lanterne magique les anime. Qu’importe le flacon tant qu’on a l’ivresse.  Même si elle est plus vibrante chez le réalisateur français.

Des larmes, de la sueur et du sang


Situé à l’époque de L’Œil du serpent de Bergman, lié à une noirceur urbaine, Hinterland fomente une esthétique steampunk, cette frange de la science-fiction au carrefour des XIXe siècle et des cybermondes. Une invention esthétique qu’illustraient The Crow ou Dark City dans les années 90, beaux rejetons gothiques du Batman de Tim Burton (1989). Cette bonne surprise passée, le réalisateur autrichien Stefan Ruzowitzky développe un film noir, lacéré des tortures qu'inflige un tueur revanchard et coriace. Ses indices et son mobile, très retors, pointent certains "hommes comme les autres" qui se sont acharnés sur leurs semblables.

Expressionnisme et gore s’allient dans cette évocation d'une Vienne début de siècle, rare à l’écran. Sous une forme originale et belle, ses excès compris, elle s’assume esthétique. Le film participe d’une veine illustrative, alliant décors virtuels et acteurs réels. Deuxième film autrichien récent sorti en France, après Corset sur Sissi, l’empire austro-hongrois est dans leur ligne de mire. Mais si leurs regards diffèrent, en style et point de vue, il est intéressant d’observer qu’ils se suivent dans leur chronologie de l’histoire locale, et sont réalisés par une Autrichienne et un Autrichien. L’impératrice a été assassinée juste vingt ans avant l’armistice et, entre les deux, une guerre a changé la face du monde. Dans les deux cas, ce fut un bain de larmes, de sueur et de sang. Le portrait craché d’Hinterland.

L'affiche de "Hinterland" de Stefan Ruzowitzky (2022). (EUROZOOM)

La fiche

Genre : Drame historique
Réalisateur : Stefan Ruzowitzky 
Acteurs : Murathan Muslu, Max von der Groeben, Liv Lisa Fries
Pays : Autriche / Luxembourg 
Durée : 1h38
Sortie : 28 décembre 2022
Distributeur : Eurozoom

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis : Vienne, 1920. Après l’effondrement de l’empire austro-hongrois, Peter Perg, soldat de la Grande Guerre revient de captivité. Tout a changé dans sa ville, où le chômage et les pulsions nationalistes prennent chaque jour un peu plus d’ampleur. Il se sent étranger chez lui. Soudainement, plusieurs vétérans sont brutalement assassinés. Touché de près par ces crimes, Peter Perg s’allie à Theresa Korner, médecin légiste, pour mener l’enquête. Au fur et à mesure de ses découvertes, Peter se retrouve malgré lui mêlé aux évènements et doit faire face à des choix cruciaux dans un chassé-croisé aux allures de thriller expressionniste.

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