La "Tendre Colère" des frères Ben Aïm ouvre le festival de danses urbaines de Suresnes
Tendre Colère, la création présentée en ouverture de la 33e édition du festival Suresnes Cités Danse, est une pièce contemporaine, créée au théâtre Jean Vilar dans le cadre d'une résidence d'artistes. Elle sera dansée à trois reprises, les 10, 11 et 12 janvier. Ses deux chorégraphes, François et Christian Ben Aïm, nous ont permis d'assister fin décembre au filage, une répétition de l'ensemble du spectacle dans les conditions réelles, mais sans public. Le résultat était déjà plus que prometteur.
Le titre du spectacle est un oxymore, le mariage de deux mots au sens contradictoire. Sa genèse remonte à Facéties, leur précédente pièce présentée à Suresnes en 2023. Les frères Ben Aïm disent qu'en travaillant sur ce ballet comique, ils ont commencé à s'intéresser "au geste par inadvertance, à une forme de maladresse, d'oubli à soi-même, un mouvement qui se construit en dehors de la volonté". Ils s'interrogent alors sur les différentes manières d'être "hors de soi" : "Il y a bien sûr, la colère. Mais pas seulement. Il y a des moments où l'on n'est pas forcément dans l'excès ou le débordement, mais dans le relâchement, la détente, dans une certaine distraction, des moments où l'on s'en remet aux autres". Ce qui explique le titre de leur création, Tendre colère : "Cela nous semblait intéressant de mettre en regard ces deux énergies, dans l'excès et dans la douceur."
Revenons au filage. Sur un grand plateau blanc et nu, dix danseurs évoluent autour d'un unique élément de décor, une longue branche décharnée. Certains ont déjà revêtu les costumes imaginés par Mossi Traoré, un créateur engagé qui promeut l'accès à la mode et à la culture au cœur des quartiers qui en sont les plus éloignés. L'une de ses marques de fabrique est de créer des vêtements non genrés.
"C'est la première fois que nous collaborons, raconte Christian Ben Aïm, et ça nous intéressait effectivement que les hommes puissent porter des jupes et les femmes des pantalons, qu'il n'y ait pas ces limitations-là". Son frère complète : "Les états que l'on traverse n'ont pas de genre. Ce qui importe, c'est l'intime qui se trame à ces endroits-là, indépendamment de la question du genre."
Pour la musique, ils ont fait appel à Patrick de Oliveira, artiste polyvalent à la fois auteur, compositeur, interprète et ingénieur du son pour le spectacle vivant. C'est là encore une première collaboration. "Nous avions envie de travailler sur la question de la transe, de la pulsation, d'un rythme qui nous emporte et qui soit, en même temps, teinté de différentes influences, de musiques du monde, par exemple la musique orientale", explique François Ben Aïm.
Le travail entre le musicien, les chorégraphes, et les danseurs s'est fait en commun, au fil de la création, et cela se ressent tant la musique semble écrite sur et avec leurs corps. Une douce énergie se dégage des mouvements d'ensemble. Le travail de bras est magnifique. Comme des derviches tourneurs, les danseurs semblent par moments nous inviter à entrer dans leur tourbillon nimbé de couleurs magiques, rouge sang ou bleu d'aube. Des lumières dues à leur complice Laurent Patissier avec qui ils travaillent depuis 1998 et leur pièce L'homme rapaillé.
Animal et fraternel à la fois
Pour Carolyn Occelli, la directrice du théâtre Jean Vilar, Tendre colère, répond à un besoin lié à l'inquiétude de l'époque. "Je trouve, explique-t-elle, que l'on vit dans un monde assez violent, de repli individuel et communautaire. J'ai aimé leur ambition d'aller chercher la puissance du collectif – dix danseurs au plateau, c'est beaucoup – et de travailler sur les questions d'abandon, quand on est dépassé par ses propres émotions". Elle ajoute que "cela a quelque chose d'animal et de fraternel à la fois. C'est cela qui m'a parlé."
Les frères Ben Aïm sont artistes associés au théâtre Jean Vilar depuis septembre 2023. Ils ouvrent le bal cette année avec cette pièce ambitieuse qu'ils présentent comme "un manifeste utopique, une chimère dansante et un pied de nez à la folie du monde". Une belle introduction pour la 33e édition du festival qui réunira sur un mois 17 chorégraphes et plus de 85 danseurs et interprètes.
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