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Mort de Joël Robuchon : "On a besoin de nouveaux Joël Robuchon et de nouveaux Paul Bocuse"

Alors que Joël Robuchon s'est éteint, lundi 6 juillet, le propriétaire et président du guide Gault et Millau, Côme de Cherisay, "fait le constat que la gastronomie française est un peu en recul face à celle anglo-saxonne".

Article rédigé par franceinfo
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Joël Robuchon (2e en partant de la droite) reçoit le prix du "cuisinier de l'année", à Paris, le 23 novembre 1987. (JOEL ROBINE / AFP)

"Après Paul Bocuse et Joël Robuchon, on perd un peu les phares de la cuisine française", a déclaré, lundi 6 août sur franceinfo, Côme de Cherisey, propriétaire et président du guide Gault et Millau, après la mort de Joël Robuchon, à l'âge de 73 ans. Le chef le plus étoilé du monde avec 32 macarons au guide Michelin avait été sacré "cuisinier du siècle" par le Gault et Millau en 1990.

franceinfo : En 1990, quand Joël Robuchon reçoit le titre, il devance d'autres très grands chefs comme Alain Ducasse ou Paul Bocuse pour ne citer qu'eux, qu'avait-il de plus que les autres ?

Côme de Cherisey : Joël Robuchon est un chef que Gault et Millau a découvert en 1983 et deux ans plus tard nous lui accordions un premier titre exceptionnel qui est celui de "cuisinier de l'année". Il y en a un par an, donc 40 en 40 ans. Il a fait partie du panthéon des grands chefs très tôt. Ce qui nous a frappé dès le début, dès le premier repas que nous avons fait chez lui, c'est une cuisine extrêmement technique. C'est un technicien hors pair. On sait que pour être un très grand cuisinier, il faut maîtriser ces techniques et avoir un geste extrêmement précis. Mais dans l'assiette, c'était la simplicité.

Cette technique est doublée d'une vision de la gastronomie qu'il a voulu alléger et rendre plus moderne à son époque ?

Il n'a pas été précurseur en la matière parce que c'est Christian Millau avec Paul Bocuse qui ont lancé la nouvelle cuisine en 1973, donc quelques années avant. Par contre, Joël Robuchon a tout de suite su réinterpréter cette nouvelle cuisine avec ce côté épuré dans l'assiette. Je dirais aujourd'hui que le plus dur c'est ça, c'est d'aller vers la simplicité, de pouvoir proposer la perfection du produit. C'était également un maître des cuissons. Un des commandements de la nouvelle cuisine, c'est la cuisson maîtrisée qui respecte le produit.

Diriez-vous que Joël Robuchon était le meilleur ambassadeur de la cuisine française dans le monde ?

Je l'ai fréquenté depuis quelques années et il me disait avec beaucoup de modestie qu'il faisait travailler plus de 1 200 personnes dans le monde. Donc effectivement, c'est probablement le chef français qui a employé directement et indirectement le plus de cuisiniers dans le monde entier. Il a fait rayonner la gastronomie française à un très haut niveau. Aujourd'hui, il reste Alain Ducasse, il reste quelques grands chefs français qui ont encore ce niveau-là, mais après Paul Bocuse et Joël Robuchon, on perd un peu les phares de la cuisine française. Je fais le constat que la gastronomie française est un peu en recul face à celle anglo-saxonne. On a donc besoin de nouveaux Joël Robuchon et de nouveaux Paul Bocuse.

Dans certains restaurants, il a ouvert ses cuisines aux clients avec une transparence absolue, mais il avait aussi une autre manière de se rapprocher des Français notamment par la télévision et par les plats préparés qu'il élaborait avec la marque Fleury-Michon, quel est votre regard dessus ?

Pour moi, c'est le propre d'un chef visionnaire qui a compris que la gastronomie ne peut pas seulement être la gastronomie réservée à une petite élite. Les 20 premiers restaurants sont fréquentés par 35 000 Français. Les 5 000 suivants qui font partis du guide Gault et Millau sont fréquentés par six millions de Français, mais il y a 60 millions de Français qui font deux repas par jour. La gastronomie populaire, c'est apporter les bons produits avec des recettes simples au plus grand nombre. Sa collaboration avec Fleury-Michon ou avec Reflets de France, c'est une gastronomie accessible pour le plus grand nombre. Quand vous avez des millions de Français qui vont dans une enseigne de grande distribution et qui peuvent trouver, grâce à un chef qui a mis au défi les industriels, des produits de qualité, on est dans une œuvre de gastronomie, mais de gastronomie populaire.

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