L'écrivain et présentateur Bernard Pivot, illustre passeur de littérature et créateur de l'émission "Apostrophes", est mort à l'âge de 89 ans
Bernard Pivot, célèbre journaliste, écrivain et animateur d'émissions culturelles cultes, amoureux de la langue française et passionné de football et de vin, est mort lundi 6 mai à l'âge de 89 ans, a annoncé sa fille Cécile Pivot à l'AFP. Il était l'homme qui avait fait entrer la littérature dans le salon des Français avec l'émission "Apostrophes", qu'il a animée pendant quinze ans, de 1975 à 1990, sur Antenne 2, et que des millions de téléspectateurs suivaient tous les vendredis soir.
Son goût pour la langue française remontait à son enfance, expliquait Bernard Pivot en mars 2016 à l'occasion de la présentation de son livre Au secours ! Les mots m'ont mangé. "Je suis un enfant de la guerre. J'étais réfugié avec ma mère dans un petit village du Beaujolais (près de Lyon), et mes seuls livres étaient un dictionnaire et Les Fables de La Fontaine. La Fontaine me parlait de Zéphyr ou d'Aquilon et Le Petit Larousse me renseignait sur ces mots étranges", avait-il confié. Une de ses plus grandes fiertés était d'être entré dans le dictionnaire de son enfance en 2013.
Les plus grands écrivains à sa table
Né le 5 mai 1935 à Lyon, fils d'épiciers, il est un élève moyen au lycée, qui se passionne pour le sport, le français et l'histoire. Il étudie le droit à Lyon, puis le journalisme à Paris. Diplômé du Centre de formation des journalistes (CFJ) en 1957, il entre au Figaro littéraire en 1958, puis devient chef du service littéraire du Figaro. Il démissionne en 1974 en raison d'un désaccord avec Jean d'Ormesson, qu'il invitera pourtant très souvent, plus tard, dans ses émissions.
Il débute à la télévision en tant qu'animateur en 1973, avec un magazine littéraire, "Ouvrez les guillemets", diffusé sur la première chaîne de l'ORTF. En 1975, il fonde avec Jean-Louis Servan-Schreiber le magazine Lire.
C'est l'émission "Apostrophes", lancée la même année, le 10 janvier sur Antenne 2 et devenue culte, qui le rendra célèbre, avec en générique le Concerto pour piano numéro 1 de Rachmaninov.
Pendant quinze ans (724 émissions), le vendredi soir, il réunit des écrivains autour d'une table basse et fait entrer les plus grands noms de la littérature dans les foyers, d'Alexandre Soljenitsyne à Marguerite Duras, de Marguerite Yourcenar à Vladimir Nabokov.
La dictée remise au goût du jour
Sur le plateau d'"Apostrophes", on rit beaucoup, on s'insulte, on s'embrasse... Le public adore et les ventes de livres suivent. Bernard Pivot sait créer une intimité avec ses invités et réunir des duos improbables. Les téléspectateurs assistent à des moments inoubliables : François Cavanna taclant un Charles Bukowski ivre, avec un fameux "Ta gueule, Bukowski !", les interviews d'Alexandre Soljenitsyne, de Marguerite Duras ou de Patrick Modiano.
Sagan, Barthes, Bradbury, Bourdieu, Eco, Le Clézio, Lévi-Strauss ou encore le président Mitterrand seront ses invités. En 1987, il interviewe clandestinement Lech Walesa en Pologne. Facétieux, il soumet, à la fin de chaque émission, ses invités au "questionnaire de Pivot", inspiré de celui de Proust.
Bernard Pivot arrête "Apostrophes" en juin 1990. Mais dès janvier 1991, il lance "Bouillon de culture", qui aborde, outre la littérature, le cinéma et l'art. Il l'animera jusqu'en 2001 avant "Double jeu", sur France 2, de 2002 à 2005.
Vêtu de la blouse grise des instituteurs d'autrefois, Bernard Pivot est aussi celui qui tente de réconcilier les francophones avec l'orthographe en organisant, à partir de 1985, les "Dicos d'or", célèbre championnat d'orthographe – vite devenu international – qui a remis la dictée au goût du jour.
Cet amoureux de la littérature entre en 2004 à l'Académie Goncourt, où il est le premier non-écrivain à être élu. En effet, cet homme de lettres qui a écrit de nombreux essais n'est l'auteur que de deux romans : L'Amour en vogue (1959) et Oui, mais quelle est la question ? (2012), un roman autobiographique. Il présidera l'Académie Goncourt de 2014 à 2019. Il s'en retire, à 84 ans, "pour retrouver un libre et plein usage de son temps", explique-t-il alors.
De l'Académie Goncourt à Twitter
Ces dernières années, il était très actif sur Twitter, où il partageait ses humeurs et ses idées avec plus d'un million d'abonnés. "J'ai adoré la contrainte des 140 signes. Elle me rappelait mes débuts dans le journalisme, quand on me confiait de courts papiers !", confiait-il au magazine Notre Temps en février 2021.
Bernard Pivot est l'auteur de nombreux essais, sur la langue française, mais aussi sur ses deux autres grandes passions : le vin et le football. Il était resté fidèle à l'AS Saint-Etienne et à l'équipe de France. Mais, au-delà de toutes ses activités, c'est en tant que journaliste qu'il aimait se définir.
Il continuait à écrire, "pour garder l'esprit vif, joyeux et curieux", confiait-il à Paris Match en janvier 2021. Ce mois-là, il avait publié Mais la vie continue (éd. Albin Michel), dans lequel il racontait le quotidien d'un homme de 82 ans.
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