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"Le silence et la colère" : Pierre Lemaitre rend hommage au roman social avec le deuxième opus de sa fresque familiale sur les Trente Glorieuses

Pierre Lemaitre continue à "feuilleter" le XXe siècle avec ce nouvel épisode de sa fresque familiale consacrée aux Trente Glorieuses. On retrouve avec plaisir les péripéties de la famille Pelletier dans cette période, terreau de grandes mutations sociales.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Portrait du romancier Pierre Lemaitre, juin 2021 (BRUNO LEVY)

Pierre Lemaitre nous offre le second volet de sa tétralogie consacrée aux Trente Glorieuses, une saga familiale démarrée il y a un an avec Le Grand Monde, un succès de librairie campé dans le peloton de tête des ventes de l'année 2022. Poids lourd de cette rentrée littéraire d'hiver, Le silence et la colère paraît le mardi 10 janvier aux éditions Calmann-Lévy.

L'histoire : 1952, dans la famille Pelletier, le père s'est pris de passion pour la boxe. Le fils aîné Jean, dit "Bouboule", et boulet historique mais personnalité trouble, tente de mener à bien son projet de magasin de vêtements révolutionnaire, sous l'œil acerbe de son inénarrable épouse Geneviève, enceinte et plus féroce que jamais. François, le deuxième fils tente de comprendre les mystères que lui cache Nine, son amoureuse sourde, tandis qu'Hélène est envoyée par son rédacteur en chef dans un village voué à disparaître sous les eaux d'un barrage hydroélectrique.

A travers le destin des différents protagonistes de cette fresque familiale, l'écrivain nous brosse la peinture de cette seconde période des Trente Glorieuses, marquée par des mutations économiques, sociales, technologiques, et dans laquelle frémissent les prémisses de la révolution de Mai 68 et des combats féministes. Ainsi Hélène, jeune femme indépendante et émancipée, se voit confrontée à la répression pénale de l'IVG, et aux risques que les femmes couraient en recourant à l'avortement clandestin.

Roman social

Grands chantiers d'après-guerre, émergence du commerce de masse, de la presse de masse, avènement de l'électro-ménager, lutte des classes, démocratisation du sport, violences familiales… Si l'écrivain s'était amusé à rendre hommage au roman d'aventures dans le premier volet de cette fresque familiale, il se "place résolument dans le sillon du roman social" avec ce deuxième épisode de la saga.

"Le risque majeur du roman historique, à mon avis, c'est de vouloir absolument dire tout ce que l'on sait, de vouloir "rentabiliser" la documentation", confiait à franceinfo Culture Pierre Lemaitre à la sortie du premier opus il y a un an. Ici l'écrivain jongle une fois encore avec dextérité entre les faits historiques et la trame romanesque, installant le lecteur dans l'atmosphère d'une époque, sans l'assommer avec des détails historiques mais plutôt en incarnant l'histoire avec un grand H dans les péripéties de destins personnels. 

La plume jaillissante et teintée d'humour de Pierre Lemaitre nous fait aussi bien voyager dans le temps que dans les affres de cette truculente galerie de personnages, dont on suit avec avidité les atermoiements. Aussi addictif qu'une série américaine, ce deuxième volet, tiré à 250 000 exemplaires, ne manquera pas de combler les lecteurs. Succès garanti.  

Couverture du roman de Pierre Lemaitre, "Le silence et la colère", janvier 2023 (CALMANN-LEVY)

"Le silence et la colère", de Pierre Lemaitre (Calmann-Lévy, 592 p., 23,90 €)

Extrait :

"En 1952, alors qu'Hélène prenait peur, on n'en était plus là, mais la plupart des femmes enceintes qui souhaitaient exercer leur choix n'en étaient pas moins démunies. On cherchait une adresse. C'était l'expression mille fois entendue, tu aurais "une adresse?", je connais quelqu'un qui a "une adresse", on posait la question d'une voix tremblante; ces dialogues feutrés charriaient toutes sortes d'images terrifiantes, d'histoires tragiques, trouver "une adresse", c'était chercher une porte ouvrant sur la douleur, l'humiliation, la liberté peut-être, parfois le commissariat. Ou la morgue." (Le silence et la colère, p. 125) 

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