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"On était des loups", dernier roman tranchant de Sandrine Collette sur la naissance d'un père en milieu hostile

La romancière Sandrine Collette publie "On était des loups", un roman d'une rare intensité, qui met en scène un homme se retrouvant seul avec son petit garçon dans une nature sauvage.

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
La romancière française Sandrine Collette photographiée à Paris le 29 juin 2022 (THOMAS COEX / AFP)

Autrice de polars et lauréate en 2020 de plusieurs prix pour son roman post-apocalyptique Et toujours les forêts (JC Lattès), Sandrine Collette publie dans cette rentrée On était des loups, un roman qui met en scène un homme en marge de la société, vivant dans une région de montagne reculée, contraint de s'occuper seul de son petit garçon de cinq ans après la mort tragique de sa compagne.

La romancière explore dans ce roman la place de l'homme dans la nature, et ce qui peut, malgré la violence et les aléas de l'existence, faire bifurquer une route pour conduire l'homme vers son humanité. On était des loups, publié le 24 août aux éditions JC Lattès, est dans la liste des dix romans distingués par les librairies indépendantes pour la première édition des Défricheurs.

L'histoire : Depuis près de vingt ans, Liam a choisi de vivre dans la montagne, à l'écart du monde. Il vit de la chasse, et depuis quelques années partage son refuge avec Ava, qui lui a donné un enfant. Un jour, en rentrant de la chasse, il retrouve sa femme morte, tuée par un ours. Caché sous son corps couvert de sang, Aru, son fils de cinq ans, est vivant.

Au-delà de l'horreur et de sa colère, Liam s'interroge. Comment s'occuper de ce petit garçon qu'il connaît à peine, dans une maison nichée à des heures de marche de la première habitation? Qui s'occupera du petit garçon quand il partira chasser ? Comment faire grandir un enfant dans cette nature sauvage qu'il a choisie, il y a bien longtemps, pour vivre ?

"Parce qu'un enfant c'est une tâche immense, ça signifie s'occuper de quelqu'un d'autre que soi et je ne suis pas sûr qu'on en soit tous capables. C'est étrange que je n'aie jamais eu peur de rien, la nuit, l'avenir les bagarres ou les bêtes sauvages, alors qu'un gosse ça ne passe pas. Je ne sais pas comment lui parler, comment le nourrir, où mettre les mains pour le porter." 

"On était des loups"

page 123

Liam entame un voyage à cheval pour aller confier son fils à des proches. Mais les choses ne se déroulent pas comme il l'avait prévu, et il a du mal à contenir la colère qui monte en lui : "Je suis en colère contre la vie le monde, le monde je jure je lui ferai la peau". Jusqu'où sa haine ira-t-elle ? Sera-t-il capable de prendre une autre route que celle tracée par la violence de son passé ?  

Sandrine Collette continue avec ce nouveau roman à interroger la violence des hommes, et leur place dans une nature pleine de beauté et de surpuissance, explorant la frontière qui sépare l'homme de l'animal. Dans un contexte sauvage, réduit à sa plus simple expression (la survie dans une nature écrasante), elle aborde ici la question de la parentalité, plus précisément celle de la paternité, avec un personnage bardé de handicaps  pour assurer cette fonction.

Liam n'a rien au départ pour faire un bon père. Une enfance sous le joug de parents violents ne lui a rien appris sur la manière dont on peut prendre soin d'un enfant. Il ne comprend même pas ce qu'est ce petit être fragile, qui l'inquiète. Et il n'a pas envie de quitter sa vie dans la montagne, une vie qu'il s'est choisie dix-sept-ans plus tôt.

Basculement

Dans un récit déroulé à la première personne et sans beaucoup de virgules, comme un flux de pensée dont on ne sort jamais, on accompagne Liam dans les replis les plus sombres de son âme, parfois jusqu'à l'inimaginable.

La romancière, maîtresse du polar, construit son roman comme un chemin de montagne abrupt, avec une lente ascension où la tension monte inexorablement, jusqu'à une scène de violence paroxystique, scène de basculement qui emmène le roman sur une pente plus douce, et Liam sur le chemin d'une humanité qui peut-être va lui permettre de "tout doucement inscrire Aru dans son existence", ce qui "n'est pas si facile quand soi-même on n'a pas eu d'enfance", de protéger son fils, et de trouver sa place de père et d'homme sur cette terre.

"Hier on a longé une rivière et même si on était toujours au nord ça faisait des lumières que je n'avais jamais vues. Ce n'est pas qu'elles n'existaient pas avant mais je ne les regardais pas."

"On était des loups"

page 140

La romancière questionne la nature, et l'omniprésence envahissante de l'homme, "comme s'il ne pouvait pas s'empêcher de poser son cul un peu partout, un vrai chien pisseur il faut qu'il montre qu'il est là". Mais une nature qui sait se défendre et reprendre ses droits. "C’est comme si elle nous détestait, la nature, et dès qu’on fait quelque chose elle tend à le détruire pour reprendre tout l’espace. On croirait qu’il n’y a pas de place pour elle et nous, il y en a un de trop là-dedans".

Sandrine Collette signe un roman tranchant comme lame, réussissant dans un texte ramassé à installer une tension palpable, à la manière de la romancière américaine Laura Kasischke, tout en explorant le monde, et l'âme humaine jusque dans ses tréfonds, sans concession. On était des loups est un des romans à ne pas rater de cette rentrée littéraire.

Couverture du roman "On était des loups", de Sandrine Collette, août 2022 (JC Lattès)

On était des loups, de Sandrine Collette (JC Lattes, 200 pages, 19,90€) 

Extrait : "C’est toujours là que ça me reprend, quand on est juste tous les deux ça ressemble à un coup de poing qui t’arrive en pleine gueule sauf que c’est dans le ventre et dans le cœur et soudain je pense au môme, je pense à moi et je me dis mais qu’est-ce qu’on fait là. On va voir le lac et puis on rentre à la maison comme si rien ne s’était passé. Comme s’il suffisait de se remettre dans une file et de marcher en ayant oublié les jours qui ont précédé et à ce moment-là ce que je n’oublie pas c’est l’existence telle qu’elle va être après, l’existence impossible le gosse et moi et ça je n’en veux pas. D’ailleurs la vraie question n’est pas qu’est-ce qu’on fait là, la vraie question c’est comment je vais faire maintenant, à cela près que ça bloque dans ma tête". (On était des loups, page 106)

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