Sorties reportées, libraires inventifs, solidarités dans la chaîne du livre : le monde de l'édition, victime du coronavirus, s'organise
Le ministère de la Culture a annoncé ce mercredi 18 mars un plan d'urgence pour soutenir le secteur de la culture, et notamment celui déjà fragile de l'édition.
Après le premier coup de tonnerre, avec l'annulation de l'édition 2020 du salon Livre Paris annoncée début mars, le monde de l'édition, secteur déjà fragilisé, est en première ligne de l'épidémie de coronavirus, Les librairies, considérées comme commerces non indispensables, sont fermées, les portes des bibliothèques sont closes. Tous les salons, festivals, rencontres, sont annulés, et les sorties de livres reportées.
[Situation exceptionnelle]
— Place Ronde (@PlaceRonde) March 16, 2020
J’ai souri hier car il fallait accuser le coup. J’ai inventé 1001 façons de rester en lien avec chacune et chacun de vous. Mais je suis responsable et je baisse le rideau.
RV le 15 avril 2020, Place Ronde #Lille. Ici tous les jours.
Prenez soin de vous. pic.twitter.com/PL9PilOQiH
"Esprit de responsabilité"
Ce jeudi devait s'ouvrir à Paris le salon Livre Paris, le plus grand rassemblement autour du livre en France (450 éditeurs exposants et 3.000 auteurs invités) n'aura pas lieu en raison de l'épidémie. Dès cette annonce, les éditeurs comme Albin Michel ou Actes Sud, que nous avions interrogés, avaient pris acte, mettant en avant l'impératif sanitaire.
Qu'à cela ne tienne, voulait encore se rassurer récemment le président du Syndicat national des éditeurs, Vincent Montaigne. "Il n'y a aucun impact du Covid-19 sur les ventes en librairies qui sont plutôt bonnes depuis le début de l'année", expliquait-il il y a seulement une quinzaine de jours.
Mais les annulations se sont enchaînées. A Lyon, Quais du Polar, le grand rendez-vous annuel des littératures policières qui devait se dérouler du 3 au 5 avril, a également été annulé.
"L’esprit de responsabilité, la solidarité nationale, l’impératif absolu de santé et de sécurité de nos festivaliers, de nos bénévoles, de nos équipes, de nos partenaires comme de l’ensemble des citoyens français et européens s’imposent à nous", précise le communiqué envoyé par les organisateurs.
Musso, Dicker... de nombreuses sorties reportées
Les éditeurs ont gelé toutes les parutions prévues d'ici fin avril. C'est un coup dur pour le secteur de l'édition alors que traditionnellement c'est maintenant que sortent les best-sellers de l'été.
Les lecteurs devront ainsi patienter pour découvrir le nouveau roman du Suisse Joël Dicker dont la sortie était programmée le 25 mars (le 17 mars en Suisse).
"Chers amis, en raison des circonstances, la parution de mon roman 'L'énigme de la chambre 622' doit malheureusement être reportée", a fait savoir le romancier suisse sur les réseaux sociaux.
"La date de parution du livre de Joël Dicker est reportée sans date fixée actuellement", ont confirmé à l'AFP les éditions de Fallois.
— Joel Dicker (@JoelDicker) March 16, 2020
La vie est un roman, le prochain roman de Guillaume Musso, programmé pour le 28 avril, ne sortira pas non plus à la date prévue, a-t-on appris auprès de Calmann-Lévy. "La parution du roman est évidemment reportée, sans visibilité pour l'instant", a confié l'écrivain à un journaliste de l'AFP.
Guillaume Musso est l'auteur préféré des Français avec plus de 1,4 million d'exemplaires de ses livres (tous formats confondus) vendus en 2019. D'autres sorties sont décalées dont celle du prochain livre de Bernard Minier, La vallée (XO), dont la publication était attendue le 2 avril.
Le coup est encore peut-être plus rude pour les écrivains dont les livres sont sortis juste avant la fermeture des librairies. C'est le cas notamment d'Aurélie Valognes dont le livre Né sous une bonne étoile (Mazarine/Fayard) est sorti le 4 mars. Depuis trois ans, la romancière est constamment dans le Top 5 des auteurs les plus lus de France.
"Merci de ne pas envoyer vos manuscrits"
La plupart des éditeurs dont Gallimard, Albin Michel, JC Lattès ou encore Le Cherche-Midi ont annoncé mardi le report des publications prévues de mars à avril.
Les éditeurs ont par ailleurs demandé à tous les auteurs de "surseoir à l'envoi des manuscrits". "Nous ne sommes plus en mesure de prendre en charge les manuscrits. Merci de ne pas nous adresser de texte dans les temps qui viennent", a ainsi demandé l'éditeur Grasset. "Vos manuscrits seront de nouveau les bienvenus lorsque la situation sera revenue à la normale", a précisé le Seuil.
Librairies fermées, solidarité de la chaîne du livre
Les librairies sont fermées depuis la mise en place du confinement généraliséce mardi 17 mars. Les bibliothèques ont également fermé leurs portes. Les lecteurs peuvent continuer à acheter des livres. On vous dit comment ici.
Les libraires sont inquiets, commencent déjà à réagir pour limiter les dégâts.
Mainenant, j’enclenche le « big plan négo » pour obtenir les reports d’échéance avec les poids lourds du monde des livres. Je remonte les manches, arguments affûtés,c’est parti J’adore.
— Place Ronde (@PlaceRonde) March 16, 2020
Le groupe d’édition Editis a décidé de mettre en place des mesures d’accompagnement économique pour les librairies indépendantes.
Les librairies seront "créditées immédiatement de tous les avoirs de leurs retours de livres déjà enregistrés à date", a annoncé le groupe. Editis-Interforum reporte également à juin "l’ensemble des échéances des mois de janvier, février et mars". Comme de nombreux éditeurs, le groupe a également décidé de reporter les nouvelles publications. "Les éditeurs marquent ainsi leur solidarité, en suspendant totalement la parution de leurs nouveautés".
[Communiqué] Face à la crise du #coronavirus et à la fermeture des #librairies, Editis annonce plusieurs mesures de soutien aux libraires.
— Editis (@Editis_officiel) March 16, 2020
Pour en savoir plus : https://t.co/6iT4MouTn7 pic.twitter.com/i9FfKMTWab
Certains libraires, imaginatifs, proposent des animations en ligne, comme cette librairie de Saint-Dié-des-Vosges, qui propose des "lectures confinées" sur sa page Facebook.
Des éditeurs proposent gratuitement certaines de leurs publications en ligne, pendant la durée du confinement, comme les éditions de la Découverte.
#ConfinementLecture Pour vous éviter une potentielle pénurie de lectures, nous avons décidé de rendre certains de nos ouvrages accessibles en ligne, avec l'accord des auteurs / autrices concerné.e.s, évidemment
— EditionsLaDécouverte (@Ed_LaDecouverte) March 17, 2020
Aides de l'état
Le ministre de la Culture Franck Riester a annoncé un plan de soutien à la culture ce mercredi 18 mars. Côté édition, ce plan d'urgence sera doté d’une première enveloppe de cinq millions d'euros, sous la houlette du Centre national du Livre pour répondre aux difficultés immédiates des éditeurs, des auteurs et des libraires.
Le secteur culturel est particulièrement impacté par la propagation du virus Covid-19. Le ministère de la Culture a mis en place une cellule d'information destinée à aider les professionnels : https://t.co/OPuKnFVJ6Y https://t.co/XvxTmVVnMI
— Ministère de la Culture (@MinistereCC) March 18, 2020
Les subventions versées par le CNL aux manifestations littéraires annulées pour des raisons sanitaires leur resteront acquises, pour les aider à faire face aux dépenses déjà engagées. Une attention particulière sera portée à la rémunération des auteurs qui devaient participer à ces manifestations. Le CNL va aussi reporter les échéances des prêts accordés aux libraires et aux éditeurs.
En janvier, avant l'apparition du virus en France, les ventes de livres accusaient un recul de 1%. Cette crise survient dans un contexte compliqué pour le monde de l'édition. Si 2019 a été une relative bonne année pour l'édition, grâce notamment à une bonne rentrée littéraire d'automne, qui a engendré la plus forte ventes de livres depuis six ans et la parution du 38e opus d'Astérix, livre le plus vendu en France l'an dernier, le marché du livre reste très fragile.
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