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"C'est sympa d'avoir moins de fringues de mauvaise qualité dans votre placard" : les Américaines adoptent la mode à louer

Limité aux grandes occasions il y a dix ans, le marché de la location de vêtements s'est transformé, au point de dépasser le milliard de dollars de chiffre d'affaires dans le monde, selon une étude du cabinet Grand View Research, publiée en avril.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP - Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Défilé Proenza Schouler prêt-à-porter automne-hiver 2018-19 à la Paris Fashion Week le 22 janvier 2018  (VICTOR VIRGILE / GAMMA-RAPHO)

Finie la robe de soirée achetée mais portée deux fois ou le petit haut jaune qui prend la poussière dans le placard ; les services de location de vêtements par abonnement décollent aux États-Unis, un relais de croissance mais aussi une menace pour la mode traditionnelle.

"Location, c'est le mot qui fait le buzz en ce moment dans le commerce de détail" du prêt-à-porter, indique Kayla Marci, analyste au sein du cabinet Edited.

"C'est plaisant de disposer de cette sorte de penderie illimitée, de mettre des choses que je ne pourrais pas m'offrir"

Cadre dirigeante dans l'industrie cosmétique, Jacqueline Jackson s'est lancée le jour où elle s'est aperçue que le prix de l'abonnement mensuel à Rent The Runway, le géant du marché américain, lui coûterait moins cher que la location de la robe qu'elle voulait pour se rendre à un mariage. "C'est plaisant de disposer de cette sorte d'une penderie illimitée, de mettre des choses que je ne pourrais pas m'offrir, parce que beaucoup de ces pièces sont assez chères", explique cette mère de deux jeunes enfants, qui n'a "pas le temps de faire les magasins".

Comme beaucoup de ses concurrents, Rent The Runway propose, via une formule d'abonnement de base à 89 dollars par mois, des marques de créateurs, qui valent souvent plusieurs centaines de dollars pièce à l'achat, parmi lesquelles Victoria Beckham, Proenza Schouler ou Phillip Lim. RTR propose également une formule illimitée à 159 dollars, tandis qu'Armoire, jeune start-up venue de Seattle qui a déjà plusieurs milliers de clientes, est à 149 dollars.

Une fois portées, les pièces peuvent être renvoyées par le service de livraison UPS ou déposées dans l'une des boutiques physiques dont dispose Rent The Runway, qui prend en charge le nettoyage. Les clientes peuvent aussi faire le choix d'acheter le vêtement.

Défilé Phillip Lim lors de la New York Fashion Week le 11 février 2019  (JOHANNES EISELE / AFP)

"Là, vous pouvez aller sur la tendance. Même si vous ne le portez qu'une fois, cela n'a pas d'importance"

"Quand vous achetez votre propre garde-robe, vous vous demandez combien de fois vous allez pouvoir porter un vêtement", décrit Jacqueline, et "vous évitez (...) les choses trop tendance, que vous ne porterez qu'une ou deux saisons. Mais là, vous pouvez aller sur la tendance. Même si vous ne le portez qu'une fois, cela n'a pas d'importance." Depuis qu'elle s'est abonnée, Jacqueline achète "moins de choses et plus de basiques". "Louer, c'est un peu partager. Vous ne faîtes pas qu'acheter, acheter, acheter."

Les plateformes, qui ne se consacrent pour l'instant qu'aux femmes, mettent à profit les données qu'elles recueillent et utilisent l'intelligence artificielle pour proposer aux abonnées des pièces susceptibles de leur plaire et qui tiennent compte de leurs mensurations. "Nous allons montrer à une femme des choses dont nous savons qu'elle va les aimer, mais nous pouvons doucement la pousser hors de sa zone de confort", explique Lili Morton, responsable du développement de la marque chez Armoire.

"C'est sympa d'avoir moins de ces fringues de mauvaise qualité dans votre placard"

L'autre carte maîtresse du "clothing rental", la mode à louer, c'est sa dimension plus durable, moins gourmande, qui rejoint l'idée d'une consommation raisonnée très en vogue. "Je pense que les gens aiment l'idée d'acheter moins de fast fashion (mode jetable)", explique Jacqueline. "C'est sympa d'avoir moins de ces fringues de mauvaise qualité dans votre placard et de pouvoir dépenser de l'argent pour porter de la qualité."

Selon plusieurs sources, chaque pièce tourne en moyenne autour de 15 fois avant de sortir du circuit. Armoire a passé un accord avec l'association Dress for Success, qui fournit gratuitement des vêtements à des femmes aux revenus modestes.

Pour certaines marques de créateurs, la location est un moyen de rencontrer un nouveau public, un débouché supplémentaire. Mais pour la vente de prêt-à-porter en général, c'est un concurrent. A mesure que le secteur décolle, plusieurs plate-formes se lancent sur le segment low-cost, notamment Haverdash. Les enseignes physiques leur emboîtent le pas, notamment American Eagle, Ann Taylor ou Urban Outfitters. "Ces plateformes perturbent l'industrie de la mode et changent notre façon d'acheter", dit Kayla Marci, du cabinet Edited.

Un mouvement planétaire, la France elle aussi engagée

Les États-Unis ne sont pas les seuls engagés dans ce mouvement. Dans son livre Une mode éthique est-elle possible ?, la sociologue Majdouline Sbai montre qu’en 20 ans les Français ont doublé leur consommation de vêtements mais que 30 % de leurs achats ne seront jamais portés. 600 000 tonnes de textile sont ainsi jetées chaque année. Les Français adoptent eux aussi les services de partage et de location de vêtements (le Grand DressingUne Robe Un soirLes Cachotières, Mademoiselle Mondaine....) voire même de chaussures.

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