Avec Atelier Sorbier, la maison de haute couture Franck Sorbier renoue avec le prêt-à-porter
La maison de haute couture Franck Sorbier présente son prêt-à-porter pendant la Fashion Week féminine printemps-été 2023 (26 septembre au 4 octobre 2022). Abandonnée en 2000, le couturier renoue avec cette collection.
Le couturier Franck Sorbier a présenté lors de la semaine de la haute couture parisienne sa collection automne-hiver 2022-23 ainsi qu'Atelier Sorbier, le revival de son prêt-à-porter initié de 1990 à l’an 2000.
"Les Saltimbanques" : une collection qui s'imprègne du monde du spectacle et des "mauvais garcons"
En juillet dernier, Franck Sorbier avait convié son public au Conservatoire national des arts et métiers, à Paris pour son défilé Les Saltimbanques où aux côtés des modèles féminins vêtus de haute couture automne-hiver 2022-23, se tenaient des mannequins en prêt-à-porter.
Une complainte qui s'échappe d'un orgue de barbarie, un homme sur une bicyclette grand bi, les chevaux du cascadeur équestre Mario Luraschi... lors du show, le temps semblait suspendu tant l'ambiance faisait penser au film Les enfants du Paradis de Marcel Carné mais aussi aux bandes d'Apaches, ces mauvais garçons du début du XXe siècle ainsi qu'aux spectacles de rue...
Rencontre avec le couturier Franck Sorbier et Isabelle Tartière, présidente et collaboratrice artistique de la maison.
Franceinfo culture : lors du défilé haute couture automne-hiver 2022-23 vous avez, aussi, présenté du prêt-à-porter.
Franck Sorbier : c'était une façon de revenir à ce qu'on a fait pendant 10 ans de 1990 à 2000. Lancé à l'été 1991, ce prêt-à-porter a eu son actualité mais si cela avait été complètement has been, on ne l'aurait pas fait défiler pendant la haute couture de juillet. Nous sommes sur des pièces assez classiques mais revues et corrigées pour lesquelles nous avons réutilisé des patronages qui ont plus d'une vingtaine d'années. Certains datent de 1996, 1997 et 1998, précise Isabelle Tartière, avant que Franck Sorbier ne souligne que pour le show, il y a eu quelques petites retouches sur certains modèles par rapport à la vestibilité (rallonger une veste, un pantalon quand c'était nécessaire pour habiller les mannequins).
A côté des treize modèles haute couture, dix modèles Atelier Sorbier ont été porté par des gamins mais aussi des personnes un peu plus âgées. L'idée était de montrer que plusieurs générations peuvent les adopter et qu'un intemporel reste un intemporel !
Isabelle Tartière : en 2000, le prêt-à-porter s'est arrêté car notre financier est décédé. A l'époque Franck m'annonce qu'il veut cultiver sa haute couture : il venait d'intégrer en qualité de membre permanent la Fédération de la haute couture et de la mode.
A quoi ressemble ce prêt-à-porter à l'époque ?
Franck Sorbier : en terme de style, il y a une inspiration roman policier, un peu série noire, un peu Marlène Dietrich - toujours habillée à la ville en tenues masculines - mais cela fait référence aussi aux Apaches, ces voyous photographiés par Brassai dans les années 20.
C'était un prêt-à-porter cocktail. Au début, l'idée était de ne faire que des vestes : avec des tissus particuliers, des broderies, peintes à la main, des imprimés... Comme elles avaient une présence, j'estimais qu'il n'y avait pas besoin de réaliser d'autres pièces. Cela donnait une liberté à la femme d'associer sa veste avec ce qu'elle avait dans sa garde-robe : un jean, un pantalon masculin.... Mais nous avons été obligé d'évoluer car ce côté tailleur, qui était très à la mode début 1990, s'est un peu calmé ensuite. La robe a pris le dessus et il a fallu ouvrir les propositions. Si en France cela pouvait fonctionner, par contre aux États-Unis les gens voulaient le total look. Nous avons, donc, commencé à faire le pantalon, la jupe droite, le gilet masculin.... ce qui faisait des beaux ensembles.
Pourquoi avoir attendu 20 ans pour renouer avec ce prêt-à-porter ?
Isabelle Tartière : plus j'observais ce qui se passe aujourd'hui, et plus je me disais, j'ai une tonne de patrons qui ont une légitimité à ressortir. Je disais à Franck où on les fout en l'air où on en fait quelque chose, car c'est de l'or qui dort. Ces vêtements ont eu leur heure de gloire pendant les grandes années du prêt-à-porter, surtout aux États-Unis, alors testons !
On garde le concept Elle pour Il, c'est-à-dire qu'une fille peut acheter une veste portée par un garçon : c'est un masculin-féminin. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'on part sur de beaux matériaux et tissus de belles laines.
Tous les patronages existent déjà ?
Franck Sorbier : oui. De temps en temps, j'ai utilisé ces patronages pour pimenter mes défilés haute couture de silhouettes masculines. Cette saison, on s'est dit pourquoi ne pas pousser un peu plus loin l'idée... en habillant un couple.
De saison en saison ces bases vont perdurer et s'adapter à de nouvelles matières mais on va ressortir aussi d'autres patrons. Pour l'instant on propose le manteau, la veste, le grand caban et l'imperméable, trois formes de pantalons féminins et deux masculins. Il y a, par exemple, un pantalon féminin très classique - taille montante ventre plat - et un pantalon masculin à pinces... c'est vraiment le retour aux sources, cette idée de tailoring.
Isabelle Tartière : on prend des commandes et nous allons voir si c'est viable. Franck ne va pas tuer ni annihiler sa haute couture mais va matcher avec l'ADN d'un prêt-à-porter que l'on nous connaît ! Aujourd'hui la haute couture reprend ses titres de noblesse, on sent des soubresauts mais les gens veulent voir aussi le prêt-à-porter. Nous n'allons pas revenir dans le calendrier des créateurs de mode mais on sera là pendant la Fashion Week féminine pour présenter notre concept du réversible et de l'adaptable.
Ce sont des vêtements non saisonniers ?
Franck Sorbier : ces patronages datent de 1995-1996 mais il y a aussi des super classiques qui ont été corrigés après. A l'époque, on avait déjà fait de l'oversize, c'est assez marrant.
C'est du prêt-à-commander "saisonless". Dans un premier temps, on ne va pas faire de production, on va prendre des ordres en commande puis on va fabriquer. L'idée est surtout de ne pas sur-stocker même si on va être obligé de commander des métrages.
Et côté prix ?
Isabelle Tartière : en prix public c'est aux alentours de 1 400, 1 500, 1 800 euros pour les manteaux, 500 à 800 euros pour un pantalon. Ce sont des prix d'un prêt-à-porter haut de gamme.
Vous êtes présent à la Fashion Week de septembre ?
Isabelle Tartière : on montre, à nouveau, cette collection Atelier Sorbier aux acheteurs ainsi que de nouvelles pièces réversibles pour mettre en avant les nombreuses possibilités de matériaux (flanelle...) et de couleurs. Chacun pourra adapter la doublure de son vêtement. On travaille avec un imprimeur lyonnais. Ces imprimés seront inspirés de dessins anciens très classiques voire même une collaboration avec un street artiste.
Depuis trois saisons Franck s'amuse à recycler des vestes queues de pie. C'est drôle, il y a une appétence : les gens sont contents de se dire qu'ils ont une veste des années 50-60 recustomisée, revisitée. C'est quelque chose que l'on continuera car cela nous ouvre d'autres horizons !
Prêt-à-porter et haute couture à mixer ?
Franck Sorbier : Au bout d'un moment, ne faire que de la haute couture, c'était un enfermement. La haute couture se doit d'être encore plus poussée pour offrir des pièces encore plus exceptionnelles : on devrait presque appeler cela des pièces de maître d'art. Là avec Atelier Sorbier, c'est un peu un retour aux sources, donc on rajeunit ! C'est une gymnastique d'esprit, cela aère. Ce prêt à commander permet de montrer que la mode aujourd'hui n'est pas une et une seule et qu'il est possible de mélanger la haute couture avec autre chose...
Isabelle Tartière : oui. Des acheteurs ont déjà passé des commandes suite à la présentation de juillet : une de nos clientes couture a opté pour une pièce de la dernière collection automne-hiver 2022-23 mais a aussi complètement flashé sur un ensemble prêt-à-porter.
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