"La mode en mouvement #2" au Palais Galliera : une plongée passionnante dans l'histoire du balnéaire
Après l'exposition La mode en mouvement #1, le Palais Galliera dévoile le second accrochage (sur 3). Avec 250 nouvelles œuvres présentées, l'exposition retrace une histoire de la mode du XVIIIe siècle à nos jours avec la thématique du corps en mouvement évoqué lors du premier volet. Son objet : appréhender la place du vêtement dans la pratique d'activités physiques et sportives jusqu'aux conséquences sociales de son évolution, le vêtement conçu pour le sport étant mis en regard du vestiaire de ville.
Cette deuxième présentation mesure la spécialisation progressive du vêtement sportif comme l'introduction du sportswear dans le vestiaire quotidien avec un superbe focus dédié au balnéaire, révélant des pièces rarement montrées au public qui méritent à elles seules la visite ! Cette section s'intéresse aux bains de mer et à la natation, symboles de la démocratisation de la pratique sportive dès la fin du XIXe siècle. L'occasion de découvrir l'importante collection de costumes et maillots de bain, tenues et accessoires de plage, conservés au Palais Galliera mais surtout l'évolution du rapport au corps à travers son dévoilement dans la sphère publique ainsi que la notion de pudeur et de décence. Une histoire passionnante.
Une histoire des bains de mer en France
Les théories hygiénistes et médicales du XIXe siècle consacrent les bienfaits de la baignade aboutissant à la création des premières stations balnéaires. Grâce au développement du chemin de fer, leur nombre ne cesse de croître, d'abord le long des côtes normandes et basques. Certaines d'entre elles, comme Biarritz, doivent leur renommée à la présence régulière de l'impératrice Eugénie et de la cour impériale. La Côte d'Azur – mise en valeur dès les années 1760 par l'aristocratie britannique et prisée pour une villégiature d'hiver – voit son activité estivale se développer dans les années 1920, grâce aux élites américaines.
On s'arrêtera un instant devant ces incroyables arrêtés municipaux : le succès de la baignade contraint les municipalités à réglementer la pratique et les tenues et à préserver ainsi l'ordre social et moral. La plage devient, dès le XIXe siècle, un lieu de rencontre et de sociabilité qui se démocratise. Dans un premier temps, l'activité physique se résume à du barbotage puis évolue vers une véritable pratique de la natation, d'abord par les hommes puis par les femmes. Le costume de bain connaît une même mutation, vers des formes plus ergonomiques et des matières plus adaptées à une nage sportive.
Les premiers costumes de bain : prémices d'un corps dévoilé
Généralement composés d'une blouse et d'un pantalon, les premiers costumes de bain sont réalisés dans des sergés de laine, des toiles de lin ou de coton à l'aspect robuste et... certainement très inconfortables. Leur longueur et leur amplitude garantissent la décence et la pudeur des baigneuses. Néanmoins, les femmes restent contraintes par leur vêtement et par les multiples accessoires qui l'accompagnent. Bonnet, fichu, bas en laine et espadrilles complètent ce costume qu'un corset baleiné, porté dessous, finit de rendre incommode.
Au tournant du XXe siècle, les tenues prennent souvent l'aspect d'amples combinaisons ceinturées qui se raccourcissent sensiblement. Les accessoires tendent à s'alléger. Les têtes se découvrent, les mollets et les bras se dévoilent. Les exploits médiatiques des nageuses Rosa Frauendorfer et Annette Kellerman, qui arborent des tenues favorisant leurs performances, participent à l'émergence de maillots destinés à une nage plus sportive.
Les années 1920, un nouveau rapport au corps
À partir des années 1920, le littoral ensoleillé de la Méditerranée fait de l'ombre aux plages normandes et atlantiques. Les eaux bleues de la Côte d'Azur attirent une population aisée et sportive qui pratique notamment le crawl, emprunté aux surfeurs hawaïens de l'époque. Pour nager au large, les hommes adoptent un maillot de bain ajusté fait d'une seule pièce, en maille souple. Ce modèle est revendiqué par les femmes qui souhaitent aussi gagner en confort. La ressemblance entre les tenues masculines et féminines est saisissante. Les maillots échancrés laissent bras et jambes nus. Les teintes vives et les rayures bariolées remplacent les unis sombres quand les chapeaux de paille sont éclipsés par les bonnets de caoutchouc de couleurs. Une mode balnéaire colorée et unisexe voit le jour.
Sur la plage, c'est la mode d'une peau bronzée, symbole d'un corps sain et sportif. L'héliothérapie est d'abord recommandée par les professionnels de la santé avant que certains médecins ne s'inquiètent de ses excès. Désormais, un nouveau regard, plus libre et moins puritain, est posé sur le corps. Dès le début de la décennie suivante, certaines femmes adopteront le maillot de bain deux-pièces.
Le maillot masculin
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, la tenue masculine s'est adaptée. En effet, si hommes et femmes pratiquent la baignade, les premiers nageurs à s'éloigner du rivage sont des hommes. À la différence de leurs équivalents féminins, les costumes de mer masculins sont moulants, faits d'une seule pièce et confectionnés dans des tissus plus légers et souples, comme des toiles de coton ou des jerseys de laine.
Si les années 1920 concèdent une certaine parité de traitement dans la manière de se vêtir, les années 1930 voient un rétrécissement des tenues de bain à l'avantage de la gent masculine. Afin de profiter au mieux des bains de soleil, alors jugés bénéfiques pour la santé, les hommes adoptent un maillot court, muni d'une ceinture, et arborent un torse nu. À partir des années 1930, les modèles varient entre caleçon, short court ou slip de bain.
La mode balnéaire à travers la presse féminine
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, les revues témoignent du développement des bains de mer. À travers les gravures et les riches descriptions des matières et des détails de coupe, elles exposent la variété des costumes de bain adaptés aux impératifs de la décence. À partir de 1901, les articles parus dans Femina contribuent à modifier le regard porté sur l'exercice physique au féminin, notamment la pratique de la nage. L'apprentissage de la natation favorise la conception d'une tenue laissant apparaître bras nus et mollets gainés d'un collant de laine.
Après la Première Guerre, l'implantation de succursales de maisons de couture dans les stations balnéaires révèle l'engouement du tourisme en bord de mer. Ce phénomène offre aux revues luxueuses l'occasion de promouvoir les grands couturiers à travers leurs garde-robes adaptées aux activités de plage, au yachting ou portées lors des soirées mondaines. Mais la véritable révolution se déroule dans les années 1930, décennie au cours de laquelle les magazines tels que Vogue ou Harper's Bazaar incitent les lectrices à pratiquer une activité sportive. L'injonction à une silhouette mince, tonique et à un teint hâlé pose les critères d'un idéal féminin relayé dans les pages de la presse féminine.
La mode balnéaire après 1950
Tout au long de cette histoire, les couturiers se sont penchés sur cette mode : si Madame Grès a marqué son temps par ses robes du soir drapées en fin jersey plissé, de ses créations balnéaires, pour la plage ou les bords de piscine, se dégage un minimalisme d'avant-garde. Son talent est loué dès les années 1930 par la presse et jusqu'à la fin de sa carrière en 1988 : le quotidien Combat la consacre "Reine de la plage et de la nuit" en 1971.
Miu Miu, marque "sœur" de Prada, présente ses collections à Paris depuis 1993. Baptisée d'après le prénom de sa fondatrice, Miuccia Prada, elle témoigne d'un style plus libre et plus rebelle s'inspirant des tenues balnéaires au sortir de la Seconde Guerre mondiale. On s'arrêtera devant ce manteau en éponge, dont l'imprimé reprend les motifs de papiers peints des années 1970, qui fit scandale lors du défilé de la collection Prada de l'été 1996. Cette dernière entraîna l'incompréhension d'une partie de la presse qui condamna son mauvais goût (avant de se raviser).
Exposition "La mode en mouvement #2", jusqu'au 5 janvier 2025. Palais Galliera, Musée de la mode de Paris, 10 avenue Pierre Ier de Serbie, 75116 Paris. Du mardi à dimanche de 10h à 18h. Fermé les lundis. Nocturnes les jeudis jusqu'à 21h.
Voir aussi sur cette carte interactive, les expositions liées au Jeux olympiques Paris 2024 et aux Olympiades Culturelles
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